14 janvier 2018. place Poelaert. Le palais de justice de Bruxelles, comme c’est le cas depuis une semaine, est assiégé par les forces de l’ordre. Le procès de Mehdi Nemmouche et de Nacer Brender, inculpés pour l’attentat au Musée juif le 24 mai 2014, se tient devant la cour d’assises de Bruxelles depuis le lundi 7 janvier. Si, en France, les affaires terroristes sont également traitées en assises, elles sont prises en charge par des juges professionnels. Chez nous, c’est toujours un jury populaire qui a la charge d’apprécier les faits reprochés dans ces dossiers. Les premières audiences ont donc été consacrées à la sélection des douze jurés. Ensuite, la lecture de l’acte d’accusation, long de 184 pages, par le procureur général Bernard Michel a débuté jeudi après-midi pour se poursuivre le vendredi. Dans la salle des assises au décorum suranné – velours cramoisi, marbre, bois foncé et toges rouge et noir –, les pièces à conviction sont exposées: une Kalachnikov et un pistolet .38, ainsi que les douilles et projectiles retrouvés dans les corps de trois des quatre victimes. Pas d’audiences ce lundi: elles reprendront demain, avec le début des interrogatoires de deux inculpés.
Retour au rez-de-chaussée, à la 50e chambre du même tribunal correctionnel: beaucoup de remises, des avocats absents ou retenus par le susdit procès d’assises, avec des reports d’audience, parfois jusqu’au mois de septembre prochain.
Ce qui ne veut pas dire que le palais de justice est vide. Au sous-sol, le procès d’un prévenu accusé de fratricide s’est ouvert devant le tribunal correctionnel de Bruxelles: inculpé du meurtre de son frère, Olivier De Bock comparaît libre. Enfin, libre…: il porte un bracelet électronique et devait verser 20.000 euros de caution pour sortir de prison, après y avoir passé une année de détention préventive. Cette affaire aurait dû être jugée devant une cour d’assises. En vertu de la loi Geens qui avait pour objectif de désengorger ces dernières, elle a été correctionnalisée. Mais, entre-temps, cette loi a été annulée par la Cour constitutionnelle. Cela étant, l’affaire De Bock restera en correctionnelle. Donc pas de jury populaire pour essayer de faire la lumière sur cette affaire. Des éléments dans le dossier sont troublants: des propos proférés par la victime peu avant sa disparition, fâchée de voir l’héritage du père dilapidé par le frangin, la garde-robe du prévenu entièrement nettoyée dans une laverie automatique, le lendemain de la découverte du corps, mais surtout le GSM du frérot borné à l’endroit où l’on a retrouvé Yves De Bock, douze jours après qu’il a disparu. Le parquet l’estime coupable; le prévenu, lui, continue de tout nier en bloc.
Retour au rez-de-chaussée, à la 50e chambre du même tribunal correctionnel: beaucoup de remises, des avocats absents ou retenus par le susdit procès d’assises, avec des reports d’audience, parfois jusqu’au mois de septembre prochain. Un prévenu et son avocat sont tout de même présents et l’affaire est plaidée: elle concerne un papa pakistanais qui a cogné sa fille majeure et vaccinée pour avoir été manger avec des collègues de bureau. Il explique: «J’étais fâché, je lui avais demandé de dire où elle était et elle n’avait pas répondu». Résultat: quatre jours d’incapacité de travail. Le juge écoute. La substitute du procureur du Roi parle d’honneur et de pratiques culturelles inadaptées. Elle requiert une peine de deux ans. Le jugement sera rendu dans deux semaines. Probablement une peine de deux ans, assortie d’un sursis probatoire, c’est-à-dire une peine qui ne sera pas effectuée à la condition de suivre une formation pour les faits de violence, vu que le prévenu est primo-délinquant. Peut-être aussi, pourquoi pas, lui intimer la vision de l’excellent film L’étrangère, de Feo Aladag, réalisatrice mariée à un Turc et sensibilisée à cette question des crimes d’honneur.