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Regard critique · Justice sociale

Logement

La Société wallonne du logement : entre ambitions et réalisme

Placée sous la tutelle du gouvernement wallon, la SWL poursuit des objectifs ambitieux. Mais, engoncée dans le carcan budgétaire qui lui est imposé, elle doit fairepreuve de réalisme et de créativité.

18-12-2011 Alter Échos n° 329

La Société wallonne du logement (SWL) est le principal opérateur institutionnel de la politique du logement public au sud du pays. Placé sous la tutelle du gouvernementwallon, cet organisme d’intérêt public poursuit des objectifs ambitieux. Mais, engoncé dans le carcan budgétaire qui lui est imposé, il doit faire preuve deréalisme et de créativité.

Le moins que l’on puisse écrire est que la mission première de la SWL – à savoir fournir un logement décent à chaque citoyen – n’est pasune sinécure. Un chiffre parle à lui seul : la Wallonie compte à peine 8 % de logements publics en location… alors qu’un pays voisin comme la Franceenregistre un bon 16 % ! Ce n’est pas être de mauvais compte non plus d’ajouter que ces logements publics, la plupart dits « sociaux », ne sont leplus souvent pas synonymes de progrès social. Généralement, les édifices en question sont enserrés dans des quartiers monofonctionnels – pour ne pas direqu’ils ont l’allure de ghettos de béton – et nécessiteraient d’importants travaux de rénovation, de revalorisation, de revitalisation.

Les missions de la SWL

1. Participer à la mise en œuvre du droit au logement
La mission première de la SWL est de concrétiser le droit au logement décent reconnu à chaque citoyen par la Constitution. Pour ce faire, elle coordonne ledéveloppement et la gestion locative d’un parc de 104 000 logements de service public, principalement sociaux et moyens. Il s’agit de son propre patrimoine ainsi que celui des68 sociétés de logement de service public (SLSP) agréées. Elle participe en outre à la création de logements pouvant être acquis à desconditions « sociales ». Enfin, elle agit comme un véritable opérateur immobilier par l’achat et la vente de logements et de terrains.

2. Agréer, conseiller et contrôler les SLSP
Organisme d’intérêt public, la SWL assure, pour le compte du gouvernement wallon, la tutelle, l’agréation, le conseil, l’assistance et le contrôle desSLSP. Ces missions sont exercées sur le plan administratif (gestion des SLSP et de leur patrimoine, application de la réglementation locative, etc.), technique (assistance à lacréation ou à la rénovation de logements, contrôle des marchés, inspection, etc.) et financier (suivi de l’état financier des sociétés delogement, aide à la gestion comptable et fiscale, etc.).

3. Evaluer périodiquement les activités des SLSP
La SWL évalue périodiquement l’activité des SLSP et réalise un rapport d’audit de celles-ci. Ces rapports balayent tous les aspects de leur gestion :comptable, financier, fiscal, administratif, technique, informatique et locatif. Ces audits peuvent donner lieu soit à plus d’assistance de certaines SLSP, soit à plus decontrôle, soit encore à des sanctions.

4. Servir de banquier aux SLSP
Les projets de construction et de rénovation des SLSP sont financés pour l’essentiel par la Région wallonne, parfois en tout ou en partie par les fonds propres dessociétés.
La SWL joue le rôle de banquier, étant l’intermédiaire entre la Région wallonne et les SLSP. Les financements d’opérations immobilières(prêts, subventions, etc.) sont octroyés à certaines conditions et dans la limite des budgets disponibles.

5. Promouvoir le logement durable
Depuis quelques années, la SWL prévoit l’obligation pour les SLSP de créer des logements durables. Ceux-ci doivent être intégrés aux milieux de vie etpermettre de répondre à une demande sociale.

6. Aider les SLSP dans leurs démarches partenariales
La SWL incite les SLSP à collaborer non seulement entre elles, mais aussi avec d’autres partenaires, qu’ils soient publics (provinces, CPAS, etc.) ou privés. La SWL acréé en son sein un pôle partenarial spécialement chargé d’aider les SLSP dans le montage de partenariats public-privé (PPP).

7. Susciter l’activité des SLSP dans toutes les communes
La SWL veille à ce que l’entièreté du territoire wallon soit desservie par des sociétés de logements. Aujourd’hui, les 68 sociétés delogement de service public couvrent l’ensemble de la Wallonie et leurs champs d’activités sont mis en cohérence avec les territoires communaux.

