En 2015, 21% de la population belge était touchée par la précarité énergétique. Pour la Fondation Roi Baudouin, certains ménages pourraient voir leur facture allégée s’ils pouvaient mieux la comprendre et y trouver les informations nécessaires. Trop compliquée la facture? C’est une évidence et plusieurs propositions de simplification sont actuellement testées.
La facture d’énergie n’est pas le document le plus agréable à consulter, et pas seulement parce qu’il s’agit d’une «invitation» à payer. Il n’est pas toujours évident de décrypter la masse d’informations qui sont données, surtout dans la facture de régularisation annuelle. On serait tenté d’y voir une nouvelle spécialité belge mais ce n’est pas le cas: 41% des consommateurs européens estiment leur facture d’électricité difficile à comprendre.
La plateforme de lutte contre la précarité énergétique de la Fondation Roi Baudouin, qui réunit notamment les fournisseurs d’énergie, les CPAS, les régulateurs et les organisations de lutte contre la pauvreté, publie régulièrement le Baromètre de la précarité énergétique, et son rapport 2017 s’accompagne d’une réflexion sur la complexité de la facture d’énergie.
«La complexité des factures d’énergie est un casse-tête supplémentaire», Pascale Taminiaux, de la plateforme de lutte contre la précarité énergétique de la Fondation Roi Baudouin
Comment mesure-t-on cette forme de précarité? Trois indicateurs sont utilisés (lire l’encadré). La précarité mesurée, soit une facture d’énergie supérieure de plus de 11% supérieure à leur revenu disponible, l’argent du ménage, déduction faite du coût du logement (14,5% des ménages concernés). La précarité cachée qui se révèle par une consommation trop basse pour couvrir les besoins de base (3,9%) et enfin la crainte de ne pas pouvoir suffisamment chauffer sa maison. C’est la précarité subjective qui touche 5,1% des ménages. Au total, 21% des Belges sont considérés comme étant en précarité énergétique mais avec de fortes différences parfois selon les Régions et le type de ménages (lire dessous). Cette année, le Baromètre a mis en lumière la fragilité particulière des locataires, des familles monoparentales, des isolés et des seniors. Pour eux, «la complexité des factures d’énergie est un casse-tête supplémentaire, constate Pascale Taminiaux pour la plateforme de la Fondation Roi Baudouin. Il est donc apparu important et urgent d’agir sur la lisibilité de ces factures d’énergie». Une facture claire permettrait, pour les ménages les plus précarisés, de mesurer l’état de la dette, de vérifier l’application du tarif social voire de comparer les prix des différents fournisseurs d’énergie. Simplifier la facture d’énergie, c’est une revendication déjà très ancienne des associations de lutte contre la pauvreté mais qui n’a jamais abouti. Cette fois, la plateforme de la Fondation Roi Baudouin a «planché» sur la question pendant près d’un an pour identifier les bonnes pratiques possibles.
La facture contient une masse d’informations dont certaines n’ont aucune utilité pour le consommateur (comme le détail de la TVA ou certaines mentions légales) alors que d’autres font défaut ou alors sont perdues dans des tout petits caractères. Manque, par exemple, la mention de l’application ou non du tarif social. Or, selon le Réseau wallon pour l’accès durable à l’énergie (Rwadé), l’attribution de l’octroi de ce tarif n’est pas si automatique que prévu. Autre problème: la vérification de ce qui a déjà été payé. Le consommateur reçoit la liste de ce qui a été facturé mais quid si tout n’a pas été payé? La plateforme a identifié plusieurs enjeux auxquels doit répondre une facture simplifiée. Être concise pour rester lisible. Donner la possibilité de vérifier les données utiles comme le caractère estimé ou réel de la consommation, le solde ouvert, le montant des frais administratifs, le type de contrat et sa durée. Il faut aussi permettre au consommateur de savoir à qui s’adresser en cas de problèmes, qu’ils soient administratifs, techniques ou financiers.
