Entreprise de travail adapté active depuis 2008, L’Atelier de l’Avenir s’est spécialisé dans les systèmes constructifs en ossature bois permettant de concevoir des maisons évolutives, durables et économiques. Non contente de signer le pavillon belge de l’Expo universelle, la petite PME liégeoise ambitionne aujourd’hui de mettre au point des écoles modulaires.
Longtemps, les «Ateliers protégés» ont été perçus comme des environnements de travail épargnés par les soubresauts du marché et l’obligation de résultat: un milieu où des personnes, tenues en marge par leur handicap, étaient vouées à réaliser des tâches simples, répétitives, ancrées dans la tradition. Mais aujourd’hui, la réalité des entreprises de travail adapté (ETA) a changé. Ces dernières années, les aides publiques qui permettent de compenser une partie du coût lié à l’embauche de personnes handicapées – postes de travail adapté, recours à un assistant social ou à un ergothérapeute, etc. – sont en constante diminution. La pression économique est d’autant plus présente que les ETA sont actives dans des secteurs hautement concurrentiels comme le bâtiment, l’alimentation, le textile… Pour ces raisons – mais aussi parce qu’elle apporte une plus-value en termes de valorisation symbolique –, l’innovation est donc devenue un levier d’action privilégié pour ces entreprises.
Les Ateliers du Monceau, fondés il y a 30 ans dans l’objectif de donner du travail aux personnes sourdes et malentendantes, l’ont bien compris. Spécialisée dans le travail du bois, cette ETA peut se targuer de n’avoir jamais connu le chômage économique et d’employer aujourd’hui 131 personnes dont 114 sont considérées comme «handicapées» par l’AWIPH, alors que de nombreuses ETA sont plus proches du 50/50. Aujourd’hui implantés sur le zoning de Grâce-Hollogne, en région liégeoise, les Ateliers du Monceau ont donné naissance en 2008 à une société sœur, L’Atelier de l’Avenir, qui s’illustre aujourd’hui par ses maisons évolutives et emploie à elle seule une vingtaine de personnes.
Le pavillon de Milan
«Les Ateliers du Monceau sont spécialisés dans le travail du bois – triage, palettes, rabotage, mise à longueur, caisses pour les fruits – mais pas dans la construction. Nous sommes partis de ce savoir-faire pour développer un projet tourné vers l’innovation et faire appel à d’autres compétences», explique Gaëtan Duyckaerts, responsable gestion & engineering. C’est ainsi qu’est né, dans le cadre du plan Marshall, le projet de recherche CIMEDE (Construction industrielle de maisons évolutives durables et économiques). Pendant plus de quatre ans, douze partenaires1 ont ainsi développé un système constructif novateur en collaboration avec L’Atelier de l’Avenir. «Ce projet repose sur quatre caractéristiques: favoriser la réalisation en atelier afin de limiter au maximum les interventions sur chantier; miser sur l’évolutivité en rendant amovibles toutes les cloisons intérieures et en reportant la partie structurelle sur les façades; mettre l’accent sur le caractère durable; développer un système qui puisse être valorisable pour les personnes précarisées, par exemple dans le cadre de logements sociaux», explique Gaëtan Duyckaerts. À tout seigneur tout honneur: la première réalisation de L’Atelier de l’Avenir fut celle de leurs propres bureaux. L’entreprise a ensuite construit un foyer d’accueil pour personnes handicapées dans la région d’Aywaille avant de s’attaquer au pavillon belge en ossature bois de l’Exposition universelle de Milan. «C’est évidemment une très belle carte de visite pour une petite PME liégeoise», commente Gaëtan Duyckaerts.
