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Regard critique · Justice sociale

Petite enfance / Jeunesse

La Jeunesse se donne des moyens, mais pas une politique

Depuis trois ans, le secteur des organisations de jeunesse planche sur une modification du bientôt trentenaire décret de 1980 qui le régit. Trois annéesémaillées d’un changement de ministre de tutelle, de psychodrames sur les financements, de règlements de compte et autres déclarations va-t-en-guerre entreorganisations… Dans ce contexte, le ministre Tarabella (PS) vient de réussir le tour de force de faire passer au gouvernement un projet de décret qui bénéficie d’unsoutien massif du secteur. La recette : intégrer tout le monde dans une discussion ouverte et intense pendant six mois… et faire plaisir à tous, sans exception.

12-12-2008 Alter Échos n° 264
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Depuis trois ans, le secteur des organisations de jeunesse planche sur une modification du bientôt trentenaire décret de 1980 qui le régit. Trois années émaillées d’un changement de ministre de tutelle, de psychodrames sur les financements, de règlements de compte et autres déclarations va-t-en-guerre entre organisations… Dans ce contexte, le ministre Tarabella (PS) vient de réussir le tour de force de faire passer au gouvernement un projet de décret qui bénéficie d’unsoutien massif du secteur. La recette : intégrer tout le monde dans une discussion ouverte et intense pendant six mois… et faire plaisir à tous, sans exception.

Le gouvernement de la Communauté française a donc approuvé en première lecture, le 28 novembre dernier, le projet de décret fixant les conditions d’octroi et d’agrément de subvention aux organisations de jeunesse (OJ) un texte qui a vocation à remplacer le décret de 1980 qui organise actuellement le secteur. La Commission consultative des organisations de jeunesse (CCOJ) a par ailleurs remis, le 10 décembre, un avis unanimement positif (moins deux abstentions) sur ce projet. Le texte doit maintenant encore faire l’objet d’un avis du Conseil d’État, puis d’au moins un autre passage au gouvernement, avant de filer au Parlement. Tout indique qu’il devrait être adopté rapidement, sans plus de modification fondamentale.

« La plus grande avancée du nouveau décret est la simplification administrative, déclare Jérôme Voisin, chef de cabinet adjoint du ministreTarabella1. On sort du système de dépenses admissibles actuel, qui génère un travail administratif considérable et des iniquités de subventions entre OJ similaires, pour aller vers un système de forfaits liés à un plan quadriennal avec des objectifs et des actions prévues. À la fin d’une période transitoire unique de quatre ans, les OJ seront subventionnées sur des bases objectives, suivant leur catégorie : le nombre d’actions, le nombre de jeunes touchés, le nombrede membres ou encore le volume de personnel. Dès 2009, les OJ seront également subventionnées en année civile et non plus en année culturelle : cela va induire des facilités comptables et, surtout, réduire le temps d’attente pour la liquidation des subventions par la Communauté et donc améliorer la trésorerie des associations. »

Par ailleurs, l’effort financier de la Communauté pour le secteur est considérable puisque le budget augmente déjà de 3 millions d’euros de 2008 à 2009 : 1,2million dévolu aux mouvements de jeunesse dits « foulard » suite à la promesse faite au printemps dernier par le gouvernement (cf. Alter Échos n° 248), un montant équivalent pour les autres, et des sommes complémentaires communes ; le tout pour mieux financer les emplois, la transition du passage en année civile (6 mois de rattrapage de subvention), pour de larges « dispositifs particuliers », etc. Au total, tout le monde est largement servi. Sans exception. Et le texte prévoit une progression du budget au-delà de 2009…

À terme, chaque OJ recevra aussi un poste de « détaché pédagogique » (personnel enseignant mis à disposition), ce qui n’est pas le cas actuellement : certaines OJ, minoritaires, bénéficient de plusieurs détachés alors que d’autres n’en disposent pas du tout. Situation héritée d’une répartition, au départ très partisane, des quotas de « détachés », les organisations avec une étiquette socialiste ou chrétienne ayant été les mieux servies.

Sous, concertation, intégration

Les sous en veux-tu en voilà n’expliquent cependant pas à eux seuls la réussite de la négociation : « depuis la fin août, il y a eu 14 réunions de travail entre le cabinet et le secteur, dont la dernière a duré plus de vingt heures, précise Jérôme Voisin. On peut donc vraiment dire que nous avons travaillé main dans la main avec le secteur dans sa diversité, après avoir établi un climat de confiance entre les personnes autour de la table. »

Pour Yamina Ghoul, secrétaire générale de la Confédération des organisations de jeunesse indépendantes et pluralistes (COJ)2, « c’est clairement un décret intégrateur plutôt qu’un décret ambitieux de réforme ou de reconfiguration du secteur : on va surtout faire rentrer l’existant dans de nouvelles cases, avec de nouvelles modalités. Les circonstances ne permettaient pas de faire autre chose et nous sommes finalement heureux de ce qui est sur la table, c’est le fruit d’un gros effort de concertation et d’imagination de la part du cabinet comme du secteur ». Et Geoffroy Carli, président de la COJ et par ailleurs vice-président de la CCOJ, d’ajouter néanmoins que « ce décret va permettre au secteur de revenir à la pointe de l’action associative pour les jeunes et lui donner les moyens d’un redéploiement. »

