Parmi les partisans de la première heure du plan d’accompagnement et de suivi des chômeurs (le PAS), figurent en bonne ligne les employeurs. S’ils approuvent laméthode, ils se montrent toutefois critiques quant aux résultats. Interviews de Bart Buysse, conseiller au département social de la Fédération des entreprises deBelgique (FEB)1 et de Thierry Evens, rédacteur en chef du périodique de l’UCM : Union & Actions2.
FEB : on peut aller plus loin
Questions à Bart Buysse, conseiller au département social de la FEB.
Le PAS vient s’ajouter à de nombreux autres plans. Était-il nécessaire ? Les plans précédents avaient-ils été correctement évalués?
Pour la FEB ce plan constitue une mesure importante, car nous demandons depuis longtemps la limitation dans le temps de la durée d’octroi des allocations de chômage. À nosyeux, ce plan est nécessaire en attendant d’aller éventuellement plus loin: si la mesure s’avère inefficace, si elle n’a pas le résultat escompté, la limitationdans le temps reviendra à l’agenda.
Avez-vous le sentiment que le PAS est efficace ? Remplit-il les objectifs qui lui sont assignés ?
Trois ans après le lancement du Plan, les résultats sont loin d’être clairs. Tous les six mois, lors des évaluations, nous demandons des chiffres plusdétaillés. Il est évident que la conjoncture économique générale a également un impact. On constate une réduction du nombre de chômeurs,mais est-ce vraiment dû à l’activation? Pas si sûr. On peut en tout cas se réjouir de constater qu’on est descendu en dessous du chiffre des 500 000 chômeurs.
Nous notons en tout cas que lors des réunions périodiques, l’Onem présente des chiffrages relativement complets, mais que le matériau mis à disposition par lesservices régionaux est d’assez faible qualité.
Est-il légitime d’appliquer uniformément un tel plan, alors que les Régions font face à des situations socio-économiques très différentes?
Il semble que la Wallonie soit en train de rattraper son retard, puisqu’on constate une augmentation considérable du nombre de dossiers transmis à l’Onem. C’est une bonne chose.Certes, chaque Région a des besoins spécifiques, mais il faut une politique nationale, uniforme, pour que tous les chômeurs soient traités de la même manière.Les prestations plus fortes de la Flandre en termes d’accès à l’emploi doivent servir d’exemple pour les autres Régions.
Le PAS ne génère-t-il pas des effets pervers pour les employeurs eux-mêmes? Quel employeur a intérêt à avoir dans son entreprise un personnel nonmotivé et donc peu productif, présent pour la seule raison qu’il a cherché à fuir les sanctions de l’Onem ? Et n’est-il pas absurde d’avoir à remplir constammentdes attestations pour les chômeurs qui viennent postuler, conformément aux dispositions du plan ?
Les employeurs doivent évidemment trouver des travailleurs dont le profil correspond à leurs besoins. Il ne s’agit pas d’engager n’importe qui. Il y a des professions enpénurie, pour lesquelles la main-d’œuvre doit être mieux formée. Selon nous, il est important de former les travailleurs pour remplir les postes vacants : il faut adapterles chômeurs, pas les emplois. Les employeurs sont prêts à continuer de jouer leur rôle dans la formation, mais celle-ci reste avant tout une responsabilité dugouvernement. Il est vrai que certains employeurs trouvent dérangeant d’avoir à remplir des attestations pour les chômeurs qui postulent chez eux, mais c’est une conditionimportante pour que le Plan fonctionne. Il ne serait pas sage, cependant, d’en demander davantage aux employeurs.
Faut-il réformer le PAS pour aller plus loin ?
