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Regard critique · Justice sociale

Santé

L'austérité nuit gravement à la santé

Hiver 2039. Cela fait maintenant des décennies que nos finances publiques font grise mine et que l’Europe nous impose des mesures d’austérité qui, décidément, nuisent à notre santé. En témoignent une hausse spectaculaire du taux de suicide en Wallonie, une résurgence dans les quartiers du croissant pauvre de Bruxelles de maladies jusqu’ici disparues (dengue, malaria, peste) ou encore une recrudescence dans les deux Fédérations des infections au VIH/sida et à l’hépatite C. Edito sur le mode de la science-fiction.

Hiver 2039. Cela fait maintenant des décennies que nos finances publiques font grise mine et que l’Europe nous impose des mesures d’austérité qui, décidément, nuisent à notre santé. En témoignent une hausse spectaculaire du taux de suicide en Wallonie, une résurgence dans les quartiers du croissant pauvre de Bruxelles de maladies jusqu’ici disparues (dengue, malaria, peste) ou encore une recrudescence dans les deux Fédérations des infections au VIH/sida et à l’hépatite C. En cause : l’exécution en bonne et due forme des politiques de prévention et le rationnement drastique des soins.

Tous les matins, à l’entrée du bureau de la Mutualité chrétienne de Molenbeek, les queues sont interminables pour obtenir ses tickets modérateurs. C’est qu’il faut les mériter, ces petits tickets verts. Car ceux-ci sont désormais délivrés sous condition : non seulement chaque patient doit suivre son traitement de manière scrupuleuse, mais il doit aussi apporter la preuve d’une vie saine, exempte de tabac, d’alcool, de pâtisseries marocaines ou de tout produit en provenance des supermarchés Lidl. Au moindre écart, exit le remboursement de ses soins. Chaque malade se voit notamment équipé d’une petite puce électronique capable d’enregistrer toutes les données nécessaires pour mettre au jour ses errements en matière de santé.

 Les gouvernements wallon et bruxellois ont dû déterminer leurs priorités quant aux types de soins couverts par les deux systèmes de sécurité sociale. Pour cela, une grande Health Academy a été mise sur pied, réunissant des experts reconnus issus du monde académique et des firmes pharmaceutiques. L’objectif ? Le public peut voter par sms ou donner son avis via twitter pour aider le pouvoir décisionnel à faire ses choix. Cela fait environ vingt ans que la dialyse de grand-mère Lisa n’est plus remboursée. Il en est de même pour les soins des toxicomanes. Aujourd’hui, ce sont les stimulateurs cardiaques, et les soins dentaires et gynécologiques des personnes handicapées qui sont en ligne de mire : ils seront soumis au vote lors de la saison 4 de l’émission de téléréalité.

Autre face de la médaille, les trois multinationales Janson et Janson, Pzofer et Ruche se partagent un gâteau toujours plus colossal, à savoir les bénéfices de l’ensemble des remèdes mis sur le marché. Des médicaments toujours plus nouveaux, toujours plus nombreux, soignant toujours plus de maladies.

Alors qu’au début des années 2000, l’abus de l’utilisation d’antidépresseurs était mis en question, tout comme celui de la Ritaline pour les enfants présentant des troubles déficitaires de l’attention, pas question de nos jours de se troubler pour si peu. De nouvelles petites pilules noires viennent d’être brevetées: trop épanoui, trop exubérant, trop contestataire ? Ces petits comprimés sont pour vous. Et pour cela, pas besoin d’une ordonnance, il suffit de remplir un test en ligne qui certifiera votre état.

 

Vision de cauchemar ? Oui, bien sûr. Il n’empêche. Tous ces éléments sont librement inspirés de faits réels. Le plus récent d’entre eux : dans son édition du 12 mars, le journal Le Soir évoquait une enquête menée par le KCE qui, par le biais de méthodes contestées, a cherché à déterminer « les valeurs des Belges » quant aux priorités à donner en matière de soins de santé en Belgique. Si notre but n’est pas de remettre en question le principe d’une participation des citoyens aux politiques publiques, il s’agit tout de même de s’interroger sur ses modalités et les buts (cachés ?) qu’elle poursuit. Alors… une petite gélule pour calmer notre crise d’angoisse ? ¡

Marinette Mormont

Marinette Mormont

Journaliste (social, santé, logement)

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