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Regard critique · Justice sociale

Environnement/territoire

La mobilité douce, pas que pour les bobos ?

Dans le prolongement du numéro spécial sur les enjeux sociaux de la mobilité, l’Agence Alter organisait un débat ce mardi 24 mai.

29-05-2011 Alter Échos n° 316

Dans le prolongement du numéro spécial publié en décembre (Alter Echos n° 306) sur les enjeux sociaux de la mobilité, l’Agence Alter organisait ce mardi 24mai un débat à la Fonderie.

Qu’il s’agisse de partager une voiture de location ou de troquer sa plaque d’immatriculation contre un vélo pliable, force est de constater que les publics précaires restentpeu concernés par le débat sur la mobilité douce. « La majorité de nos membres sont plutôt instruits et appartiennent aux classes moyennes », observeEric Nicolas, secrétaire général du Gracq1. « 70 % de nos clients ont fait des études supérieures », remarque pour sa part le directeur de Cambio,Frédéric Van Malleghem.

Comment favoriser les changements de comportements auprès de l’ensemble des citoyens, que l’on vive à Uccle ou à Saint-Josse, à Lasne ou à Dison ?

L’enjeu est d’autant plus important que les publics en situation précaire sont souvent les premières victimes de la société du tout à la voiture.« Sur l’ensemble des stations installées à Bruxelles, c’est celle de la chaussée de Gand qui enregistre le plus de dépassements en microparticules. C’est dansles quartiers populaires qu’on subit le plus la pollution », s’inquiète Jean-Rodolphe Dussart, coordinateur de la cellule mobilité au cabinet de Bruno De Lille2.

La course au statut

Chaque jour, nous sommes bombardés de pubs dans lesquelles de belles donzelles tournent comme des mouches autour de bagnoles luxueuses. La voiture est devenue synonyme de pouvoir. Or plusvous vous sentez en marge de la société, plus la course au statut prend de l’importance. « C’est difficile de tordre le cou à cette image », dit Eric Nicolas. Pour ledirecteur du Gracq, un des maillons faibles se situe au niveau de la promotion et de l’éducation à la mobilité. « Dire que le vélo est bon pour la santé etl’environnement est un message qui passe très bien auprès des publics favorisés, pas auprès des publics précaires. Si on ne veut pas toucher que les bobos, ilfaut des campagnes qui mettent en avant l’efficacité du vélo sans culpabiliser les gens. »

Retour en ville

Au-delà des barrières symboliques, l’aménagement du territoire est une autre question qui a été largement débattue. « Le modèled’aspiration du tout à la voiture sera entretenu tant que l’on ne repense pas l’aménagement du territoire. Des milliers de ménages vivent dans des lieux qui nesont pas desservis par les transports publics. Avec l’augmentation du prix du pétrole, les gens vont devoir retourner vers les villes. C’est une tendance inévitable »,prédit Jean-Rodolphe Dussart, qui rêve d’une capitale où le citoyen aurait accès à tous les services nécessaires en moins de quinze minutes de marche. «En dehors des villes, les alternatives à la voiture sont moins nombreuses et moins faciles à organiser. Il faut ramener de la mixité sociale en ville, redensifier les banlieues.Mais l’enjeu n’est pas de tout centrer dans les grandes villes. Il faudra restructurer le territoire autour de pôles secondaires », commente du côté wallon MichelDestrée, conseiller à la cellule mobilité du cabinet Philippe Henry3.

En attendant

De bien belles visions… Mais en attendant, quid du demandeur d’emploi obligé de s’exiler dans de lointains zonings, des vieux vivant dans des villages où on ne trouvemême plus une épicerie, de certains jeunes qui ne quittent jamais leur quartier à Bruxelles ?

Quelques pistes concrètes ont été évoquées durant cette matinée. Autour du covoiturage notamment. L’asbl Taxistop a développé despartenariats avec certains CPAS. Le cabinet Philippe Henry voudrait également utiliser les nouvelles technologies pour développer un projet de covoiturage dynamique. « Si on avait0,1 % de personnes en plus dans les voitures, ça équivaudrait à l’offre actuelle des TEC en termes de capacité », commente Michel Destrée. D’autres ontsouligné l’importance de prévoir des espaces pour garer les vélos. « Les vols sont courants. Pour les personnes précaires, c’est encore plus problématique.Elles ont également plus de difficultés à trouver des logements avec un espace pour les vélos », a interpelé un participant.

La responsabilité sociale des entreprises de transport public n’a pas non plus manqué d’être rappelée. « Encore faut-il que pour cela on leur donne les moyens dele faire. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui où ces entreprises sont soumises à des exigences de rentabilité très fortes », remarquait le directeur de Cambio.

Photo : © Agence Alter / Thomas Lemaigre

Voir aussi :
Alter Echos n° 306-307 : Dossier »Mobilité et social : le crash-test »

1. Gracq :
– adresse : rue de Londres, 15 à 1050 Bruxelles
– tél. : 02 502 61 30
– site : www.gracq.org
2. Cabinet De Lille, Botanic Building :
– adresse : bd Saint-Lazare 10, à 1210 Bruxelles
– tél. : 02 517 12 59
– site : www.brunodelille.be
3. Cabinet Henry :
– adresse : rue des Brigades d’Irlande, 4 à 5100 Jambes
– tél. : 081/32.35.11
– site : http://henry.wallonie.be

Sandrine Warsztacki

Sandrine Warsztacki

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