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La plate-forme « Justice pour tous » prône l’égalité face aux frais de justice

En raison des frais importants que peut engendrer un procès, trois quarts des Belges n’ont pas accès aux tribunaux. La plate-forme « Justice pour tous » souhaiteque soit introduite, en matière d’accès à la justice, une sécurité sociale comparable à celle mise en place dans le domaine médical. Regroupantavocats et membres de neufs associations1 actives en matière d’aide juridique et sociale, elle vient de signer une note d’orientation dont le but est de garantirl’accès à la justice pour tous.

26-09-2005 Alter Échos n° 194

En raison des frais importants que peut engendrer un procès, trois quarts des Belges n’ont pas accès aux tribunaux. La plate-forme « Justice pour tous » souhaiteque soit introduite, en matière d’accès à la justice, une sécurité sociale comparable à celle mise en place dans le domaine médical. Regroupantavocats et membres de neufs associations1 actives en matière d’aide juridique et sociale, elle vient de signer une note d’orientation dont le but est de garantirl’accès à la justice pour tous.

Pour réaliser cet objectif, la plate-forme demande au législateur d’assurer l’égalité des armes lorsqu’un conflit surgit entre citoyens, ou les opposeà un organisme public ou privé. « Pour se défendre à égalité, le citoyen doit avoir la possibilité de recourir à un avocat, et laperception par celui-ci d’honoraires doit lui permettre de fournir un service de qualité », explique la plate-forme « Justice pour tous » dans son communiqué. Lasolution résiderait, selon elle, dans la création d’un « Fonds pour l’accès à la justice ». Ce fonds autonome serait alimenté par lafiscalité directe ou indirecte (principe de solidarité entre tous les citoyens), mais aussi par une participation des justiciables proportionnelle à leurs ressourcesfinancières, soit un « ticket modérateur » pouvant aller de 0 % à 100 % des honoraires de l’avocat (principe d’équité).

Élargir le champ de l’aide juridique

La proposition élargit donc le champ d’application de l’aide juridique, qui devient accessible à toute personne. « Aujourd’hui on est dans le tout ou rien», explique Cécile Mangin, assistante sociale au service Droit des jeunes et représentante de l’association au sein de la plate-forme. « Soit la personne est dans lesconditions pour bénéficier de l’aide juridique (gratuite ou partiellement gratuite), soit la personne n’a plus droit à rien et doit assumerl’intégralité du coût. Or 75 % des citoyens n’ont pas accès, pour des raisons financières, aux tribunaux. Dans notre proposition, l’intervention dujusticiable serait proportionnelle à ses revenus. Nous défendons également une plus grande prévisibilité du coût qui sera assumé par le justiciablequand celui-ci aura accès à l’aide juridique partiellement gratuite. »

Et pour calculer les honoraires des avocats, fini le système de points qui existe actuellement et rétribue les avocats en fonction des procédures entamées. Lebarème appliqué par le fonds serait basé sur des actes précis. La rémunération de l’avocat serait ainsi mieux adaptée au temps réellementconsacré à chaque dossier. « Aujourd’hui, on calcule la rémunération de l’avocat « à la grosse louche » par un système de pointsattribués à telle ou telle procédure. Mais certaines affaires prennent plus de temps que d’autres. Certaines démarches ne sont même pasrétribuées (comme les démarches « amiables », qui peuvent prendre beaucoup de temps). Bref, les avocats ne se voient pas rémunérés defaçon équitable et ne sont donc pas fort encouragés à travailler dans le cadre de l’aide juridique », conclut Cécile Mangin.

Conseils et médiation

Le nouveau système fonctionnerait sur une base volontaire. Les avocats seraient libres d’adhérer ou non à la « convention » leur permettant de voir leurshonoraires pris en charge par le Fonds pour l’accès à la justice. Les avocats conventionnés devraient toutefois offrir au justiciable une véritable écoute deses préoccupations, ainsi qu’une explicitation suffisante des enjeux et des procédures. Le citoyen pourrait ainsi opérer les choix les plus judicieux en meilleureconnaissance de cause. Et pour pouvoir garantir cette capacité d’écoute et de dialogue avec le justiciable, les avocats devraient suivre une formation aux techniquesrelationnelles.

Ce souci de conseils et d’information, la plate-forme l’exprime également en revendiquant le financement de centres de consultation et de guidance. « Nous ne souhaitonspas modifier les services assurés actuellement par les bureaux d’aide juridique, les maisons de justice ou certaines associations agréées qui donnent gratuitement despremiers conseils. Mais nous voulons rendre l’aide juridique de 2e ligne accessible à tous », défend Cécile Mangin. L’un des axes de laréforme porte donc sur le développement des actions menées par les centres proches des citoyens les moins favorisés (CPAS, milieu associatif,…). Moyennant leuragréation et leur contrôle par une commission spéciale du fonds, ils se verraient octroyer des subsides assurant l’intégralité de leurs frais defonctionnement. Pour la plate-forme, une telle mesure s’impose si l’on veut renforcer l’accès à la justice et favoriser la prévention des conflits.

La réforme proposée n’oublie d’ailleurs pas de mettre l’accent sur la procédure de médiation. Par l’octroi de réductions sur le ticketmodérateur, le système veut encourager les modes alternatifs de règlement de conflits, ce qui permettrait notamment de limiter les recours en justice et, par làmême, de lutter contre l’arriéré judiciaire.

Financement du système

Réaliser l’objectif d’assurer un accès égalitaire à la justice suppose de rassembler des moyens financiers importants. La plate-forme entend toutefoisrester réaliste. Elle sait très bien que les finances publiques ne permettront pas la mise en place à bref délai, en matière d’accès au droit età la justice, d’une sécurité sociale aussi généreuse que celle qui existe en matière de soins de santé. Une part significative du coûtglobal du recours par les particuliers aux services d’un avocat (mais aussi d’un conseil technique, d’un huissier, etc.) demeurera donc provisoirement à leur charge. Lesystème proposé offre toutefois l’avantage de la souplesse : il pourrait fonctionner dès qu’un premier budget fédéral serait défini, la hauteurde la participation des justiciables diminuant au fil des augmentations budgétaires.

La note d’orientation de la plate-forme « Justice pour tous » a été envoyée au cabinet de la ministre de la Justice, qui n’a toutefois pas encoreréagi aux propositions.

1 Au mois d’août 2005, neuf associations avaient adhéré à la plate-forme : le collectif Solidarité contre l’exclusion, emploi et revenus pour tous ;le service Droit des jeunes ; Solidarités nouvelles Wallonie ; L’espace social Télé-Service ; Free Clinic / Infor Droit; La Ligue des droits de l’homme ; le Mouvementouvrier chrétien ; le Syndicat des avocats pour la démocratie ; le Syndicat des locataires. On peut contacter la plate-forme via le service Droit des jeunes, rue Marché auxPoulets, 30 à 1000 Bruxelles – tél. : 02 209 61 65 – fax. : 02 209 61 60

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