Depuis 2006, douze musées de la communauté française bénéficiaient du remboursement des entrées du public le premier dimanche du mois. Cette mesure a pris fin en janvier 2012.
La raison ? Mettre fin à une inégalité entre ces douze1 musées et les autres musées reconnus, dont certains organisent aussi des journées gratuites sans retour financier de la Communauté française. Par ailleurs, « ce système était stupide, estime Bernard Hennebert2, citoyen engagé et fondateur du site Consoloisirs.be. Il valait mieux ne pas faire la promotion du dimanche gratuit, sous peine de payer toujours plus ! »
L’arrêt de ces remboursements signifie-t-il la fin des portes grandes ouvertes pour découvrir les joyaux de notre plat pays ? Au contraire, un nouveau décret (signé avant ce 30 juin) fera de la gratuité du premier dimanche du mois une condition de reconnaissance et subventionnement des musées. Endéans les trois ans, ce seront ainsi 78 musées qui s’ouvriront à tous le premier dimanche mensuel. Mais sans compensation.
La mesure fait bondir Xavier Canonne, directeur du Musée de la Photographie de Charleroi3. « Au manque à gagner lié à la disparition de la compensation [NDLR estimé pour ce musée à 14 000 euros] s’ajoutent les difficultés liées à la récession qui se font jour notamment dans le désengagement des mécènes et sponsors comme dans celui des donateurs individuels. J’affirme, calculette en main, qu’une institution culturelle comme celle que je dirige n’est en l’état des choses pas viable au-delà d’un délai de dix ans, sauf à réduire la moitié de son personnel. »
Du côté de la ministre de la Culture, on rappelle que le secteur a été revalorisé et concernant spécifiquement le Musée de la photographie, précise Max Godefroid, conseiller au cabinet Laanan, « la subvention de fonctionnement du musée, notamment pour tenir compte du projet d’extension, est passée de 331 000 euros en 2005 à 530 000 euros en 2012, soit une augmentation de 60 %. Ce qui en fait un des musées les mieux subventionnés ». Et de conclure : « cet opérateur estime être sous-financé, nous pensons que ce n’est pas le cas ».
Il faut médiatiser la gratuité
La perte de 60 000 euros (les compensations pour les douze musées en 2010) dans un secteur refinancé à hauteur de cinq millions vaut-elle une guerre des chiffres ? Pour le Préhistosite de Ramioul5 qui perdra environ 6 à 7000 euros, son directeur, Fernand Collin, estime « indispensable que nous puissions veiller à avoir des recettes. Dans ce cas, la gratuité n’est pas un débat intellectuel sur un large accès à la culture, pour lequel il y a évidemment un consensus. L’enjeu est de pérenniser des musées en leur permettant de faire correctement leur travail. Le premier dimanche du mois gratuit n’ayant pas été promotionné, son impact n’a pas encore été correctement mesuré. Je peux imaginer qu’une famille avec trois enfants patiente début du mois pour ne pas payer l’entrée. »
La publicité de la gratuité, reconnaît pourtant Fernand Collin, serait la suite cohérente de la décision ministérielle. Un avis partagé par Bernard Hennebert. « La gratuité n’aura aucun intérêt s’il n’y a pas une grande médiatisation pour redéployer un public. Face à la baisse très importante du public qui fréquente les fonds permanents des musées, il est impérieux de retrouver des visiteurs. La gratuité est une façon peu chère pour tenter de recréer une habitude familiale. » Pour parvenir au renouveau du public, le citoyen de Consoloisirs lance avec d’autres (et de manière bénévole) l’asbl « Arts et Publics », dont un des objectifs serait d’organiser un événement festif et médiatisé chaque premier dimanche dans un musée. Les modalités d’une collaboration avec le cabinet sont à l’étude.
Infos : bernard.hennebert@consoloisirs.be
Les temps sont durs, c’est aussi vrai pour les musées. Des rumeurs avancent que l’intervention pour la gratuité scolaire disparaîtrait dès septembre 2012. La perte serait plus conséquente pour les musées tournés vers les écoles, comme le Préhistosite qui serait délesté de 90 000 euros. La ministre chercherait un moyen de faire financer ce poste par l’enseignement. Max Godefroid confirme une « réflexion quant à l’aménagement de cette aide. Mais cela ne signifie pas qu’il y aura des modifications, et encore moins une suppression de cette aide. »
Plus globalement, les musées encaissent difficilement les mesures d’austérité du gouvernement. « Aucun opérateur augmenté, aucune convention indexée, c’est vrai pour la culture comme pour les autres secteurs », rappelle Max Godefroid. Le musée de la Photo de Charleroi parle d’un manque de 65 000 euros pour couvrir les seuls frais de chauffage, d’électricité et d’entretien courant des bâtiments. Du côté du Préhistosite, Fernand Collin revoit son budget 2012 : « Ma masse salariale augmente de 30 000 euros à organigramme constant ». Face aux problèmes de société, les solutions sectorielles semblent atteindre leurs limites.
1. Le Musée royal de Mariemont, le Musée de la Photographie à Mont-sur-Marchienne, le Centre de la Gravure et de l’Image imprimée à La Louvière, le Musée bruxellois de l’Industrie et du Travail La Fonderie à Molenbeek, le Centre de la Tapisserie, des Arts du tissu et des Arts muraux à Tournai, le Musée international du Masque et du Carnaval à Binche, l’Espace gallo-romain à Ath, le Préhistosite de Ramioul à Flémalle, l’Ecomusée du Centre à Houdeng-Goegnies, le Musée en Piconrue à Bastogne, le Musée en plein air du Sart Tilman à Liège, le Musée juif de Belgique à Bruxelles.
2. Consoloisirs (Bernard Hennebert)
http://www.consoloisirs.be
3. Musée de la Photographie :
– adresse : 11 Avenue Paul Pastur à 6032 Charleroi (Mont-sur-Marchienne)
– tél. : 071 43 58 10
– site : http://www.museephoto.be
– courriel : mpc.info@museephoto.be
4. Cabinet de Fadila Laanan :
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 801 70 11
– courriel : info.laanan@cfwb.be
5. Préhistosite de Ramioul (Musée de la Préhistoire en Wallonie) :
– adresse : rue de la Grotte, 128 à 4400 Flémalle
– tél. : 04 275 49 75
– courriel : info@ramioul.org
– site : http://www.ramioul.org