S’il fallait décerner le titre de « rue bruxelloise au centre des préoccupations politique, académique et associative », il y en aurait peu, ces dernières années, qui pourraient mieux y prétendre que la rue Malibran à Ixelles. Située entre la place Flagey et la place Blyckaerts, cette rue constitue le pendant populaire des très bourgeois étangs d’Ixelles. Non contente d’avoir été l’objet d’une étude sociologique menée par Bernard Francq (UCL) et ses étudiants1et d’être entrée dans le dispositif des contrats de quartier2, la rue est depuis cette année le cadre d’une « fête de quartier améliorée et étendue dans le temps », intitulée « Je cherche ma place3 ».
Présentée comme une initiative d’habitants et d’usagers du quartier, Je cherche ma place (JCMP) invite chacun « à partager le plaisir à imaginer,créer, discuter, inventer, exprimer, écrire, chanter, slammer ou même danser le devenir de nos quartiers ». Son titre fait à la fois référence auxdifficultés identitaires que peut engendrer la vie urbaine, mais aussi, beaucoup plus prosaïquement, aux interminables travaux de la place Flagey qui demeure le pôle d’attraction duquartier.
Pour réaliser ses objectifs, JCMP a pu bénéficier des compétences du Parcours citoyen Ixelles pour la coordination générale et de Moving City pour lacoordination artistique4. Le programme des festivités s’étendait du 10 au 25 septembre avec, en point d’orgue, la Journée de la mobilité du dimanche 18septembre lors de laquelle la rue Malibran, comme tout Bruxelles, a été fermée aux voitures. Ce sont en tout une vingtaine de projets et d’activités qui ont pu êtreproposés.
Du diagnostic au réseau
Parmi ceux-ci, signalons le Diagnostic marchant et dialoguant, promenade dont les participants étaient invités à signaler à même la rue, à l’aide de divers pictogrammes, les possibilités d’amélioration des espaces publics. Ou encore l’E-toile du quartier, réseau d’ordinateurs reliés par des ondes wifi (radio). À la fois expérimental et gratuit ce réseau emprunte la technologie sans fil mise au point par Reseau citoyen. Son principe est de n’avoir besoin d’aucun opérateur pour se développer, car c’est l’ensemble des personnes interreliées qui constituent la toile virtuelle. En plus du développement du Réseau, l’E-toile proposait également unatelier d’informatique dont le but était de « se construire un PC d’occasion pour quelques euros ! » : une alternative autogestionnaire aux propositions de lutte contre la fracture numérique annoncées récemment par le ministre de l’Intégration sociale Christian Dupont.
Autre exemple dans la même veine : les Ateliers du Faire qui devaient permettre à chacun de réaliser son propre mobilier urbain, ou de dessiner sa vision de la rue à même le bitume. Tout ceci venant en complément des plus traditionnels repas de quartier, concerts et autres spectacles.
S’il est un peu tôt pour dresser un bilan (une réunion y sera d’ailleurs consacrée d’ici à la fin mars), Dominique Nalpas, une des chevilles ouvrières de JCMP, se dit à première vue très satisfait de la manière dont l’espace de la rue a pu être occupé ainsi que des rencontres que la journée a permises. Les commerçants sont également ravis. Seul bémol : les activités plus ambitieuses énoncées plus haut n’ont pas eu le succès espéré. Au moment de chercher des explications à cet état de fait, Dominique Nalpas évoque la signalétique assez pauvre et donc la faible visibilité de ces activités :« Ce n’est pas un choix délibéré, mais plus simplement le résultat de deux dernières semaines d’organisations particulièrement harassantes du point de vue administratif ! »
Quant à l’avenir de JCMP, il reste à déterminer : la coordination organisera-t-elle d’autres événements, ou bien la même chose l’année prochaine, ou encore chacun retournera-t-il à ses activités propres ? L’évaluation prochaine devrait permettre de répondre à ces questions.
Quant à la question de savoir si « Je cherche ma place » entend s’inscrire dans le contrat de quartier Malibran actuellement en cours, Dominique Nalpas répond par une pirouette révélatrice des rapports qui existent entre les deux dispositifs : « Nous souhaiterions surtout que ce soit le contrat de quartier qui s’intègre dans le cadre de Je cherche ma place ».
1. Le résultat est disponible dans « La ville incertaine – Politique urbaine et sujet personnel », Academia Bruylant, Louvain-La-Neuve, 2003
2. www.ixelles.irisnet.be
3. Site : www.jecherchemaplace.be
4. Parmi les autres énergies mobilisées, citons celles des comités Flagey et Brasserie, d’Habitat et Rénovation, d’Arboressence, du Réseau citoyen, de La Cambrearchitecture, du Hacklab, de CityMine(d), de GC Elzenhof, du Théâtre Marni, de Dynamo, du Contrat de quartier Malibran, de commerçants du quartier, etc. Soit un rassemblement d’asbl « émergentes » dans les domaines artistique, urbain et informatique mais aussi d’établissements d’enseignement et d’institutions artistiques. Institutionnellement, le projet est soutenu par la Commune d’Ixelles, la Communauté française, la Région bruxelloise, la Cocof et la VGC.