Crise financière, crise de la dette, crise économique. Les États les plus affectés par la crise ont cessé de se demander comment ils allaient financer leur système de santé au cours des trente prochaines années. Ils s’inquiètent désormais de leur capacité à payer les soins de santé au cours des trois prochains mois… Une récente étude de l’Observatoire européen sur les systèmes et politiques de santé (European observatory on health systems ans policies) s’est attachée à décrypter, de manière comparative, les effets de la crise sur la santé et sur les systèmes nationaux de santé. Elle a regardé de près comment les États européens ont tenté, entre 2008 et 2013, de répondre à ces défis.
La crise a affecté les différents pays de manière variée, explique l’étude. Chute du PIB, hausse du chômage, chute ou en tout cas baisse des dépenses publiques en matière de santé (que ce soit en des termes absolu ou relativement aux dépenses publiques en général)… La plupart des changements ont été mineurs, mais dans plusieurs pays, ces effets se sont révélés plus violents. «Cette crise a confirmé ce que nous savions déjà: les chocs économiques sont une menace pour la santé et pour la performance des systèmes de santé.» Car une crise économique a pour conséquence une augmentation des besoins en soins de santé, mais, simultanément, elle en limite l’accessibilité.
Une question de choix
Mais même en temps d’austérité, les décideurs politiques peuvent faire des choix favorables afin de limiter les effets d’un choc économique sur la santé de la population et sur un système de santé. C’est une des conclusions principales de cette étude, qui tend à démontrer que les réponses à la crise, variables selon les pays, ne sont pas juste le reflet de différences de contexte, mais traduisent plutôt les choix politiques qui sont réalisés. Et que même des pays subissant une pression fiscale importante peuvent introduire des changements qui renforcent la performance et la résistance de leur système de santé.
Parmi les mesures positives relevées par cette étude, relevons-en quelques unes: quand des coupes budgétaires sont effectuées, le fait qu’elles soient d’une manière la plus sélective possible et en vue d’une réallocation des ressources vers des services «à haute valeur ajoutée»; des mesures spécifiques de protection et d’accès à la santé pour les personnes à risque de pauvreté, les personnes sans-emploi ou en mauvaise santé; une politique d’achat de produits pharmaceutiques et de prix qui permette d’atteindre les mêmes résultats à moindre coût; la mise en place d’une restructuration planifiée des hôpitaux… Mais aussi, à plus long terme: une politique forte de prévention et de promotion de la santé, une priorité accordée aux soins de santé primaires…
Atténuer les effets négatifs de la crise économique sur la santé nécessite des réponses intersectorielles, conclut également l’étude: une politique sociale forte, qui permet aux ménages d’accéder à la sécurité financière et de mettre en place des filets de sécurité pour les personnes les plus vulnérables, et la politique budgétaire en sont les principales composantes.
La crise pourrait même, plus qu’une menace, être une opportunité pour introduire les changements nécessaires dans les systèmes nationaux de santé, à condition d’éviter la précipitation dans la mise en œuvre de réformes complexes. À bon entendeur…
Aller plus loin
Alter Échos n° 378 du 21.03.2014 : «L’austérité nuit gravement à la santé» (édito)