Le premier avertissement a été donné le 23 novembre dernier. La Ville de Bruxelles procédait pour la première fois à la réquisition de plusieurs logements, situés dans un même immeuble, sans l’autorisation du propriétaire. L’opération ne restera apparemment pas sans lendemain. L’échevin du logement Mohamed Ouriaghli (PS) va mobiliser les acteurs de terrain contre les logements inoccupés et insalubres dans le quartier Bockstael. Concrètement, l’échevin a établi une charte de collaboration, dans le cadre du contrat de quartier Bockstael, entre les associations, la police et le CPAS de Bruxelles. Cette charte est conclue jusqu’à la fin de l’année 2017 et elle prévoit notamment « d’échanger des informations en vue d’améliorer la connaissance du quartier en général et des situations problématiques en particulier ». En clair ? Demander aux associations de signaler les logements inoccupés ? Cédric Limani, porte-parole de Mohamed Ouriaghli confirme. La collaboration des acteurs « sur le terrain » devrait, dit-il, permettre de détecter ces logements et donc de « poursuivre, si nécessaire, la prise en charge par les pouvoirs publics des logements insalubres et inoccupés si le propriétaire reste réfractaire à toute occupation de son bien ».
La prise en gestion publique d’un immeuble était, jusqu’ici, plutôt rare à Bruxelles. La Région dispose pourtant, comme en Wallonie, des outils législatifs pour le faire. Depuis 2004, ce dispositif est prévu dans le code du logement et en décembre 2012, un décret a précisé les critères d’inoccupation sur base d’une faible consommation en eau et électricité et l’absence de meubles dans le logement pendant 12 mois consécutifs. Mais la principale difficulté est de repérer ces logements. En principe, les communes doivent signaler les immeubles vides à la Région mais dans la pratique, l’exercice est difficile car il suppose d’aller plusieurs fois sur le terrain pour vérifier, visuellement, l’inoccupation. Des villes comme Namur et Charleroi ont mis en place des véritables « brigades » pour le faire. Elles mobilisent les services communaux, la police, le CPAS, le Parquet. C’est très efficace mais cela demande du temps, du personnel, bref, c’est coûteux. On comprend donc l’appel lancé aux associations par l’échevin de la Ville de Bruxelles. L’idée est intéressante car ces acteurs de terrain sont susceptibles de connaître aussi le contexte de l’inoccupation de l’immeuble ou du logement. A-t-on affaire à un propriétaire de mauvaise volonté ou incapable, pour diverses raisons, d’assurer l’entretien et la rénovation de son bien ? A Namur, où l’on dispose de près de dix ans d’expérience en matière de « réquisition douce », on a pu constater que l’inoccupation d’un logement était rarement le résultat de visées spéculatives de la part du propriétaire.
Jusqu’à présent, les communes bruxelloises ont privilégié le système des amendes administratives, qui en Wallonie aussi, sont le premier signal donné au propriétaire qui refuse de louer son bien. Toujours en raison du manque de personnel, certaines communes ont même confié à la Région le soin de percevoir ces amendes en échange d’une subvention régionale pour initier des politiques innovantes en matière de logement. Mais les sanctions financières montrent aussi leurs limites. Le propriétaire du logement réquisitionné par la Ville en novembre dernier s’était déjà vu infliger plusieurs amendes sans que cela ait modifié en rien son attitude. Il faut parfois frapper plus fort et la Ville de Bruxelles semble l’avoir compris.
En savoir plus
Logement : comment combler les vides, Alter Echos numéro 435-436, 23 décembre 2016, Martine Vandemeulebroucke