Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

La direction du Contentieux au petit trot ?

Des retards de liquidation de subventions de la Région wallonne mettent certaines structures en danger. La direction du Contentieux est pointée du doigt.

29-03-2010 Alter Échos n° 292

Un nombre important de structures en Région wallonne choisissent de préfinancer leurs subventions en négociant des crédits de trésorerie auprès d’unorganisme financier. Prises en gage par l’administration, ces subventions tarderaient à être ensuite libérées par la direction du Contentieux. Une situation qui metbeaucoup de structures en difficulté.

Les rumeurs vont bon train ces derniers temps à propos de la direction du Contentieux de la Région wallonne. Il faut dire que le rôle de ce service de la DGT2 (Directiongénérale transversale du Budget, de la Logistique et des TIC) est important pour quantité de structures dépendantes des subventions de la Région wallonne. Et pourcause : dès lors qu’ils accordent un crédit aux structures afin de préfinancer les subventions, bon nombre d’organismes financiers prennent en gage ces subventions et notifientce fait à la Région wallonne. Dans ce cas de figure, le dossier est alors traité par la direction du Contentieux par laquelle vont obligatoirement transiter lesdits subsides. LeContentieux les reverse ensuite à l’organisme financier, qui se voit ainsi remboursé en ayant entre-temps perçu des intérêts versés par les structures duranttout le temps de la procédure. Une procédure qui ne devrait prendre, selon certains, que de six à huit semaines. Problème : depuis près de cinq ans, la direction duContentieux connaîtrait certains ratés et les délais se verraient portés à six mois, voire plus. Une situation qui mettrait de nombreuses structures dans de salesdraps.

« Si nous ne sommes pas encore capables d’objectiver le nombre de structures en danger, cette situation est problématique pour beaucoup de nos membres », déclare ErikMikolajczak, secrétaire général de l’Interfédération des EFT-OISP1. Du côté de la Sowecsom2 (Société wallonned’économie sociale marchande), on abonde dans le même sens en déclarant que bon nombre d’EI (entreprises d’insertion) seraient concernées. « Le problème estrécurrent et existe depuis des années, affirme Michel Colpé, directeur. Il existe certaines EI qui attendent jusqu’à 30 000 euros de subventions. C’est un peu se moquerd’elles. » Dans ce contexte, certains organismes de crédit, comme Crédal3, ont développé une approche alternative. « Dans certains cas, nous pouvonsopter pour le gage non notifié, c’est-à-dire que nous ne notifions pas à la Région wallonne que nous prenons le subside en gage, affirme Isabelle Philippe, coordinatrice »crédit solidaire ». Le subside arrive alors directement sur le compte de la structure étant donné qu’il ne passe plus par la direction du Contentieux. » Crédal estensuite remboursé par son client.

Néanmoins, la situation reste problématique. « L’option que nous avons choisie constitue une prise de risque pour nous, c’est pourquoi nous la réservons aux clientsconnus et présentant une situation financière et organisationnelle saine », continue Isabelle Philippe qui déclare que Crédal aurait notamment rencontré ladirection de la DGT2 afin d’améliorer la situation. La Sowecsom, quant à elle, aurait écrit à la Région et serait remontée jusqu’au médiateur de laRégion wallonne4.

Chez le médiateur

Chez le médiateur, justement, on se déclare conscient du problème. « Nous avons effectivement eu pas mal de réclamations, nous dit-on. À la suite de cela,nous avons exposé le problème en Commission parlementaire les 8 (Commission du Budget, des Finances, de l’Emploi, de la Formation et des Sports) et 9 (Commission de la Santé, del’Action sociale et de l’Égalité des chances) mars 2010. Nous n’avons cependant pas encore eu de retour. »

À lire les comptes-rendus des Commissions, Frédéric Bovesse, médiateur, y note effectivement à propos de la direction du Contentieux que « (…) Depuisplusieurs semaines, il semble à nouveau se confirmer que des problèmes de délai et de traitement des dossiers se produisent (…) au sein de cette administration etgénèrent une forte inquiétude des secteurs concernés ».

Néanmoins, le médiateur fait également remarquer qu’un bilan du processus administratif demandé à la DGO5 (la DG opérationnelle Pouvoirs locaux, Actionsociale et Santé) a fait apparaître que d’autres éléments pouvaient expliquer le retard de liquidation des subventions : organisation interne de l’administration,intervention du ministre, de la Cour des Comptes et de l’Inspection des finances. Les asbl, elles-mêmes, tarderaient également parfois à rentrer les justificatifs de leursdépenses subventionnées.

