Les communes planchent sur les moyens de diminuer leur facture énergétique et de renforcer l’économie locale à travers les énergies renouvelables. Malgré les obstacles administratifs, réglementaires et surtout financiers, les innovations locales existent et ont le vent en poupe.
Grâce à leur installation de biométhanisation, l’exploitation agricole des frères Kessler – la ferme du Faascht, près d’Attert (province du Luxembourg) – produit 50 % de l’énergie consommée par la commune voisine. Cette production de chaleur et d’électricité verte bénéficie du soutien de l’asbl Au Pays de l’Attert1 et de programmes européens de développement (dont le terme expire le 6 juin). De plus, la reconversion en biomasse du lisier, fumier, maïs et autres déchets de l’industrie agroalimentaire a permis de créer deux emplois supplémentaires à la ferme, deux autres à l’asbl et fait vivre six familles en tout, en totale autarcie énergétique – bien que celle-ci requiert une « disponibilité éventuelle 24 h/24 »… « On essaie de limiter les coûts au maximum », poursuit-il. « On se spécialise aussi dans la maintenance technique pour éviter de faire appel à l’extérieur. »
Sur les 5 800 MW électriques produits, 5 000 MW sont réinjectés sur le réseau, à un prix divisé par… quatre depuis le début de la crise, soit 0,14 euros par KW (soit huit cents de moins que chez nos voisins allemands). Un mécanisme de complément financier est censé équilibrer les comptes, mais « avec la dévaluation des certificats verts, qui coûtent aujourd’hui 65 euros au lieu de 80 euros, on ne sait plus investir et nos projets sont freinés », regrette l’exploitant, avec un soupçon d’inquiétude dans la voix.
Du côté de la commune d’Attert, l’école et d’autres bâtiments communaux seront bientôt connectés à une chaufferie centralisée aux copeaux de bois et au réseau de chaleur. Le travail de sensibilisation auprès des citoyens n’est pas en reste avec un guichet de conseil en énergie, des cycles de conférences et de formations, des visites d’installations dans la région, dont celle de Beckerich, pionnière en autarcie énergétique au Grand-Duché. Récemment primée parmi beaucoup d’autres lors du premier « championnat des énergies renouvelables », la commune rurale d’Attert mesure l’intérêt de ses habitants envers des alternatives énergétiques encore souvent méconnues du grand public.
Les certificats verts sous haute tension
Les producteurs d’électricité verte reçoivent un certificat, valable cinq ans, pour chaque MWh produit sans émission de CO². Cette énergie est réinjectée au réseau de distribution ou autoconsommée. L’objectif du marché des certificats verts est le développement des énergies renouvelables à moindre coût.
Compétence régionale, la production de l’électricité verte devrait atteindre le taux de 30 % en Wallonie, selon un arrêté gouvernemental voté en mars dernier. En contraignant les fournisseurs d’énergie à acheter près du double de certificats d’ici quatre ans, le ministre Nollet mise sur la relance des prix du marché d’échange, à la baisse depuis plusieurs mois.
Intéressant parce qu’il rend les filières renouvelables compétitives, tout en permettant aux autorités de contrôler l’objectif fixé, le mécanisme des certificats verts présente quelques désavantages, dont la mise sur un pied d’égalité des technologies employées, malgré leurs niveaux de développement disparates. Voué à disparaître à l’horizon 2020, le marché des certificats verts, dépendant du volume des échanges, est menacé de saturation alors que la demande énergétique en Belgique ne fait que croître…
Coup de pouce social
L’usage facilité du photovoltaïque et de l’électricité verte a également permis de distinguer des politiques innovantes en provinces du Hainaut et de Liège. A Flobecq, le bourgmestre Philippe Mettens (PS) s’est démené pour mettre en place l’instrument de financement du tiers-investisseur, permettant ainsi à 300 ménages aux revenus modestes d’être équipés de panneaux solaires sans débourser un centime, tandis que les personnes dépendantes du CPAS ont vu leurs compteurs à carte rechargeable supprimés. Grâce à l’asbl Collines sous levant, fondée par la commune en 2010, un emprunt a pu être contracté avec la banque Triodos, et les remboursements effectués via les certificats verts, eux-mêmes délivrés en fonction de l’énergie produite. En deux ans, pas moins de deux millions de certificats ont été échangés, tandis que les panneaux photovoltaïques continuent d’être placés sur les toits de Flobecq. « Jamais personne n’aurait pensé qu’il y aurait autant de succès », s’exclame Marcel Dekeyser, coordinateur du dossier2. « Notre bourgmestre a pris le risque pour les autres, et maintenant, nous sommes approchés par tout le monde ! » Et de poursuivre : « Si on devait le refaire, on s’y prendrait autrement, car beaucoup de choses n’ont pas été prévues, que ce soit au niveau juridique et technique, par exemple. » Et bien que le projet ait été au départ accessible à tout le monde, « pour ouvrir aussi la région vers l’extérieur », nous avons été obligés, après le changement de législation, de donner la priorité aux 420 dossiers de candidature flobecquois. » Aujourd’hui, le photovoltaïque couvre 40 % du parc immobilier public et privé. Et ce n’est pas fini. « La biomasse est désormais dans le collimateur, ainsi que le chauffage par rayonnement », se réjouit Dekeyser.