« c’est clairement un décret intégrateur plutôt qu’un décret ambitieux de réforme ou de reconfiguration du secteur : on va surtout faire rentrer l’existant dans de nouvelles cases, avec de nouvelles modalités. Les circonstances ne permettaient pas de faire autre chose et nous sommes finalement heureux de ce qui est sur la table, c’est le fruit d’un gros effort de concertation et d’imagination de la part du cabinet comme du secteur » Yamina Ghoul, secrétaire générale de la Confédération des organisations de jeunesse indépendantes et pluralistes

Catherine Lemaître, coordinatrice du Réseau des non-confédérés (RNC)3 est sensiblement sur la même longueur d’onde : « ce texte permet à tous de s’y retrouver dès maintenant, mais il ouvre aussi des portes et amorce des pompes pour l’avenir, notamment via les différents « dispositifs particuliers » qui seront progressivement activés. » Seul bémol du RNC : la prise en compte financière des réalités de l’emploi dans le secteur n’irait pas encore assez loin et des sommes complémentaires seraient nécessaires.

Du côté du Conseil de la jeunesse catholique (CJC)4, via Brice Many, secrétaire général et par ailleurs autre vice-président de la CCOJ, on affiche aussi une grande satisfaction : « le décret est certes complexe à lire mais nous sommes convaincus qu’il sera facile à appliquer. Il est le reflet d’accords très fins et il traduit au mieux, techniquement, la prise en compte de la réalité d’un secteur complexe et diversifié. Il définit aussi mieux les métiers des OJ, consacre l’autonomie associative et son système de financement est radicalement meilleur que l’existant, entre autres car il va permettre une meilleure articulation des subventions avec les différentes configurations d’emploi présentes dans le secteur. »

Ceci dit, à force de plaire à tous les acteurs déjà dans la place, ce nouveau décret n’oublie-t-il pas de donner une identité plus forte au secteur ? Le débat sur la participation des jeunes au sein ou via les organisations de jeunesse ou d’autres points de fond qui avaient émergé lors des panels d’évaluation du secteur en 2006 n’ont-ils pas été évacués, pour se concentrer quasi exclusivement sur des accords financiers et techniques et pour ratisser large ? Certains observateurs, à mots couverts, admettent qu’on a, en effet, affaire à un décret technocratique, consensuel et redistributeur mais pratiquement dénué d’intentions politiques, au sens un peu fort et citoyen du terme. Un paradoxe pour un secteur qui a forgé ce décret de ses mains, tout en brandissant la promotion de la citoyenneté et de la responsabilité en étendard…

86 associations, 5 cases (les catégories) et des extras (les « dispositifs particuliers »)

Les OJ, ce sont en fait 86 associations, qui emploient près de 800 travailleurs et sont actives en Wallonie et à Bruxelles dans des secteurs fort divers. Le nouveau décret les répartit en cinq catégories :
– les « mouvements thématiques » : les jeunesses politiques et syndicales, les fédérations d’étudiants, etc.
– les « mouvements de jeunesse » que l’on appelle aussi communément les mouvements « foulards » : scouts, guides, patros, etc.
– les « services de jeunesse », une catégorie un peu fourre-tout avec des organisations actives dans des domaines aussi épars que l’animation des enfants et des jeunes, l’éveil musical et scientifique, la sensibilisation à l’environnement, l’éducation au développement ou aux médias, la formation des jeunes et des animateurs, l’information jeunesse, etc.
– les « fédérations d’organisations de jeunesse », qui charpentent le secteur d’un point de vue institutionnel et organisent sa représentation, notamment au sein de la CCOJ.
– les « fédérations de centres de jeunes » par ailleurs reconnues dans le cadre du décret sur les centres de jeunes : maisons de jeunes, centres d’information jeunesse et centres de rencontre et d’hébergement (auberges de jeunesse, gîtes pour jeunes).

Le texte prévoit également que les organisations de jeunesse développant des actions spécifiques à l’égard de publics bien ciblés puissent obtenir des moyens complémentaires à cet effet via des « dispositifs particuliers » au nombre de six :
– le soutien aux actions décentralisées des mouvements de jeunesse « foulards » ;
– le soutien aux actions de formation ;
– le soutien aux actions d’animation dans les écoles, qui vise à impulser des démarches d’éducation non formelle au sein de l’enseignement obligatoire ;
– le soutien aux actions de lutte contre l’extrême droite ;
– le soutien aux « actions de sensibilisation politique et étudiante à la participation citoyenne et à la démocratie » ;
– le soutien aux « actions destinées à des publics spécifiques » ;
– le soutien aux actions d’éducation aux médias ;
– le soutien aux actions de partenariat entre OJ et centres de jeunes.

Des dispositifs qui ratissent assez large pour que pratiquement chaque OJ puisse prétendre y rentrer sur la base de ses activités actuelles.

1. Cabinet de Marc Tarabella, ministre de la Jeunesse et de la Promotion sociale de la Communauté française :
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 250 18 11.
2. Confédération des organisations de jeunesse indépendantes et pluralistes (COJ) :
– adresse : rue Traversière, 8 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 218 31 03
– courriel : info@ccj.be
– site : www.ccj.be
3. Réseau des non-confédérés (RNC) :
– adresse : rue des Tanneurs, 115A à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 513 54 94
– courriel : infos@rnc.be
– site : www.rnc.be
4. Conseil de la jeunesse catholique (CJC) :
– adresse : rue de la Charité, 43 à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 230 32 83
– courriel : cjc@cjc.be
– site : www.cjc.be

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