La Cour des Comptes a rendu son 163e cahier au parlement fédéral1. Fourmillant d’informations précises sur des questions aussi variées quel’incidence de la réforme Copernic sur les pensions ou le fonctionnement de la Régie des bâtiments. Il est également traversé par des manquements dans la gestioncomptable et financière des services à gestion séparée2, dont la moitié n’a pas encore remis ses comptes 2005 à la Cour – avec des casparticulièrement lourds : l’Institut national de criminalistique et de criminologie qui n’a transmis aucun compte depuis 1998.
Un fonds de créances… sous-alimenté
Si les budgets et services traités sont ceux du gouvernement fédéral, les enseignements qui peuvent être tirés du 163e cahier concernentégalement les politiques régionales et communautaires. Ainsi, la Cour des Comptes relève-t-elle les dépassements de crédit, de l’ordre de près de 2 100 000euros du Fonds de paiement des avances en matière de créances alimentaires. Selon le rapport, « l’usage d’autorisations spéciales de positions débitrices montre queles recettes affectées à certains fonds ne sont structurellement pas suffisantes pour couvrir les dépenses. » Et la Cour d’ajouter que, dans ces conditions,« lessoldes des fonds budgétaires en cause ne peuvent que se creuser, et les autorisations – dérogatoires aux lois sur la comptabilité publique – devront chaqueannée couvrir un montant plus important […]. » Autrement dit, les montants dus sont payés, mais une insécurité est créée du fait de l’insuffisancedes montants initialement budgétés (qui doivent être réévalués chaque année, par une procédure dérogatoire que dénonce la Cour).Si le constat était valable pour 2005, l’année 2006 semble encore plus « exemplaire » du sous-financement structurel du fonds. Ainsi la position débitrice du fonds aété amenée, par dérogation de 5 à 10 millions d’euros lors du budget initial 2006, puis de 10 à 20 millions lors du premier ajustementbudgétaire3.
L’ancrage belge
Mais le rapport est probablement aussi intéressant par ce qu’il ne peut dire, que par ce qu’il dit. Ainsi, les experts de la Cour ont-ils souhaité évaluer le coût del’application du principe de l’ancre. Décidé en 2002, celui-ci revient à geler une partie des paiements des départements à partir d’une certaine date, et àles reporter à l’année suivante. Selon l’Unizo (Union flamande des classes moyennes), cette pratique laisserait pour cette année 659 millions d’euros de factures en souffrance– avec une charge d’intérêts de 10 millions d’euros, soit quatre fois plus que l’année dernière. Des chiffres que la Cour des Comptes n’est pas en mesure de confirmerpar manque d’outil comptable dans les départements : en effet, les départements imputent les factures non pas au moment de leur arrivée, mais de leur paiement4! Notonsque la situation actuelle, aussi difficilement lisible soit-elle, semble néanmoins peu compatible avec la déclaration que Johan Vande Lanotte, ministre du Budget (SP.A) sous lequel aété décidée l’application du principe de l’ancre, avait faite au Sénat le 5 septembre 2002 : « En aucun cas, le principe de l’ancre ne peut avoir pourconséquence d’alourdir davantage le budget de l’État dans le sens qu’un retard de paiement donnerait lieu à des indemnités ou à des amendes financièressimilaires. » Du côté politique, c’est le CDH qui a réagi avec le plus de virulence à la situation, dénonçant une politique à courte vue,hypothéquant l’action du futur gouvernement : « Une partie des crédits budgétaires 2007 ayant servi à payer des factures de 2006, déclare le parti dans uncommuniqué, le futur gouvernement disposera de marges extrêmement étriquées afin de mener de nouvelles politiques. »
Notons néanmoins que, jusqu’à un certain point, le budget de la Communauté française a pu servir de laboratoire pour ce type de mesures, avec la décision deretarder de quelques jours le versement du salaire de décembre des enseignants au mois de janvier, afin d’imputer les dépenses sur l’année comptable suivante.
1. Les deux cahiers, dont l’ensemble fait plus de 1000 pages, sont téléchargeables sur le site de la Cour, demême qu’une synthèse (6 pages).
2. Les SGS sont des services de l’État dont la gestion est, en vertu d’une loi particulière, distincte de celle des services d’administration générale.Ils ne sont pas dotés d’une personnalité juridique propre.
3. Il est à noter que deux autres fonds présentent des dépassements similaires : le Fonds social européen belge et le Fonds d’Économie sociale.
4. Face à ces critiques de la Cour, on peut s’étonner que le projet Fedcom de réforme de la comptabilité de l’État ait connu un tel retard que les créditsqui devaient lui être consacrés en 2005 n’aient pas été utilisés.