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Regard critique · Justice sociale

« Réenchanter la ville » : des pratiques artistiques pour retisser des liens sociaux

Ce 17 mars, le réseau Banlieues d’Europe1 organisait à Paris une rencontre européenne autour du livre de Jean Hurstel, Réenchanter laville2. L’ouvrage relate différentes pratiques artistiques innovantes et participatives dans différentes villes européennes (Bruxelles, Belfast, Belgrade, Vienne,Francfort, Lyon, etc.).

24-03-2006 Alter Échos n° 205

Ce 17 mars, le réseau Banlieues d’Europe1 organisait à Paris une rencontre européenne autour du livre de Jean Hurstel, Réenchanter laville2. L’ouvrage relate différentes pratiques artistiques innovantes et participatives dans différentes villes européennes (Bruxelles, Belfast, Belgrade, Vienne,Francfort, Lyon, etc.).

Actif depuis 1992, le réseau Banlieues d’Europe rassemble des responsables associatifs, des villes, des experts et chercheurs, des opérateurs culturels et des artistes,sensibilisés aux questions de l’intervention artistique dans les quartiers défavorisés et en direction des habitants généralement exclus. L’art estperçu comme un processus visant à favoriser l’échange, à initier des dynamiques avec les habitants. Toujours à l’affût de pratiques artistiques innovantes etparticipatives, Jean Hurstel, président du réseau, a décidé de les faire partager au travers d’un livre paru dans la collection Carnets de ville (L’Harmattan).

Recréer du lien social

D’entrée, l’auteur présente la ville comme « un lieu frontalier majeur » traversé d’enjeux. Les banlieues sont pour lui des quartiers-monde qui ne sont pas sansrappeler les anciens faubourgs. Pour Jean Hurstel, c’est dans ces « ban-lieues », à haut taux de chômage, que se trouve le plus fort potentiel du pays ; c’est dans cesquartiers décrits comme un « enfer concentrationnaire urbain » que se jouent des véritables enjeux sociaux et culturels. Il insiste sur le fait que l’art peutrégénérer une cité. « L’échange de paroles – libres et souveraines – est au centre des projets, explique l’auteur. Les échanges vont permettre derefaire une ville. » Il insiste sur le sentiment d’appartenance à une ville comme élément fondamental pour faire lien dans la ville. Il dénonce au passage latendance à la « karchérisation » des banlieues.

Expériences bruxelloises

Au travers des Ateliers de la Banane à Saint-Gilles (Bruxelles), Mariska Forrest, plasticienne, a ainsi trouvé le moyen de faire du lien entre les gens. Ce centre d’expressionet de créativité est en fait un laboratoire de productions artistiques ouvert à tous les publics et à tous les âges. Les ateliers et stages sont animés pardes artistes de différents horizons : plasticiens, écrivains, musiciens ou comédiens. Les participants adultes sont amenés à prendre part à la conduite desprojets qui leur sont proposés. L’aboutissement de ces projets peut faire l’objet d’expositions, de publications, etc. Des ponts ont été jetés avec le Collectif Alpha,situé à deux pas de là. Jean Przykleck recourt à la photographie pour favoriser l’expression d’adultes qui suivent des cours d’alphabétisation. Mariska Forrestco-anime ces ateliers. Il ne s’agit pas seulement « d’apprendre à parler, lire, écrire et calculer pour se débrouiller dans la vie quotidienne » mais aussi de «pouvoir se situer, participer et agir dans la société. »

Ailleurs…

Et les pratiques innovantes ne manquent pas. À Francfort, le Jugendkultur Werkstatt Falkenheim, situé dans le quartier Gallus, organise des ateliers de sculpture pour des jeunesdélinquants en prévention judiciaire. Ceux-ci sont « condamnés » à sculpter : « la formation aux pratiques artistiques fait partie intégrante deleur formation au sens large et de leur parcours d’insertion professionnelle ». Le projet « Living stone » a été mis sur pied dans ce cadre. Il s’agit d’une sculptureévolutive. Située dans un parc, elle est amenée à être retravaillée tous les deux ans par les jeunes, encadrés par des artistes et avec l’aide desenfants et habitants du quartier, ainsi que des SDF qui résident dans ce parc.

À Glasgow, les habitants et la compagnie d’arts Fablevision aide les habitants de Royston Road à se réapproprier leur quartier en se mobilisant pour le réhabiliter etsauver ses monuments. À Vienne, des artistes investissent un quartier sans lui faire subir les affres de la gentrification, mais tout simplement en faisant émerger des systèmesde solidarité de quartier (échange de biens et de services). Ou encore ils mènent des interventions sociales, comme organiser un bus sanitaire pour les marginaux. ÀSétubal, près de Lisbonne, une coopérative, utilise les dynamiques culturelles et artistiques pour provoquer un engagement actif des femmes en rompant avec le conservatismeambiant. À Belgrade, ce sont les pratiques de résistance des artistes au pouvoir de Milosevic qui ont été rappelées.

Enfin, à Belfast, un carnaval transcende les divisions communautaires entre Protestants et Catholiques en les amenant à organiser un grand événement commun. Ce typed’initiatives est essentiel pour favoriser le rapprochement et la réconciliation de ces deux communautés.

Réenchanter, réinventer

En guise de conclusion, Jean Hurstel insiste sur le fait qu’il faut se souvenir que « le mot integrare, dans son sens premier – latin –, signifie tout simplement «recréer » et non « assimiler ». Nous sommes en permanence engagés dans une démarche de recréation, de réélaboration de nos valeurs,représentations, comportements. Non seulement de l’espace bâti, mais aussi des représentations nouvelles que la ville contemporaine projette au cœur de ses habitants.»

1. Banlieues d’Europe, rue Howald 13 A à 67 000 Strasbourg – France – tél. : + 33 3 88 22 24 43– fax : + 33 3 88 32 94 83 – banlieues.deurope@wanadoo.fr
2. Jean Hurstel, Réenchanter la ville, collection Carnets de ville, L’Harmattan, 2006.

Baudouin Massart

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