Mediation4roma est un projet de formation de médiateurs roms. Il se clôture après trois années d’échanges de pratiques et de contenus entre sept organisations de cinq pays. Pour les associations participantes, la médiation est un outil efficace pour lever les obstacles que rencontrent les Roms.
Félix est un jeune Rom qui habite près de Rome. Il a depuis peu la nationalité italienne. Il parle avec les mains et avec le cœur. «Je suis Rom et je vis depuis 15 ans dans un camp de fortune en Italie. Les médiateurs sont utiles pour surmonter les obstacles. Aujourd’hui je me sens important grâce à mon rôle. J’accompagne les enfants à l’école, je les suis pendant leurs devoirs, leurs activités. Et j’ai un contrat avec l’association Arci.»
Félix est un «médiateur rom». À l’instar d’une grosse centaine de médiateurs de cinq pays différents – Serbie, Roumanie, Italie, Espagne et Belgique –, il a suivi une formation assez poussée en médiation interculturelle dans le cadre du projet «mediation4roma». Un projet qui vise à harmoniser le cadre de formation des médiateurs roms et à donner de la visibilité à cette fonction méconnue.
Le 20 octobre, une conférence s’est tenue à Bruxelles pour clôturer le projet.
On y rappelait alors l’évidence: les Roms sont partout victimes de discriminations. Inégalités d’accès à l’emploi, à l’instruction, à la culture ou aux soins. «Ils sont souvent considérés comme des citoyens de seconde zone», affirmait Philippe Courard, président du parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
«Alors que beaucoup de Roms ne connaissent pas leurs droits, la médiation peut être un bon outil pour combler cette lacune», expliquait Valeria Atzori, du Comité social et économique européen.
Comme le soulignait Ahmed Ahkim, directeur du centre de médiation des gens du voyage et des Roms en Wallonie, «la médiation est de plus en plus préconisée pour faciliter l’intégration». Le document officiel de référence est une recommandation du Conseil de l’Europe en date de 2012.
Mais la médiation comme «outil efficace» est régulièrement mentionnée dans les textes de l’Union européenne, notamment ceux qui évaluent l’application des stratégies nationales d’intégration des Roms, créées en 2011, et souvent critiquées pour n’être que des déclarations d’intention.
La médiation: un outil flexible
Concrètement, les médiateurs roms offrent des profils très différents. C’est ce qu’affirmait Marie Pichault du centre de médiation wallon, et auteure d’une petite étude comparative des cinq pays concernés par le programme. «La médiation rom est très hétérogène. C’est un outil flexible utilisé dans des situations différentes. Les méthodes et objectifs dépendent de l’histoire de chaque pays.»
Malgré ces différences, des traits communs existent, comme la volonté d’agir pour un meilleur respect des droits humains, la neutralité, la participation systémique ou la sensibilité interculturelle.
Il n’empêche, tous les médiateurs soulignent leurs besoins de formation. Les associations roumaines Institut interculturel de Timisoara (IIT) et Speranta ont développé trois modules de formation qui ont été suivis par tous les médiateurs roms participant à Mediation4roma. L’un axé sur les barrières à la communication, l’autre sur la médiation interculturelle et le dernier sur des stratégies pour l’accès à l’éducation, à la santé à l’emploi ou au logement. L’idée étant de tendre à une professionnalisation du métier de médiateur (une partie le fait bénévolement) et à la création de certifications nationales.
En Belgique, Ahmed Ahkim recense une soixantaine de médiateurs roms formés soit au Centre de médiation des gens du voyage et des Roms côté wallon, soit à l’asbl Le Foyer pour les néerlandophones. Il peut s’agir de «stewards urbains» ou d’interprètes sociaux. Ils interviennent notamment auprès des administrations. «Certains sont très présents dans les écoles» et œuvrent notamment à l’accrochage scolaire, explique Ahmed Ahkim.
Selon le directeur du Centre de médiation wallon, la médiation est «avant tout une pratique, pas une théorie, qui vise à dépasser les blocages». Les résultats qu’il constate sur le terrain sont, selon lui, «lents mais profonds, notamment sur la perception des Roms qu’ont les services, les institutions».
«Roms de Slovaquie : la pauvreté qui s’enkyste à Bruxelles», Alter Échos n°365, septembre 2013, Cédric Vallet.