Les ressourceries prennent une place de plus en plus importante dans le secteur de la revalorisation et du recyclage des encombrants, au point qu’elles couvrent aujourd’hui presque toutes les grandes villes wallonnes. Mais elles cheminent encore pour trouver le modèle le mieux adapté à la réalisation de leurs missions.
Qui se souvient encore des « grosses poubelles », ces ramassages ponctuels d’encombrants proposés par les communes ? À une époque pas si lointaine, elles étaient un des seuls moyens de se débarrasser de ses meubles, vaisselles, électroménagers et jouets qui traînaient dans un coin de la maison et dont on n’avait plus l’usage. De nombreux objets se retrouvaient ainsi compactés et envoyés à l’incinérateur, alors qu’ils auraient pu connaître une autre vie.
Convaincu que ce gisement perdu avait de la valeur, le secteur de l’économie sociale a développé, il y a une quinzaine d’années, une solution originale pour mettre fin à ce gaspillage : la ressourcerie. Inspirée d’une expérience québécoise, cette entreprise a pour vocation de valoriser les produits en fin de vie et de créer de l’emploi pour des personnes peu qualifiées. Même s’il existe une grande diversité de formules, une ressourcerie emprunte toujours à peu près le même circuit de revalorisation. Après avoir collecté les encombrants à domicile, elle les trie puis envoie ceux qui peuvent encore servir dans des magasins de seconde main, où ils sont revendus à bas prix. Le reste est démantelé. Les composants recyclables tels que le bois, la mousse, le métal sont envoyés à d’autres partenaires. Quant aux déchets résiduels irrécupérables, ils sont envoyés à l’incinérateur. « Le taux moyen de récupération est de 20 % », estime Tanguy Ewbank, spécialiste de ce secteur chez Ressources, la fédération des entreprises d’économie sociale actives dans la récupération et la valorisation des déchets. « 60 % des encombrants sont recyclés tandis qu’un peu moins de 20 % sont incinérés. »
Un secteur en expansion
Depuis le lancement de Rcycl, le premier projet initié en communauté germanophone en 2000, le secteur n’a cessé de s’étendre en Wallonie. Actuellement, la région compte sept ressourceries. Elles présentent de nombreuses différences au niveau de leur statut juridique, de leur structure et de leur mode de fonctionnement. Mais cette hétérogénéité est compensée par leur appartenance commune à la marque « Ressourcerie ». Déposée en 2007 par la fédération Ressources pour protéger les missions sociales fondatrices de ces entreprises, elle les soumet à une série de critères stricts. Ensemble, ces ressourceries desservent 68 communes et couvrent quasiment toutes les grandes villes wallonnes, à l’exception de la zone Mons et La Louvière, où un projet émerge néanmoins pour l’instant. « Le développement est plus rapide en zone urbaine car les besoins y sont plus criants, note Tanguy Ewbank. Les gens déménagent plus souvent et il y a moins d’espace. À la campagne, il y a plus de débrouillardise. » Même si des discussions sont en cours, ce type de projet peine à prendre forme en Province de Luxembourg, où les distances à parcourir sont beaucoup plus longues.
Au-delà de ces facteurs, le développement des ressourceries dépend surtout de leur capacité à nouer des partenariats avec les autorités publiques locales. D’abord, parce que le déchet est une propriété communale, et qu’à ce titre, les entreprises ne peuvent les collecter sans leur accord. Ensuite, parce que les ressourceries tirent une grande partie de leurs recettes de la rémunération, par les communes, des prestations de collecte et de tri des encombrants. Les autres sources de revenus, quand elles existent, proviennent de la vente en magasin et des aides à l’emploi. Les négociations avec les communes ne sont pas toujours simples, particulièrement en ces temps de disette économique. « En général, les bénéfices sociaux et environnementaux sont tout de suite compris », remarque le collaborateur de Ressources. « Mais l’aspect économique, c’est plus compliqué. »
L’intercommunale à l’horizon
Plus que les communes, ce sont aujourd’hui les intercommunales qui se profilent comme les partenaires privilégiés des ressourceries. Car comme le résume joliment Tanguy Ewbank, « l’horizon de développement d’une ressourcerie épouse naturellement la taille d’une intercommunale ». L’exemple de la Ressourcerie namuroise le montre bien. Initiée en 2005 avec la collaboration de la ville de Namur, elle a rapidement dû faire face à des demandes émanant d’autres communes. En 2011, 14 communes recouraient à ses services. Assez naturellement, BEP, l’intercommunale namuroise de gestion des déchets est donc rentrée dans le jeu. Elle possède aujourd’hui 25 % des parts de la coopérative.
Ces dernières années ont également vu un bouleversement des équilibres publics/privés. Des ressourceries 100 % publiques ont en effet fait leur apparition, telle que la Ressourcerie du pays de Liège, créée en 2009, dont l’actionnariat est composé de communes, du CPAS de la Province de Liège, de la Sowecsom (société wallonne d’économie marchande) et d’Intradel. La Ressourcerie du Val de Sambre, petite dernière née en 2013, fonctionne également avec un actionnariat composé de l’ICDI, intercommunale de gestion des déchets de Charleroi, du CPAS de Charleroi ainsi que d’IGRETEC, une autre intercommunale qui s’occupe de la gestion et réalisation d’études techniques et économiques.
Cette évolution s’explique par un contexte juridique particulier : les communes doivent passer des marchés publics pour recourir aux services des ressourceries, même si parfois ces dernières sont les seules à fournir le service sur le territoire. Les contrats doivent de plus être régulièrement renouvelés (parfois d’année en année), ce qui crée énormément d’insécurité. Créer une ressourcerie 100 % publique permet d’éviter cette contrainte, même si, en contrepartie, il n’est plus possible de bénéficier de l’agrément insertion de la Région wallonne.
Vers une harmonisation du modèle ?
Pour Tanguy Ewbank, cette situation est transitoire. L’avenir, selon lui, est dans un modèle plus harmonisé, où la ressourcerie serait un service permanent ancré dans un territoire. Elle proposerait des collectes non sélectives (ce qui n’est pas le cas de toutes les ressourceries actuellement). L’intercommunale serait le partenaire privilégié de cette entreprise, avec une participation qui n’excéderait pas 25 % « pour garder l’indépendance de l’entreprise ». Pour éviter la procédure des marchés publics, une des pistes est que les ressourceries soient reconnues comme service d’intérêt économique général. Cette réglementation européenne permet à certains services marchands comme les transports ou l’énergie de s’inscrire dans un cadre juridique spécifique en vertu d’un critère d’intérêt général. Le secteur de la réutilisation est reconnu comme tel. Ce nouveau statut pourrait offrir plus de stabilité juridique aux ressourceries, même s’il reste de nombreux points d’interrogation.
- 7 ressourceries en Région wallonne : Rcycl, Ressourcerie namuroise, Ressourcerie de la Dyle, Ressourcerie du pays de Liège, Ressourcerie Val de Sambre, Ressourcerie Le Carré et Fol’Fouille.
- + 2 partenaires opérationnels incontournables : Bouche à oreille, partenaire de vente de Rcycl, et La Poudrière, une asbl liée à Emmaüs, qui collabore avec la Ressourcerie Le Carré en Wallonie picarde ;
- 114 personnes sous contrat « classique », 64 travailleurs en « article 60 » mis à disposition par les CPAS, 51 stagiaires en formation et 11 bénévoles (équivalent temps plein) ;
- en 2012, 8 136 tonnes d’encombrants récoltées, dont 1 629 tonnes revendues en magasin et 1 580 tonnes de déchets résiduels incinérées.