Après maintes péripéties, les États membres de l’Union européenne ont adopté, le 29 mai, à l’unanimité, la directive sur lalibéralisation des services. Seules la Belgique et la Lituanie se sont abstenues.
La proposition de la Commission européenne date du 13 janvier 2004. Après un compromis entre socialistes et droite conservatrice, le Parlement européen était parvenu,le 16 février, à modifier les aspects les plus polémiques du texte. Le « principe du pays d’origine », selon lequel le prestataire est soumis à la seulelégislation de son pays d’origine pour la prestation de services transfrontaliers, a disparu. Et le champ d’application du texte, qui couvrait sans distinction les services publicsd’intérêt économique général – ceux qui sont prestés contre rémunération – a été largement réduit. Dansl’ensemble, le Conseil des ministres a suivi l’avis du Parlement. Toutefois, la directive comporte quelques modifications censées satisfaire les défenseurs d’une ligneplus libérale, en particulier le Royaume-Uni et les États d’Europe centrale. Ceux-ci avaient estimé leurs intérêts lésés par le vote deseurodéputés.
Encadrement des restrictions
Une nouvelle disposition impose aux États membres de rapporter à la Commission – et de justifier – les restrictions qu’ils imposeront aux entreprises européennesdésireuses d’offrir temporairement des services ailleurs dans l’Union. Cet exercice sera repris dans une « liste de restrictions » que la Commission diffusera auxÉtats membres. Selon le Conseil, cette disposition aidera les entreprises à s’informer sur les méthodes susceptibles de bloquer la libre prestation. De soncôté, la Commission pourra dégager des « orientations » sur l’application de ces restrictions. Les États pourront les invoquer pour protéger lasécurité, l’ordre public, la santé publique ou l’environnement. Elles devront être « proportionnées, nécessaires et non discriminatoires». Le fameux article 16 du projet de directive, qui contenait le « principe du pays d’origine », désormais banni, sera soumis à révision cinq ansaprès l’entrée en vigueur du texte.
Champ d’application
Le Conseil a également limité le champ d’application de la législation, comme le souhaitaient les députés. Selon le vote de l’Assemblée deStrasbourg, les soins de santé et l’éducation publique sont exclus du texte. En revanche, l’enseignement dispensé par des établissements privésau-delà de la période d’éducation obligatoire – fixée à 16 ans – reste dans le champ de la directive. En effet, les services de type «master » payant font, selon la jurisprudence de la Cour de justice de Luxembourg, partie des services commerciaux. La Belgique a réclamé en vain la mise àl’écart de tous les services d’éducation. De fait, elle s’est abstenue d’adopter la version du Conseil. Le pays craignait une confusion entre son systèmede hautes écoles et les offres plus commerciales des universités privées. Elle dénonçait un « vide juridique » laissant à la Cour le soin detrancher, au risque de privilégier une orientation plus libérale. Toutefois, au sens du traité établissant la communauté européenne, les universitéset les hautes écoles ne sont pas concernées par la directive dans la mesure où leur activité répond à l’intérêt général.
Les services sociaux bénéficient d’une exclusion par défaut qui reste assez floue. Les services non concernés sont ceux « fournis par l’État,les prestataires mandatés par l’État ou les organisations caritatives reconnues comme telles par l’État ». Par contre, sont explicitement exclus les services desanté, le logement social ainsi que l’intérim. Toutefois, étant donné l’évolution constante de leur groupe, ils ne sont pas pour autant àl’abri de nouvelles tentatives de libéralisation comme l’atteste la récente communication sur les services sociaux du 26 avril destinée à les adapter aumarché. Sont également sortis du champ de la directive les services des notaires, les services financiers, l’audiovisuel, les transports, les jeux de hasard et les services desécurité privée.
La Confédération européenne des syndicats a accueilli la nouvelle mouture avec réserve : « Nous ne pourrons nous estimer totalement satisfaits que lorsque nousaurons obtenu des garanties sur l’exclusion du droit du travail et des services sociaux. » Le syndicat européen des patrons, l’Unice, regrette la réduction du champd’application, mais se console avec l’introduction du contrôle des restrictions, qui devrait améliorer, selon lui, la transparence du marché. La directive doit encorepasser devant le Parlement pour une seconde lecture, puis revenir au Conseil. Certains pronostics tablent sur un accord final avant l’été, d’autres pour la fin del’année.