Une rumeur de « catégorisation » potentielle des chômeurs par le Forem suscite de vives réactions. L’organisme de placement rassure et précise : ils’agirait d’un projet pilote. La Fédération des CPAS wallons, l’Interfédération des EFT/OISP et l’Intermire restent vigilantes.
Le 13 octobre dernier, la Fédération des CPAS wallons1 s’inquiétait dans les pages de La Libre Belgique à propos d’un projet de« catégorisation » des chômeurs, mis en place au sein du Forem dans le cadre de l’accompagnement individualisé des chômeurs et dont elle aurait euvent. Concrètement, les demandeurs d’emploi auraient pu être « classés » selon quatre catégories. Les personnes prêtes à l’emploi, les personnes« presque » prêtes, les individus en formation et enfin ceux connaissant des problèmes de nature médicale, mentale, psychique ou psychiatrique (les « MMPP »).Une dernière catégorie dont les « membres » auraient pu se voir orienter vers les CPAS qui se posaient dès lors certaines questions, notamment quantà leur capacité à accueillir ce nouveau public sans moyens supplémentaires ou à propos d’une éventuelle stigmatisation des MMPP.
Propos rassurants, acteurs vigilants
Si André Antoine (CDH)2, le ministre de l’Emploi de la Région wallonne a depuis tenu à rassurer en affirmant qu’il s’agissait d’un projet-pilote (son cabinetprécise que l’initiative relève du Forem), la Fédération des CPAS wallons ne baisse pas pour autant la garde, rejointe dans sa démarche de questionnement parl’Interfédération des EFT/OISP3 et l’Intermire4 (qui fédère les onze missions régionales), également potentiellement concernéespar cette catégorisation. Même si dans leur cas, l’afflux de personnes proviendrait plus probablement de la troisième catégorie (celle des personnes en formation).
Il faut dire que cette « catégorisation » pose, selon les trois structures, une série de questions assez importantes au rang desquelles on trouve toujours letransfert des charges à propos duquel la Fédération des CPAS s’inquiète malgré les propos apaisants d’André Antoine. « On nous dit que le ministrea répondu dans la presse et que nous tirons des plans sur la comète. Mais je suis personnellement toujours inquiet, déclare Christophe Ernotte, directeur général dela Fédération des CPAS. C’est Basilio Napoli lui-même [NDLR directeur général de Forem-Conseil] qui nous a affirmé que si le projet étaitofficialisé, les MMPP allaient être orientés vers les CPAS. Il ne s’agit tout de même pas d’un employé administratif. Pour nous, selon nos calculs, celareprésenterait entre 10 000 et 50 000 personnes en plus alors qu’aucune marge supplémentaire n’est prévue au niveau du budget et que, de plus, nous n’avons pas étéconsultés au préalable. »
Paul Timmermans, président de l’Intermire, donne quant à lui une clé de lecture supplémentaire quant à l’afflux potentiel d’un nouveau public. « Onpeut en arriver à se demander si l’on ne risque pas de faire plus d’accompagnement social que professionnel, s’inquiète-t-il. La question est de savoir ce que l’on va faire de ceux quisont dans cette catégorie MMPP, qui va les prendre en charge, pour quels objectifs et avec quels financement ? Et cela veut-il dire que l’on va plus se concentrer sur le public « restant » auniveau de l’accompagnement ? » Et le président de détailler la position de l’Intermire concernant l’accompagnement, justement. « On sait très bien que sil’accompagnement est obligatoire, cela n’a pas de plus-value. Il faut plus d’accompagnement, mais pour ceux qui le veulent, pour ceux qui sont à la recherche d’un emploi. »
Une question éthique
Autre point évoqué par les trois structures, la question éthique pose aussi problème. « Nous sommes un peu sceptiques quant à la manière dontle Forem compte accompagner les MMPP, déclare Erik Mikolajczak, secrétaire général de l’Interfédé. On peut se poser des questions quant à lacapacité des référents uniques (les accompagnateurs du Forem dans le cadre de l’accompagnement unique) à identifier les demandeurs d’emplois en tant que MMPP. »Notons également que la « catégorisation » fait renaître une vieille crainte de l’Interfédération en ce qui concerne la mise en place del’accompagnement individualisé des chômeur. Dans ce contexte, les opérateurs pourraient être obligés d’accepter les demandeurs d’emplois leur ayant été« adressés » par les référents uniques du Forem. Des demandeurs qui, dans ce cas, pourraient émarger à la troisième catégorietelle qu’établie dans le « classement » du Forem.