Il faut d’abord éviter d’être trop négatif par rapport au Plan. Les fonctionnaires de l’Onem parlent entre eux du Plan « dispo », pour « disponibilité », mais en utilisantce vocabulaire on oublie qu’il n’y a pas que la sanction, il y a aussi de l’accompagnement. La sanction est nécessaire, indispensable, mais il y a plus que cela. Cela dit il faut renforcer leplan, les résultats ne sont pas encore convaincants. En juillet 2007, il faudra parler des points à ajouter pour renforcer la mesure. On rediscutera par exemple des groupes-cibles. Quefaire avec les plus de 50 ans ? Il serait cohérent avec le « Pacte de solidarité entre les générations » d’offrir plus de possibilités aux chômeursâgés, qui devraient aussi rester disponibles sur le marché du travail. Il serait donc logique des les intégrer au Plan.
Par ailleurs, il faudra tirer les leçons des bonnes pratiques en Flandre. On voit qu’il faut réagir assez vite, suivre les personnes de près, alors qu’actuellement leschômeurs ne sont repris dans le système d’accompagnement que très tardivement. Il faut agir plus vite.
Enfin, il faudrait contraindre ceux qui ont reçu une évaluation négative à suivre systématiquement un plan d’action, les convaincre de se réorienter, dese former, de chercher un accueil pour leurs enfants. Il faut qu’après l’entretien avec l’Onem, ces personnes soient tenues de se présenter rapidement au Forem, au VDAB ou àl’Orbem. J’ajoute que le fait que les chômeurs doivent se présenter à l’Onem n’est pas négatif pour la plupart des chômeurs. Il est très positif, pour ceux quifont effectivement des efforts, de pouvoir en faire état, de raconter leur histoire, et de recevoir des tuyaux pour leur recherche d’emploi.
L’UCM : l’exclusion n’est pas la solution
L’Union des classes moyennes est un mouvement de défense, de représentation et de promotion des indépendants (chefs de PME, artisans, commerçants, professionslibérales). Nous avons interviewé Thierry Evens, rédacteur en chef du périodique de l’UCM, Union & Actions. Il adopte, quant à lui, une position plusnuancée que celle de la FEB.
« Le manque de main-d’œuvre devient de plus en plus fréquent, dans certaines secteurs et certaines sous-régions wallonnes. Dans cette situation, il est utile d’activerles chômeurs, de les rendre aptes à occuper un emploi puisque les emplois existent. Cependant, dans beaucoup de sous-régions wallonnes, il subsiste un réel déficitd’emplois. Là, nous ne sommes pas favorables à des sanctions qui ne feraient que marginaliser un certain nombre de personnes. (…) Dans une situation grave de manque d’emplois, leplan d’accompagnement se limite au jeu du chat et de la souris, où les chômeurs se préoccupent uniquement de montrer qu’ils ont « fourni des efforts suffisants ».»
« Si l’accompagnement est utile quand il y a des emplois disponibles (…), ce ne doit pas être un outil de menace et d’exclusion massive là où des personnes, enraison de leur âge, de leurs capacités, de leur situation familiale…, sont réellement dans l’incapacité de
décrocher un emploi convenable. Si on ne veut pas leslaisser éternellement au chômage, il faut trouver une autre solution que l’exclusion. »
L’UCM met surtout l’accent sur un changement nécessaire de la mentalité des chômeurs. En effet, « les agents du Forem et de l’Orbem ont souventl’impression de perdre du temps avec des demandeurs d’emploi qui essaient de justifier leurs droits aux allocations de chômage plutôt que de donner le coup de poucenécessaire pour décrocher un job. » Pour pallier le manque de main-d’œuvre pointé plus haut, l’UCM est favorable à un développement de lapolitique de formation en Belgique plutôt que de se tourner vers l’étranger. Elle relativise enfin l’efficacité du PAS : « Si toute cette procédure a lemérite d’exister, elle n’est toutefois pas une solution miracle puisque le taux du chômage reste élevé alors que le nombre de postes de travail disponibles, qui netrouvent pas preneurs, augmente. »
D’après Raphaëlle de Ville et Yannick Vanderborght
1. FEB, rue Ravenstein 4 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 515 08 11 – contact : Bart Buysse – courriel : bb@vbo-feb.be – site: http://www.feb.be
2. UCM – site : http://www.ucm.be