Comme le journalisme, l’œuvre d’art n’a pas mission de plaire. Elle regarde le monde, le traduit, l’interroge. Mais, à l’inverse du journalisme, l’art ne s’encombre pas du poids du réel. Il trahit pour mieux raconter, il teste les règles, les provoque et, dans sa plus belle forme, les transgresse. En cela, l’art est un précieux allié pour comprendre le monde.
Aussi l’idée de ce dossier est-elle est simple: évoquer des enjeux sociaux à travers des œuvres artistiques. Obtenir un nouvel éclairage d’un sujet social, l’aborder à travers un propos artistique. Les productions artistiques évoquées dans ce dossier tentent de retranscrire les expériences du réel (lire «Stupéfiante littérature!»); elles racontent les combats sociaux, construisent des récits critiquant en filigrane l’individualisme (lire «Quand Marlon Brando était un prolétaire individualiste»), tentent d’infléchir (ou non) notre vision sur les enjeux de société comme l’oisiveté (lire: «Eh bien, paressons, maintenant!»).
L’art peut être engagé, revendicatif, mobilisateur, assumer une prise directe avec les combats menés dans la société. Drapé dans l’apparence cynique et désengagé de toute idéologie, il peut aussi se révéler être le symptôme des pires travers de notre société, incarner la violence des plus puissants, être ce «plus sûr complice de l’ultralibéralisme» (lire «For the Love of God: l’empire du laid»). L’art est bien le reflet de son concepteur humain: faillible et lumineux, engagé et impuissant.
Mais parce qu’il a choisi un autre poste d’observation, le regard artistique est complémentaire au regard journalistique. L’un s’adresse à l’âme, l’autre à la tête. Les voici réunis le temps d’un dossier. Peuvent-ils s’entraider dans leur quête de vérité? La tâche est ardue. «La vérité pure et simple est très rarement pure et jamais simple.» Propos de journaliste? Pas vraiment. Oscar Wilde.