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Coûts et bénéfices de l’intégration des réfugiés en Allemagne, une interview de l’économiste Tobias Hentze

Tobias Hentze est économiste au «Cologne Institute for Economic Research». Il s’occupe notamment des questions relatives aux finances publiques, aux systèmes de sécurité sociale. Alter Échos a abordé avec lui la question des coûts et bénéfices générés par l’intégration – ou pas – des réfugiés sur le marché de l’emploi allemand.

Tobias Hentze est économiste au «Cologne Institute for Economic Research». Il s’occupe notamment des questions relatives aux finances publiques, aux systèmes de sécurité sociale. Alter Échos a abordé avec lui la question des coûts et bénéfices générés par l’intégration – ou pas – des réfugiés sur le marché de l’emploi allemand.

Alter Échos: Vous affirmez qu’en 2016, l’Allemagne a dépensé 18 milliards d’euros pour prendre en charge les réfugiés arrivés sur son territoire. Et que ce chiffre pourrait s’élever à 28 milliards en 2020. Comment peut-on expliquer cette augmentation?

Tobias Hentze: Notamment par le regroupement familial. On estime qu’environ 0,8 à 1,2 personne vient rejoindre un réfugié. Et ce sont des personnes qui sont en général moins qualifiées.

AÉ: Il y a aussi d’autres chiffres, plus positifs.

TB: Oui. Le PIB global de l’Allemagne a augmenté de sept milliards d’euros suite à l’arrivée des réfugiés. Et ce chiffre pourrait monter à 30 milliards en 2020. Cela est notamment dû au fait qu’il a fallu engager des professeurs pour donner cours aux réfugiés, qu’il va falloir construire du logement, etc. D’un autre côté, le PIB par habitant a diminué de 400 euros en 2016. En 2020, il risque de baisser de 800 euros parce les réfugiés travaillent pour l’instant moins que les Allemands. Le chômage risque d’ailleurs d’augmenter de 1,5% d’ici à 2020.

AÉ: Justement, quelles sont les chances d’intégration des réfugiés sur le marché de l’emploi allemand à l’heure actuelle?

TB: Sur le total des réfugiés arrivés sur le territoire, on estime que 5% vont repartir assez vite à destination d’un autre pays. Cinq autres pour cent quitteront l’Allemagne après un an. Sur les 90% restants, 75% ont entre 15 et 64 ans et sont en âge de travailler. 20% de ceux-ci vont trouver un travail dans un laps de temps assez court. Il leur faudra environ huit mois, le temps de retomber sur leurs pattes.

AÉ: Et les autres?

TB: Ils doivent d’abord améliorer leurs compétences linguistiques. On peut ensuite estimer que, chaque année, 10% d’entre eux seront capables de trouver un emploi. Ce qui nous fait dire que d’ici quelques années la moitié des réfugiés arrivés en 2015 auront un job. Mais ce n’est qu’une estimation.

Le profil d’études des migrants est varié. Vingt pour cent ont fini l’école secondaire. Mais entre 20% et 25% ne l’ont jamais terminée…

AÉ: Justement, de quels types de jobs parle-t-on? S’agira-t-il de travail qualifié ou moins qualifié?

TB: Le profil d’études des migrants est varié. Vingt pour cent ont fini l’école secondaire. Mais entre 20% et 25% ne l’ont jamais terminée… Cela dépend, donc. Mais ce qui est clair, c’est que la pression sur les emplois moins qualifiés risque d’augmenter.

AÉ: Ce qui vous pousse à dire que, dans un premier temps, l’État allemand paiera plus que ce qu’il ne recevra économiquement grâce à leur présence.

TB: Oui. Il y a bien sûr un coût à tout cela. D’un autre côté, cette nouvelle population peut constituer une opportunité, une force de travail, notamment parce que la population allemande est vieillissante. Mais pour cela il faudra que cette population puisse se former, s’intégrer sur le marché du travail.

AÉ: Ça vous semble jouable?

TB: Honnêtement, ç’a été un peu le chaos au début. La situation a été très exigeante pour le secteur public.

AÉ: Et pour le privé? Vous avez l’impression que les entreprises jouent le jeu et sont prêtes à engager des réfugiés?

TB: Le problème réside dans le fait qu’elles ne savent pas si les réfugiés vont rester sur le territoire allemand. Si vous engagez un gars et que vous le voyez partir peu après, ce n’est pas intéressant. Pour l’instant, certaines d’entre elles n’osent donc pas, elles se disent «Attendons deux ou trois ans».

AÉ: Ce qui constitue un problème…

TB: Oui. C’est politique en fait. Si les réfugiés ici restent coincés dans ce statut, si on se met dans une position attentiste, si on ne fait pas en sorte que les craintes des entreprises diminuent, on ne va pas se diriger vers un scénario positif. Mais si les réfugiés restent, s’ils peuvent se former, nous avons le potentiel pour le faire. D’autant que beaucoup d’initiatives ont été mises en place.

En savoir plus

«En Allemagne, efforts conjugués pour l’emploi des réfugiés», Alter Échos n° 439 20 février 2017 Cédric Vallet

Julien Winkel

Julien Winkel

Journaliste

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