8. Apporter une assistance aux pouvoirs publics locaux
En collaboration avec les SLSP et le département Logement du Service public de Wallonie (DGO4), la SWL épaule les pouvoirs locaux dans l’élaboration et la mise enœuvre des « programmes communaux d’actions en matière de logement ». Dans ces documents, chaque commune fait part de ses projets relatifs au logement sur sonterritoire. Ces projets sont soumis à l’approbation du gouvernement wallon.[/b]

Un manque de volonté politique

A qui la faute ? Comme le souligne Alain Rosenoer, directeur général de la SWL, « l’intervention du public dans le logement n’a jamais faitl’unanimité politique en Belgique, encore moins dans le logement locatif via l’aide à la pierre. » Depuis les années ’70, les crises économiquessuccessives et le transfert de la compétence du logement de l’Etat aux Régions n’ont fait qu’accroître le problème du sous-financement du secteur.Résultat : la crise du logement est devenue une crise endémique. Fin 2009, la Wallonie comptait 100 962 logements sociaux… contre 100 220 dix ans plustôt ! Si l’on se réfère aux dernières prévisions du bureau du plan, la population wallonne augmentera de plus d’un million d’unités àl’horizon 2050. On comprend dès lors l’urgence de prendre des mesures.

Or depuis belle lurette, les politiques du logement ne font même plus illusion. Au gré des législatures, les multiples réformes successives ont abouti àl’existence d’un Code wallon du logement devenu aujourd’hui obsolète. Plus personne n’y trouve son compte, ni le politique, ni le fonctionnaire del’administration, ni le professionnel du secteur du bâtiment, ni le citoyen. Il importe évidemment qu’un document comme celui-là définisse un cadregénéral. Mais, dans son ensemble, il manque de cohérence, est indigeste et vacille sur ses bases… à l’image de l’ensemble de la politique du logement. Aforce d’hypertechnicité et d’hyperréglementation – au nom notamment de la bonne gouvernance et du développement durable –, la politique du logement a finipar oublier sa mission première : produire et fournir du logement ! Faisant actuellement l’objet d’une analyse en profondeur au parlement wallon, ce Code devraitnéanmoin
s subir un lifting important, dont les premiers effets sont attendus dans le courant 2013. Du moins, on l’espère.

30 000 demandes insatisfaites

Il serait simpliste de vouloir trouver les causes de l’insuffisance de logements publics dans le seul manque de volonté, d’ambition ou de compétences de nos politiques.D’autres éléments expliquent la crise du logement public : la croissance démographique, le vieillissement de la population, l’augmentation du nombre decélibataires et de familles monoparentales, la mobilité plus importante des ménages, l’arrivée massive d’étrangers notamment de l’Unioneuropéenne, la hausse des prix du logement largement supérieure à celle du coût de la vie, la pénurie de terrains constructibles dans certaineszones, l’importance des taxes sur l’achat ou la vente de biens immobiliers, etc.
Alain Rosenoer pointe encore d’autres facteurs : « Si on examine une photographie globale du logement wallon, on constate que le patrimoine de 1,3 million de logements est pourplus de deux tiers occupé par leur propriétaire. A titre de comparaison, en France, la moyenne est de 55 %. Avec plus de 30 000 demandes de logement public actuellementinsatisfaites en Région wallonne et un taux de rotation de 7 %, le délai d’attente moyen d’un logement social est de quatre à cinq ans. Sachant que 85 % desménages demandeurs sont en situation précaire, la pression sur le secteur est très forte. Actuellement, seuls 20 % des ménages occupant un logement social wallonbénéficient d’un revenu du travail. »

Quid de l’avenir ?

Aujourd’hui, on a beau nourrir de nouveaux espoirs et se fixer des quotas ambitieux (comme les 10 % de logements publics à atteindre par bassin de vie, tels que définispar le projet de nouveau Code wallon du logement encore actuellement en débat), le nerf de la guerre reste l’argent. Mais force est de constater que dans le contexte d’uneéconomie européenne morose et dans celui d’un gouvernement belge nouvellement mis en place sous le signe de la rigueur budgétaire, il ne faut pas s’attendre àde grands miracles dans les années à venir. Une politique de logement sous-financée restera vouée à l’échec.