Autre innovation communale à Villers-le-Bouillet (province de Liège), où les bâtiments et l’éclairage publics consomment uniquement de l’énergie verte (un mix d’éolien et de biomasse) que la ville s’efforce d’acheter à des producteurs locaux, dont les agriculteurs. En essayant aussi de convaincre les gens que ce choix ne coûte pas plus cher que de se fournir auprès des réseaux traditionnels, et en récompensant par des primes les audits énergétiques positifs, la commune concentre son action sur les particuliers.
Investir dans le renouvelable est payant
Dans tous les cas, la participation au championnat de l’Apere (Association pour la promotion des énergies renouvelables), et/ou au mouvement européen de la Convention des Maires – dont les signataires s’engagent à dépasser l’objectif de l’Union européenne de réduire les émissions de CO2 de 20 % d’ici 2020 – a permis surtout aux communes de faire le bilan de leurs actions et de recenser tout ce qui a été entrepris en matière d’énergie : l’aménagement du territoire, les bâtiments, la sensibilisation… et des stratégies moins directement liées aux énergies renouvelables, mais tout aussi importantes comme la mobilité, les partenariats économiques, l’agriculture, les forêts, les achats publics durables, etc. « Alors que notre objectif était de convaincre 25 communes belges de participer à notre sélection, 37 entités wallonnes et 26 flamandes ont répondu spontanément à notre appel », souligne Jade Charouk, coordinateur et chargé de projets à l’Apere3. « Le but de cette première édition est de soutenir la dynamique du renouvelable », poursuit-il. « Il s’agit de convaincre les autorités locales que l’énergie renouvelable est un gisement et qu’il faut donc l’exploiter pour davantage de recettes communales. Le tout est d’équilibrer les divergences entre intérêts publics et intérêts mercantiles ».
Le pouvoir d’investissement reste la pierre d’achoppement des énergies renouvelables, au-delà du facteur environnemental et social. « L’euro est le facteur commun de toutes les parties impliquées », explique Jean-François Mitsch4, consultant en énergies renouvelables et expert en partenariat public-privé. Si l’on en croit sa lecture basée sur une quarantaine de travaux scientifiques, les recettes communales pourraient bénéficier d’une hausse de 6 % et la création de 170 emplois nouveaux à l’horizon 2018. « Pourquoi ne pas créer des microterritoires pour renforcer la solidarité entre les communes, interroge Mitsch, la planification territoriale de l’éolien, par exemple, serait davantage profitable, même si, en terme d’emploi, le bilan est nul puisque la technologie est importée de l’Allemagne et du Danemark, entre autres… » L’énergie est clairement devenue un enjeu électoral et la mobilisation politique est une condition sine qua non.
1. Asbl Au Pays de l’Attert
– tél. : 063 22 78 55
– courriel : joachim.ansias@attert.be
– site : http://www.polenergie.eu
2. Administration communale de Flobecq
– adresse : Grand Place, 1 à 7880 Flobecq
– tél. : 068 44 70 04
– Marcel Dekeyser – ASBL Collines sous levant
– tél. : 068 44 95 16
– courriel : dekeyser.marcel@hotmail.fr
3. Apere :
– adresse : rue Royale, 35 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 218 78 99
– courriel : jcharouk@apere.org
4. Jean-François Mitsch :
– adresse : rue Bruyère d’Elvigne, 17 à 1470 Genappe
– tél. : 067 55 65 94
– courriel : mitsch@mitsch.be
– site : http://www.energies-dyle.be
Aller plus loin
Alter Echos n°326-327 Spécial Rural 15.11.2011 :
[url=https://www.alterechos.be/index.php?p=sum&c=a&n=326&l=1&d=i&art_id=21817]La chaleur du bois en réseau[/url]