Alter Échosr
Regard critique · Justice sociale

La gratuité aux musées, le prix d’un public ?

Jusqu’en janvier de cette année, douze musées de la communauté française bénéficiaient du remboursement des entrées du public le premier dimanchedu mois.

17-02-2012 Alter Échos n° 332

Depuis 2006, douze musées de la communauté française bénéficiaient du remboursement des entrées du public le premier dimanche du mois. Cette mesure a prisfin en janvier 2012.

La raison ? Mettre fin à une inégalité entre ces douze1 musées et les autres musées reconnus, dont certains organisent aussi des journéesgratuites sans retour financier de la Communauté française. Par ailleurs, « ce système était stupide, estime Bernard Hennebert2, citoyenengagé et fondateur du site Consoloisirs.be. Il valait mieux ne pas faire la promotion du dimanche gratuit, sous peine de payer toujours plus ! »

L’arrêt de ces remboursements signifie-t-il la fin des portes grandes ouvertes pour découvrir les joyaux de notre plat pays ? Au contraire, un nouveau décret(signé avant ce 30 juin) fera de la gratuité du premier dimanche du mois une condition de reconnaissance et subventionnement des musées. Endéans les trois ans, ce serontainsi 78 musées qui s’ouvriront à tous le premier dimanche mensuel. Mais sans compensation.
La mesure fait bondir Xavier Canonne, directeur du Musée de la Photographie de Charleroi3. « Au manque à gagner lié à la disparition de lacompensation [NDLR estimé pour ce musée à 14 000 euros] s’ajoutent les difficultés liées à la récession qui se font jour notamment dans ledésengagement des mécènes et sponsors comme dans celui des donateurs individuels. J’affirme, calculette en main, qu’une institution culturelle comme celle que jedirige n’est en l’état des choses pas viable au-delà d’un délai de dix ans, sauf à réduire la moitié de son personnel. »

Du côté de la ministre de la Culture, on rappelle que le secteur a été revalorisé et concernant spécifiquement le Musée de la photographie,précise Max Godefroid, conseiller au cabinet Laanan, « la subvention de fonctionnement du musée, notamment pour tenir compte du projet d’extension, estpassée de 331 000 euros en 2005 à 530 000 euros en 2012, soit une augmentation de 60 %. Ce qui en fait un des musées les mieux subventionnés ».Et de conclure : « cet opérateur estime être sous-financé, nous pensons que ce n’est pas le cas ».

Il faut médiatiser la gratuité

La perte de 60 000 euros (les compensations pour les douze musées en 2010) dans un secteur refinancé à hauteur de cinq millions vaut-elle une guerre des chiffres ? Pourle Préhistosite de Ramioul5 qui perdra environ 6 à 7000 euros, son directeur, Fernand Collin, estime « indispensable que nous puissions veiller à avoir des recettes.Dans ce cas, la gratuité n’est pas un débat intellectuel sur un large accès à la culture, pour lequel il y a évidemment un consensus. L’enjeu est depérenniser des musées en leur permettant de faire correctement leur travail. Le premier dimanche du mois gratuit n’ayant pas été promotionné, son impactn’a pas encore été correctement mesuré. Je peux imaginer qu’une famille avec trois enfants patiente début du mois pour ne pas payerl’entrée. »

La publicité de la gratuité, reconnaît pourtant Fernand Collin, serait la suite cohérente de la décision ministérielle. Un avis partagé par BernardHennebert. « La gratuité n’aura aucun intérêt s’il n’y a pas une grande médiatisation pour redéployer un public. Face à la baissetrès importante du public qui fréquente les fonds permanents des musées, il est impérieux de retrouver des visiteurs. La gratuité est une façon peuchère pour tenter de recréer une habitude familiale. » Pour parvenir au renouveau du public, le citoyen de Consoloisirs lance avec d’autres (et de manièrebénévole) l’asbl « Arts et Publics », dont un des objectifs serait d’organiser un événement festif et médiatisé chaquepremier dimanche dans un musée. Les modalités d’une collaboration avec le cabinet sont à l’étude.

Le dimanche 4 mars, un colloque itinérant sera organisé à La Louvière pour fêter les dix ans du dimanche gratuit (décidé en 2002mais appliqué en 2006).

Infos : bernard.hennebert@consoloisirs.be

La crise aux portes des musées

Les temps sont durs, c’est aussi vrai pour les musées. Des rumeurs avancent que l’intervention pour la gratuité scolaire disparaîtrait dès septembre 2012. Laperte serait plus conséquente pour les musées tournés vers les écoles, comme le Préhistosite qui serait délesté de 90 000 euros. La ministrechercherait un moyen de faire financer ce poste par l’enseignement. Max Godefroid confirme une « réflexion quant à l’aménagement de cette aide. Mais cela nesignifie pas qu’il y aura des modifications, et encore moins une suppression de cette aide. »

Plus globalement, les musées encaissent difficilement les mesures d’austérité du gouvernement. « Aucun opérateur augmenté, aucune conventionindexée, c’est vrai pour la culture comme pour les autres secteurs », rappelle Max Godefroid. Le musée de la Photo de Charleroi parle d’un manque de 65 000 euros pourcouvrir les seuls frais de chauffage, d’électricité et d’entretien courant des bâtiments. Du côté du Préhistosite, Fernand Collin revoit son budget2012 : « Ma masse salariale augmente de 30 000 euros à organigramme constant ». Face aux problèmes de société, les solutions sectorielles semblentatteindre leurs limites.

1. Le Musée royal de Mariemont, le Musée de la Photographie à Mont-sur-Marchienne, le Centre de la Gravure et de l’Image imprimée à La Louvière, leMusée bruxellois de l’Industrie et du Travail La Fonderie à Molenbeek, le Centre de la Tapisserie, des Arts du tissu et des Arts muraux à Tournai, le Musée internationaldu Masque et du Carnaval à Binche, l’Espace gallo-romain à Ath, le Préhistosite de Ramioul à Flémalle, l’Ecomusée du Centre à Houdeng-Goegnies, leMusée en Piconrue à Bastogne, le Musée en plein air du Sart Tilman à Liège, le Musée juif de Belgique à Bruxelles.
2. Consoloisirs (Bernard Hennebert)
www.consoloisirs.be
3. Musée de la Photographie :
– adresse : 11 Avenue Paul Pastur à 6032 Charleroi (Mont-sur-Marchienne)  
– tél. : 071 43 58 10
– site : www.museephoto.be 
– courriel : mpc.info@museephoto.be
4. Cabinet de Fadila Laanan :
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 801 70 11
– courriel : info.laanan@cfwb.be
5. Préhistosite de Ramioul (Musée de la Préhistoire en Wallonie) :
– adresse : rue de la Grotte, 128 à 4400 Flémalle
– tél. : 04 275 49 75
– courriel : info@ramioul.org 
– site : www.ramioul.org

Olivier Bailly

Pssstt, visiteur, visiteuse du site d'Alter Échos !

Nous sommes heureux que vous soyez si nombreux à nous suivre sur le web. Nous avons fait le choix de mettre en accès gratuit une grande partie de nos contenus, notamment ceux en lien avec le Covid-19, pour le partage, pour l'intérêt qu'ils représentent pour la collectivité, et pour répondre à notre mission d'éducation permanente. Mais produire une information critique de qualité a un coût. Soutenez-nous ! Abonnez-vous ! Et parlez-en autour de vous.
Profitez de notre offre découverte 19€ pour 3 mois (accès web aux contenus/archives en ligne + édition papier)