L’ONG Greenpeace a décidé de poursuivre en justice les gouvernements wallon et flamand concernant la pollution de l’air, plus particulièrement les dioxydes d’azote. En septembre 2017, Greenpeace avait mis en demeure les ministres des Régions. Le jugement est attendu fin de l’année. Il pourrait les contraindre à prendre des mesures pour respecter la directive européenne sur la qualité de l’air. Joeri Thijs, expert qualité de l’air et mobilité pour Greenpeace, revient sur les manquements de la Wallonie.
AÉ: Le réseau wallon de mesures des émissions de dioxyde d’azote est insuffisant. C’est votre principal reproche.
Joeri Thijs: En Wallonie, le problème de pollution atmosphérique est officiellement et systématiquement sous-estimé, parce que le réseau de mesures n’est pas représentatif, surtout pour les émissions de dioxyde d’azote dues au trafic. Les points de mesure sont en campagne. En ville, ils sont beaucoup plus rares, on en trouve uniquement à Liège et à Charleroi, et les capteurs sont quand même placés loin du trafic. Officiellement, la Wallonie ne dépasse donc pas les normes européennes, alors qu’il n’y a aucune raison qu’elle ne soit pas au-dessus. Cela a pour conséquence que les citoyens wallons pensent qu’il n’y a pas de problème, contrairement à Bruxelles et à la Flandre où l’on observe depuis plusieurs années une attention citoyenne et des actions pour revendiquer une meilleure qualité de l’air (lire «Souffle citoyen sur Molenbeek»).
AÉ: Mais l’Europe ne contraint pas les Régions à mettre des capteurs proches du trafic, se défend le ministre…
JT: C’est une interprétation de la législation. Bruxelles a déjà aussi utilisé cet argument. Le point de mesure à Arts-Loi n’est pas comptabilisé car considéré comme trop proche du trafic. La directive européenne exige aussi la mesure «des plus fortes concentrations auxquelles la population est susceptible d’être directement ou indirectement exposée»… Et on n’a que trop peu de données pour les villes wallonnes, c’est un fait.
AÉ: Un décret relatif à la pollution atmosphérique va être prochainement adopté en Wallonie. Répond-il à vos attentes?
JT: La Wallonie est en retard sur les zones de basses émissions mais prévoit d’en mettre une en place pour toute la Wallonie et de bannir le diesel d’ici à 2030. C’est un bon début et le signe d’une volonté politique. C’est aussi un premier pas pour ouvrir le débat aux citoyens sur la pollution de l’air. Mais il faut que ce soit couplé au développement d’une mobilité durable alternative. Et là, il y a des plans mais encore rien de très pratique. La pollution de l’air est une urgence en termes de santé publique.
AÉ: Outre un meilleur monitoring, qu’attendez-vous que la Région wallonne mette concrètement en place?
JT: Elle pourrait utiliser, à l’instar de la Flandre, le modèle VITO (Institut flamand de recherche technologique) qui permet de visualiser l’effet des canyons urbains (rues étroites bordées de maisons, NDLR), où l’on constate de très importants dépassements de normes. Cette nouvelle carte, qui prend en compte les réalités locales, a montré qu’il n’y avait pas qu’un problème de dioxyde d’azote à Anvers, comme le ministre flamand le prétendait. Il y a des points rouges partout sur le territoire flamand. Ce serait exactement pareil en Wallonie, excepté en Ardenne. Les Régions doivent aussi se mettre ensemble pour affronter la politique fiscale du fédéral en vue par exemple d’adopter un système de tarification routière.
Lire l’ensemble de notre dossier «Pollution, l’air de rien», Alter Échos n° 464, mai 2018.