Il y a juste un an, la Ligue des droits de l’homme1 introduisait à la Cour d’arbitrage un recours en annulation totale ou partielle de la loi sur le droit àl’intégration sociale. L’arrêt n°5/2004 rendu le 14 janvier lui donne raison sur trois points et se félicite des motifs invoqués par la juridiction.2 Ducôté de la ministre Arena, on veut éviter de se retrouver devant un vide juridique.
La Cour refuse l’annulation totale de la loi. Elle a respecté, contrairement à ce que la Ligue tentait d’argumenter, les compétences respectives dufédéral et des Régions, que ce soit en matière de placement des demandeurs d’emploi ou d’action sociale.
La Cour refuse aussi l’annulation de nombre d’articles ou d’alinéas demandés par la Ligue. Par exemple, le fait de n’obliger que les moins de 26 ans àsigner une convention d’intégration ne constitue pas une inégalité de traitement, mais une mesure appropriée face au problème social réel que constituel’exclusion sociale des jeunes.
Trois annulations
Les « moyens » de la Ligue sont toutefois jugés fondés à trois occasions.
> La Cour annule le fait que pour les ressortissants d’États membres de l’Union européenne, il faut pour bénéficier du revenu d’intégrationsociale (RIS) justifier de son statut de travailleur (règlement CE 1612/68). Pour la Ligue, c’est absurde, puisque si on est travailleur, on jouit d’un revenu et on n’entrepas en ligne de compte pour le RIS.
> Le calcul du RIS de la personne isolée tient compte de sa charge d’enfants. Pour le cohabitant, la loi refuse cette majoration. La Cour annule ce refus discriminatoire.
> Le RIS d’une personne isolée est majoré quand il soutient économiquement un de ses enfants mineurs. Donc quand il paie une pension alimentaire. Mais pas quand ilpaie une contribution parce que son enfant est placé. La Cour annule cette exception.
La Ligue se félicite que ces annulations soient fondées non seulement sur la Consitution, mais aussi sur le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux etculturels, un des traités internationaux qui traduisent en droit la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Vide juridique?
La Cour peut annuler tout ou partie d’une loi mais ne peut pas légiférer. Quelles sont donc les implications de ces trois annulations? Pour la première et latroisième, la Cour annule des exceptions ou des conditions. Ces deux annulations ne rendent pas la loi inapplicable. Pour Alexandre Lesiw, conseiller de la ministre Arena responsable del’Intégration sociale au sein du gouvernement fédéral :
> « pour les étrangers ressortissants de l’Union, l’annulation ne change presque rien dans les faits. Ils doivent juste attendre six mois de moins pour demander le RIS»;
> « pour les parents d’enfants placés, ce sont des cas rarissimes, c’est de la spéculation intellectuelle ».
La prise en compte des enfants à charge pour les cohabitants semble, elle, par contre, gêner aux entournures. « C’est plus compliqué, continue Alexandre Lesiw. Il fautd’abord savoir que l’annulation n’est d’application qu’à compter de la parution de l’arrêt de la Cour au Moniteur belge, ce qui peut prendre uncertain temps. Nous avons demandé à des juristes de plancher sur la question et attendons une réponse rapide. On espère avoir la solution avant la parution au Moniteurpour que les CPAS ne soient pas face à un vide juridique. » Le risque : devoir changer le mode de calcul du montant d’une partie des RIS cohabitants.
1. Chée d’alsemberg 303 à 1190 Bruxelles. Guillaume de Walque, tél. : 02 209 62 87,
e-mail : gdewalque@liguedh.be
2. L’arrêt peut être téléchargé sur le site internet de la Cour : http://www.arbitrage.be