Le Forem temporise
Face à ces inquiétudes, le Forem temporise : « Cette catégorie MMPP date des discussions que nous avions eues avec l’Onem concernant la révision du pland’accompagnement des chômeurs, précise Carol Descamps, directrice exécutive à Forem-Conseil. L’idée était d’immuniser pour un temps un public que l’onestimait incapable d’entrer dans le plan et de l’aider. Il ne s’agit donc pas de stigmatisation. Dans le cadre de l’accompagnement individualisé des chômeurs, nous avons repris cettecatégorie. » Dans ce contexte, l’idée serait donc de pouvoir identifier ce type de public afin de pouvoir l’orienter au mieux par après. Le Forem tenterait pour cefaire de créer à l’heure actuelle un réseau de partenaires conventionnés au rang desquels on pourrait retrouver les Centres de santé mentale, les Régies dequartier, mais aussi les CPAS ou les EFT/OISP.
« Mais attention, précise Carol Descamps. Il ne s’agit pas d’envoyer les demandeurs derechef vers les CPAS et les EFT/OISP. Il n’est pas question ici de retirer des gensdifficiles du portefeuille des conseillers du Forem. Les volumes que chaque intervenant peut recevoir seront à négocier. » Carol Descamps précise d’ailleurs que leprojet pilote, impliquant les directions régionales de Namur et de Liège, n’a pas donné lieu à une explosion du volume des demandeurs envoyés vers les CPAS oud’autres structures. « Selon nous, cette mesure impliquerait entre 6 000 et 12 000 personnes relevant de problématiques différentes »,déclare-t-elle. Et concernant les interrogations relatives à la capacité des référents à identifier les demandeurs comme MMPP ? « Nous sommesen train de procéder à l’engagement d’assistants sociaux, continue notre interlocutrice. Le référent pourra relayer le demandeur vers ceux-ci en fonction
de ladifficulté. Ils agiront comme une sorte de filtre. » Reste à espérer que cela suffise à apaiser les CPAS qui, par la voix de Chrisophe Ernotte, se fonttrès clairs : « Si on devait avancer vers ce projet [NDLR la catégorisation « MMPP »], nous nous fâcherions très fort. »
Nous n’en sommes néanmoins pas encore là. Notons qu’au moment de boucler cette édition, la Fédération des CPAS wallons, l’Interfédé des EFT-OISP etl’Intermire avaient rendez-vous avec Jean-Pierre Méan, administrateur général du Forem, le 9 novembre, afin de discuter du problème. Les trois structures ontégalement adressé un courrier commun à André Antoine, mais aucun rendez-vous avec le ministre n’était quant à lui prévu.
1. Fédération des CPAS de l’Union des villes et communes de Wallonie :
– adresse : rue de l’Etoile, 14 à 5000 Namur
– tél. : 081 24 06 11
– courriel : commune@uvcw.be
– site : www.uvcw.be/espaces/cpas/86.cfm
2. Cabinet d’André Antoine :
– adresse : rue d’Harscamp, 22 à 5000 Namur
– tél. : 081 25 38 11
– site : www.antoine.wallonie.be
3. Intermire :
– adresse : rue Clément Ader, 12 à 6041 Gosselies
– tél. : 071 34 74 73
– courriel : sylvie.lambinon@intermire.be
4. Interfédération des entreprises de formation par le travail et des organismes d’insertion socioprofessionnelle :
– adresse : rue Marie-Henriette, 19/21 à 5000 Namur
– tél. : 081 74 32 00
– site : www.interfede.be
5. Forem :
– adresse : siège central (Charleroi), bd Tirou, 104 à 6000 Charleroi
– tél. : 071 20 64 30
– site : www.leforem.be