Alter Echos a récemment révélé le projet de circulaire de la direction générale de l’Aide à la jeunesse1 qui limite laprésence des services mandatés lors des audiences du tribunal de la jeunesse. Un texte qui suscite la colère des magistrats. Michel Noël, directeur généraladjoint de l’Aide à la jeunesse, revient avec nous sur les raisons qui ont poussé l’administration a rédiger ce projet de circulaire.
La circulaire relative à la présence aux audiences des services mandatés de l’Aide à la jeunesse crée bien des remous. Qu’est-ce qui a poussé la DGAJ arédiger ce texte ?
Pendant longtemps, à l’administration centrale, nous avons été avertis par des directeurs de l’Aide à la jeunesse de problèmes lors d’audiences. Les audiencespour une aide contrainte (lorsque l’aide volontaire a échoué ou que l’intégrité physique ou psychique de l’enfant est menacée, ndlr), qui résultent d’unedemande du conseiller de l’Aide à la jeunesse, ne posent pas trop de problèmes. Mais c’est au bout d’un an, lors des audiences de renouvellement de ces mesures que desdifficultés ont été constatées. Des services mandatés par le directeur de l’Aide à la jeunesse, dans le cadre de l’application de la mesure d’aide contrainteviennent aux audiences et expriment souvent une opinion, un avis, qui va à l’encontre de ce qu’ils ont dit au directeur de l’Aide à la jeunesse.
Quel type de problème cela pose-t-il ?
Tout d’abord, si l’attitude d’un jeune change, c’est le directeur de l’Aide à la jeunesse que le service doit informer. Sans cela le directeur ne pourra consigner cette information dans sonrapport au juge. Cela pose surtout un problème de cohérence par rapport au jeune à qui on exprime des messages contradictoires. C’est de l’incohérence pédagogiquemanifeste. Je tiens à signaler que la commission de la déontologie de l’Aide à la jeunesse est d’avis que l’incohérence est une faute.
Qu’est-ce qui pousserait les services à agir de la sorte ?
Je n’ai pas d’éléments pour le dire. Peut-être que la personne qui va à l’audience ne connaît pas bien le jeune, ou qu’il est plus impressionné par le juge.Je ne sais pas, je constate juste un fait.
Il s’agit donc d’interdire aux services de se rendre aux audiences ?
Non, cette circulaire est à l’état de projet et propose aux services des balises déontologiques. Nous ne nous situons pas dans l’interdiction. L’idée est de dire qu’apriori les services ne sont pas partie à la cause et n’ont pas à assister à l’audience sauf dans trois cas : si le jeune demande à être accompagné, si leservice est convoqué par le tribunal ou, dans certains cas, lorsque le juge considère que le service d’hébergement a la garde du jeune. Dans ces trois cas, les services peuvents’y rendre, mais on leur dit « veillez à la cohérence pédagogique ». Ils devraient peut-être rencontrer le directeur de l’Aide à la jeunesseavant.
Certains services, et certainement les magistrats, considèrent cette circulaire comme un texte hostile. L’Union des magistrats de la jeunesse a même évoqué une« immixtion dans le travail des juges »…
Le projet est adressé aux services mandatés et à personne d’autre. Vu que cela touche aux compétences de la Justice nous avons voulu informer les magistrats. Faceà ce texte, certains ont eu des réactions très virulentes, la Justice n’était plus sereine. Face à leur réaction et vu la position du cabinet, nous avonsentamé une concertation.
Les juges affirment qu’on les prive d’une source d’information essentielle à la prise de décision.
A mon avis, les représentants des parquets généraux étaient plus nuancés que les magistrats du siège. Ceux qui sont véhéments n’appliquentpas vraiment le décret. Lors d’une audience, lorsqu’un juge donne la parole à un service, il dit en quelque sorte que les informations du directeur de l’Aide à la jeunesse ne luisuffisent pas. Il veut démontrer que la déjudiciarisation ne fonctionne pas. S’il veut plus d’informations, il peut demander des compléments au directeur de l’Aide à lajeunesse.
Mais tout de même, les magistrats estiment qu’ils sont les autorités qui mandatent les directeurs de l’Aide à la jeunesse qui ensuite mandatent les services. Parconséquent le secret est partagé par ces acteurs, « entre autorités mandantes »…
Si on excepte Bruxelles, où le système est différent, c’est le directeur qui fixe les modalités. Le tribunal n’est jamais le mandant, aucun texte ne va dans le senscontraire.
Quelles sont les prochaines étapes avant l’adoption de ce texte ?
Nous n’avons pas de planning précis, mais on prendra le temps qu’il faudra pour rencontrer les magistrats.
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