Trois modèles à tester
Un groupe de travail a conçu trois modèles de factures. Elles sont toutes fondées sur les enjeux cités. La première page de la facture regroupe les informations essentielles. Combien, quand et comment payer. L’objet précis de la facture: Intermédiaire? Régularisation? Cette première page doit aussi mentionner la consommation facturée, le prix unitaire global, l’application ou non du tarif social et un contact pour trouver l’aide. Pour le reste, le détail des coûts doit être simplifié. Sur un des modèles, ces coûts sont résumés en cinq lignes plutôt qu’en douze. Les exemples de factures simplifiées sont actuellement testés auprès des ménages, des travailleurs sociaux mais aussi des fournisseurs pour évaluer leur faisabilité sur le plan technique et juridique.
Les résultats sont attendus pour le mois de juin. Les premiers «retours» sont positifs, dit-on à la Fondation Roi Baudouin. Les recommandations seront alors déposées auprès des décideurs politiques et en particulier auprès du ministre chargé de la protection des consommateurs, Kris Peeters. Le cabinet est partie prenante du travail de simplification amorcé au sein de la plateforme, précise Pascale Taminiaux, qui ajoute: «Pour les ménages touchés par la précarité énergétique, l’incompréhension de la facture entraîne souvent un enlisement administratif et un non-recours à des droits comme celui de bénéficier du tarif social ou de faire appel au médiateur de l’énergie.» En réalité, beaucoup de consommateurs lisent à peine leur facture et, si on est en difficulté financière, l’envie de «zapper» peut être plus forte encore. La coordinatrice de la plateforme en convient. «Nous espérons qu’avec une facture simplifiée, les consommateurs touchés par la précarité énergétique liront, comprendront et pourront donc plus facilement réagir.»
Le Baromètre de la précarité énergétique dispose de trois indicateurs pour dresser un portrait le plus fidèle possible des ménages concernés. Mais une moyenne ne dit pas grand-chose de la complexité de ce type de précarité. La précarité énergétique mesurée est l’indicateur le plus objectif puisqu’il est lié aux revenus. Mais dire que 14,5% des ménages belges ont une facture d’énergie trop élevée par rapport à leurs revenus gomme de fortes disparités régionales: 22% des ménages wallons sont dans cette situation contre 10% des ménages flamands et 12,8% des Bruxellois. La différence pour la Wallonie s’expliquerait autant par des revenus moyens plus bas que par le type de logement (plus de maisons isolées). Les zones rurales sont nettement plus touchées que les autres. La Wallonie est par ailleurs la seule région où cette précarité a augmenté entre 2013 et 2015 alors qu’elle stagné, voire diminué ailleurs en raison notamment du tassement du prix de certaines énergies (mazout, gaz naturel). La précarité énergétique cachée se mesure par un écart moyen de 77 euros par mois entre les dépenses en énergie d’un ménage et ce qui serait considéré comme «normal». La précarité cachée est beaucoup plus présente à Bruxelles et dans les zones urbaines en général. Il est vrai que les isolés (67,7% des cas!) et les locataires sont surreprésentés dans cette catégorie. Quant à la précarité énergétique ressentie qui caractérise les ménages disant avoir des difficultés à chauffer leur maison, ici encore les différences régionales sont importantes: 5,1% des Belges en général mais 7,9% des Wallons, 8,1% des Bruxellois et 2,4% des Flamands. Le Baromètre a tenté d’examiner si ces trois types de précarité se recoupaient. Ce n’est pas vraiment le cas (moins de 2%). Par contre, 70% des ménages à risque de pauvreté vivent l’une ou l’autre forme de précarité énergétique. Enfin, l’étude constate que, d’année en année, l’écart entre propriétaires et locataires se creuse. C’est surtout vrai pour les locataires sociaux et cela pour les trois formes de précarité analysées.
«Énergie: ces fournisseurs qui abusent des consommateurs», Alter Échos n°392, Cédric Vallet, 10 novembre 2014.