Les projets en cours

Des financements alternatifs

En dépit d’une situation globalement maussade dans le secteur du logement public wallon, le directeur général de la Société wallonne de logement ne baissepas la garde, ni les bras. « A notre échelle, ce que nous pouvons faire, c’est rechercher des moyens financiers alternatifs et diversifier les modes deproduction », dit-il. Il évoque deux pistes. Un : la recherche de financements auprès de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Banque dedéveloppement du Conseil de l’Europe (CEB). Cette démarche pourrait aboutir à l’apport d’environ un milliard d’euros dans les programmesd’investissements des sociétés de logement. Deux : le développement des partenariats public-privé (PPP).
Alain Rosenoer évoque aussi une autre collaboration étroite. « Pour encore accroître son offre de logements, ajoute-t-il, la SWL s’est associée avec lemonde financier et bancaire pour créer deux sociétés d’économie mixte : la SMDI (avec Dexia) et Domovoi (avec le Crédit Agricole de France et Promenoir).L’objectif de ces deux sociétés est de mettre chacune sur le marché 600 nouveaux logements peu énergivores, dans le cadred’écoquartiers. »

Une manne de 900 millions d’euros

Une autre bonne nouvelle, quoique dérisoire en regard des besoins du secteur, est la mobilisation par le gouvernement wallon d’un budget de 900 millions d’euros pour la relancedu logement social. Cette somme servira entre autres à stimuler d’ici à 2014 la construction de 7 000 logements neufs (dont 20 % destinés à des famillesnombreuses), à diminuer les charges énergétiques de quelque 50 000 ménages et à rénover 10 000 logements par le biais du programmed’investissements énergétiques dans le secteur du logement social baptisé « Pivert ». Approuvé en décembre 2010, ce programmes’inscrit dans le « Plan Marshall 2.Vert ». Il bénéficie d’un financement de 400 millions d’euros pour des travaux échelonnés surquatre ans, de 2011 à 2014.

Un cadastre du logement public

Autre projet d’envergure : la réalisation d’un cadastre du logement public wallon sur la période 2009-2014. Cet outil de gestion de la politiqueimmobilière publique vise à prévoir les investissements à venir sur la base d’une connaissance pointue de chaque logement, de ses composants, des équipements(chauffage, ventilation, ascenseurs, etc.) et de toutes les informations relatives aux aspects légaux de la construction (salubrité, amiante, électricité, ascenseurs,etc.). Cet outil permettra aussi, pour l’ensemble du parc, une planification des travaux, le calcul des prix unitaires nécessaires à la budgétisation des travaux àcourt, moyen et long terme, et la détermination de priorités d’action.
D’autres projets sont encore sur les rails au sein de la SWL, qui démontrent la créativité et les efforts de celle-ci pour tenter de faire face à la crise dulogement. Citons entre autres un futur cahier général des charges pour les bâtiments wallons, un nouveau vade-mecum technique pour le logement durable, un barèmed’honoraires et un cahier des charges des auteurs de projet, des concours d’architecture, les formations des administrateurs des SLSP et un audit interne de la SWL.

Pour plus d’informations, consultez le rapport d’activité 2010 de la SWL : www.swl.be/images/RA2010/ra10-web.pdf

Le discours d’Alain Rosenoer oscille entre ambitions et réalisme. « En ne représentant que 8 % du patrimoine de logements et en étant obligé de tenircompte de contraintes de gestion, le secteur du logement social ne peut actuellement répondre à toutes les situations de détresse sociale, dit-il. Le secteur public du logementdoit à la fois peser à la baisse sur le montant des loyers et contribuer à promouvoir l’égalité des chances en mettant à la disposition de citoyensplus vulnérables un environnement de qualité pour y accomplir tous les actes de la vie quotidienne. C’est là son rôle social. Le secteur du logement social est unsecteur faible, mal financé. Comment dans ces conditions résoudre une équation où il faut en même temps répondre à une demande qui ne cesse decroître, assainir un parc locatif vieillissant et énergivore et construire du logement, le tout dans une conjoncture
qui ne semble pas prévoir une embellie ? Cependant,même en période de crise budgétaire, le logement public doit demeurer l’objet d’investissements importants. Les coûts pour la collectivité d’unenon-politique du logement sont bien supérieurs à ceux d’une politique dynamique du logement s’inscrivant dans la durée, la continuité, l’implication del’ensemble des acteurs et s’adaptant à l’évolution des besoins. »

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