Une évolutivité radicale
À travers ces différents projets, CIMEDE montre ainsi que la préfabrication, que l’on associe souvent à des bâtiments inesthétiques et provisoires, renferme un solide potentiel. D’abord celui d’offrir au personnel de meilleures conditions de travail grâce au contexte de L’Atelier, qui permet aussi d’écarter les risques de dégradation liés à l’humidité auxquels il faut faire face sur chantier. Les machines et les techniques de montage développées permettent par ailleurs de favoriser la rapidité et de réduire les coûts, tout en garantissant une précision de l’ordre du millimètre, qu’il s’agisse du clouage, de l’agrafage ou des découpes. Surtout, bien que conçus de manière industrielle, les systèmes constructifs de L’Atelier de l’Avenir laissent une large marge de manœuvre à l’architecte. «Tout le plan intérieur est laissé libre afin de pouvoir aménager des cloisons et même de les déplacer dans le temps», explique Gaëtan Duyckaerts.
Une famille qui s’agrandit, une structure d’accueil qui s’étend: la place est laissée à l’évolution des systèmes, loin du caractère définitif des bâtiments traditionnels où la moindre modification nécessite de lourds travaux et l’intervention de plusieurs spécialistes. Ainsi, les cloisons CIMEDE sont démontables et remontables à l’infini grâce à un système de fixations spécifique. Les planchers offrent également une portée libre importante, évitant l’utilisation de murs porteurs non amovibles. «Avec le projet CIMEDE 2, qui est en cours, nous essayons d’aller encore plus loin sur ce chapitre en nous attaquant à l’évolutivité des façades et à l’agencement des surfaces au sein d’un même volume afin de pouvoir agrandir ou rétrécir les appartements, en créer deux à partir de trois, etc. Nous y travaillons aujourd’hui dans le cadre d’un projet pilote de logements sociaux dans la région de Charleroi», poursuit Gaëtan Duyckaerts.
Des écoles modulaires
La question de la rénovation des bâtiments existants pourrait par ailleurs constituer l’un des axes de développement de l’ETA liégeoise, tout comme celui des maisons de particuliers. «Notre objectif est aussi d’adapter le système à d’autres segments de marché. Évidemment, les éléments préfabriqués sont des éléments lourds qui peuvent entraîner des coûts importants en termes de transport ou de montage sur chantier, notamment parce qu’ils requièrent l’utilisation d’une grue. Ce coût, mieux réparti quand nous travaillons sur plusieurs logements, reste un obstacle pour les logements individuels», précise toutefois Gaëtan Duyckaerts. L’export, là encore dans certaines limites raisonnables, constitue une autre opportunité de développement. «Nous étudions les possibilités d’exportation, entre 300 et 400 kilomètres autour de la région liégeoise, notamment vers l’Allemagne où l’ossature bois représente 40% des nouvelles constructions contre 10% ici», rappelle Gaëtan Duyckaerts.
Enfin, L’Atelier de l’Avenir est en train de développer un projet d’écoles modulables baptisé Ecomod, qui permettrait de s’adapter à l’évolution des populations scolaires, tout en respectant le principe d’espaces flexibles et écologiques. L’utilisation du bois – rappelons-le – est en effet très intéressante d’un point de vue environnemental puisque la quantité d’énergie nécessaire à sa transformation est particulièrement faible. Véritable puits de carbone, le bâtiment en bois se recycle aussi très facilement. Le système CIMEDE permet en outre d’atteindre des performances élevées (basse énergie ou passif) grâce à une isolation renforcée, des détails constructifs exempts de ponts thermiques, une étanchéité à l’air importante et un système de ventilation performant. À l’heure où le développement durable intègre toujours davantage les projets éducatifs, ce type de bâtiments scolaires a toutes les chances de faire sens. D’autant qua
nd on sait qu’il y a derrière de la création d’emplois adaptés – et de métiers d’avenir.
1 L’Atelier d’architecture Eric Gronda, Knauf, Mery-Bois, Wust, CSTC, l’Université de Liège – B-Tec, CEDIA, Energysud, Lucid, Structural Engineering – et la Société wallonne du logement.