Repère1 est une association molenbeekoise qui n’existe plus vraiment. Karim Amézian, son fondateur, demande du soutien. Retour sur une association controversée qui donna laparole à des jeunes « en dehors du système ».
Depuis le mercredi 10 mai, Karim Amézian est présent chaque jour sauf le week-end à la station de métro Ribaucourt, à Molenbeek. Il s’agira de son repaire pourfaire parler de Repère, l’association qu’il créa voici quelques années et dont les activités ont cessé. Que veut-il ? D’abord, attirer l’attention du chaland,des médias et des politiques sur sa situation. Le métro Ribaucourt sera donc le théâtre de discussions, de petits concerts et de débats. Une pétition serasoumise au public désireux de soutenir plus activement l’association.
Donner la parole aux jeunes les plus exclus
Son association s’était fait une spécialité de donner la parole aux jeunes et notamment aux jeunes les plus exclus, ceux qui vivent en marge, en décrochage, ceux quifrôlent la radicalité. Repère était une des rares associations qui avait réussi à attirer ces jeunes dits « non encadrés ». Etcette envie puisait ses racines dans l’expérience de Karim Amézian dont le propre parcours fut ponctué de décrochages et de difficultés. C’est une initiativespontanée et personnelle qui a permis de créer cette association. Du coup, entrer dans les cadres institués n’a jamais bien réussi à Karim Amézian. Il apréféré quitter en 2009 les locaux prêtés par la commune par crainte d’une « récupération politique ». Il a donc loué, surfonds propres, un local privé qui l’étouffera financièrement. Il se souvient de cette époque où de nombreuses promesses de soutien lui furent adressées… etjamais suivies d’effet.
Au-delà d’une parole donnée aux jeunes, Repère favorisait la mixité. Mixité sociale et mixité de genres. Selon Karim Amézian, les activitésde Repère « touchaient à la confiance en soi, au développement personnel. Il s’agissait aussi de confronter les jeunes à la différence. Le butétait de demander à ces jeunes de créer leur propre projet social ».
L’intérêt suscité par la démarche était palpable. Des politiques, des institutions s’intéressaient à cette initiative. Certains échevins deMolenbeek reconnaissent encore la qualité de son travail. C’est le cas d’Ahmed el Khanouss (CDH), échevin de la Jeunesse : « En termes de contenu, il n’était pasforcément outillé, ni en termes de formation. Mais c’est vrai qu’il a réussi à rassembler des jeunes qui n’étaient dans aucune association. Il a fait un travailremarquable. Il posait de bonnes questions, notamment sur l’occupationnel dans le monde associatif. Mais je lui avais dit que la commune n’était pas le bon niveau pour un soutien financierconséquent. »
La critique de « l’occupationnel » est en effet l’un des chevaux de bataille de Karim Amézian. Elle eut un sacré retentissement lors des émeutes de 2009à Molenbeek. Depuis lors, il n’a pas tourné casaque, son avis est fait. « Dans beaucoup de quartiers populaires, dit-il, on est dans une logique de gardiennage. Quand desjeunes sont en décrochage ou se radicalisent et qu’on leur propose une activité piscine, alors c’est qu’on rate quelque chose. » Karim Amézian estime que ces proposcritiques ont contribué à en faire le mouton noir de l’associatif molenbeekois. Il laisse entendre que son association a été volontairement asphyxiée. Parqui ? Il ne le dit pas clairement mais se désole des jeux politiques qui conditionnent les subsides : « Il y a une exclusivité des subsides pour les mêmesstructures fatiguées ».
Des arguments qui font mouche à Molenbeek, en tout cas chez Jamal Ikazban, l’échevin chargé de la Lutte contre l’exclusion sociale : « J’ai toujoursapprécié leur travail, mais un des problèmes de Repère c’est leur capacité à diaboliser ce que font les autres. Ils montaient certains jeunes contre lesstructures existantes. Quant à l’occupationnel, c’est un faux débat. On peut par exemple se servir du sport comme d’un moyen pour attirer des jeunesdéstructurés. » L’air de rien, on sent une rancune tenace…
Un personnage surprenant
Karim Amézian est un personnage surprenant. Difficile de se faire une opinion sur les raisons qui ont causé la perte de Repère. Il interpelle régulièrement laCommunauté française. Il attend qu’on « intervienne en sa faveur ». Le cabinet de la ministre de la Jeunesse trouve son projet « trèsintéressant », mais constate qu’il « n’introduit pas de demande officielle ».
Ce qui est certain, c’est que l’association Repère, en donnant réellement la parole à ces jeunes, a posé une question essentielle : comment instaurer une dynamiquepositive pour des jeunes totalement hors cadre ?
1. – courriel : asblrepere@gmail.com
– site : www.repere-asbl.be