Des problèmes d’effectifs

Ce constat posé, il reste à savoir ce qui « cloche » du côté de la direction du Contentieux. Si l’on excepte les ragots concernant le caractère« procédurier » du service, il semble que ce soit du côté d’un manque de personnel qu’il faille trouver l’explication. Outre les maladies, départs ou mutationsde personnel, une source proche du dossier nous confirme effectivement qu’il manquerait à l’heure actuelle trois juristes au sein de la direction. Face à cette situation, la DGT2 auraitattiré l’attention des services publics sur cette problématique. Une procédure de recrutement aurait été lancée il y a… quatre ans. Si aprèspremière consultation des candidats par l’administration publique, aucun choix n’avait été opéré, une nouvelle consultation serait en cours. Si tout sedéroule bien, le service devrait dès lors se voir renforcé pour la fin du dernier quadrimestre de cette année.

Répondant le 24 mars 2010 à une question écrite sur le sujet, Jean-Marc Nollet (Écolo)5, ministre de la Fonction publique de la Région wallonne,apporte quelques précisions : « Le gouvernement a prévu de renforcer les effectifs en déclarant vacants trois emplois de niveau universitaire et du métier dejuriste. Les procédures en vue d’y pourvoir sont en cours actuellement et devraient aboutir dans les prochains mois. Dans l’attente de l’entrée en service de ces juristes statutaires,l’administration a sollicité l’accord du ministre fonctionnellement compétent pour engager des agents sous contrat de travail à durée déterminée. (…) Pource qui concerne la gestion des dossiers par cette direction et sous réserve d’informations plus complètes que pourrait vous fournir le ministre en charge du Budget, je puis faire partdes éléments suivants : pendant de nombreuses années, cette direction a souffert d’un manque d’effectifs pour gérer les dossiers portant sur les dépenses autres queles rémunérations des agents. (…) La tâche de cette direction est d’autant plus ardue qu’elle devait
résorber l’encours constitué en raison des difficultésrencontrées depuis 2005 et faire face à une augmentation du nombre de demandes de paiement, qui sont stabilisées depuis 2009. » Là où il semble y avoir unpetit hic, c’est que, on le voit, Jean-Marc Nollet laisse entendre que l’affaire est du ressort du cabinet d’André Antoine (CDH)6, ministre du Budget de la Région wallonne :« Si nous nous trouvions dans le cadre d’une création de nouveaux emplois, l’affaire serait bien du ressort de Monsieur Nollet, nous confirme-t-on au cabinet de l’éluÉcolo. Or, vu qu’il s’agit ici de postes budgétés, vacants, et qu’il s’agit de la DGT2, ils dépendent du ministre « fonctionnel », à savoir Monsieur AndréAntoine. »

Chez le ministre du Budget, on confirme, tout en déclarant faire le maximum afin de résoudre une situation héritée du passé. On renvoie également àune séance publique de commission du 22 mars au cours de laquelle André Antoine s’est exprimé sur le sujet dans les termes suivants : « (…) Vous devez néanmoinssavoir que cette direction établit des priorités dans le traitement des dossiers comme suit :
1° la rémunération des agents du SPW et du Sepac en contentieux
2° les subventions de fonctionnement aux asbl et aux entreprises à finalité sociale
3° les factures aux sociétés/commerçants
4° les autres primes aux particuliers
5° d’autres dossiers. Cette liste nous indique que les dossiers des EFT/OISP sont traités en priorité, après ceux des agents du SPW.
L’information est importante (…) Quant à la solution envisagée, elle passe par le recrutement de personnel dont le profil est essentiellement juridique (…) À ce niveau, lesrésultats d’une procédure menée par le Selor en octobre et novembre 2009 viennent d’être notifiés aux lauréats du SPW par la DGT1 [NDLR chargée dedéfinir les grandes orientations du Service Public de Wallonie]. Il reste à savoir aujourd’hui si ces postes pourront être pourvus à la DGT2 dans le cadre de cetteprocédure. À défaut de succès des procédures Selor en cours ou dans l’attente d’autres, mon analyse actuelle est qu’il conviendra de recourir à l’engagementde contractuels. » Affaire à suivre, donc…

1. Interfédération des EFT-OISP :
– adresse : rue Marie-Henriette, 19/21 à 5000 Namur
– tél. : 081 74 32 00
– courriel : secretariat.interfede@skynet.be
– site : www.interfede.be
2. Sowecsom :
– adresse : rue Dewez, 49 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 01 31
– site : www.sowecsom.be
3. Crédal :
-adresse : place de l’Université, 16 à 1348 Louvain-la-Neuve
– tél. : 010 48 33 50
– courriel : credal@credal.be
– site : www.credal.be
4. Médiateur de la Région wallonne :
– adresse : rue Lucien Namèche, 54 à 5000 Namur
– tél. : 081 32 19 11
– courriel : courrier@mediateur.wallonie.be
– site : www.mediateur.wallonie.be
5. Cabinet de Jean-Marc Nollet :
– adresse : place des Célestines, 1 à 5000 Namur
– tél. : 081 32 17 11
– site : www.nollet.info
6. Cabinet d’André Antoine :
– adresse : rue d’Harscamp, 22 à 5000 Namur
– tél. : 081 25 38 11
– courriel : andre.antoine@gov.wallonie.be
– site : www.min-antoine.be

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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