Sandrine Meyer, du Centre d’études économiques et sociales de l’environnement de l’ULB, a collaboré fin 2011 à une importante étude sur l’état des lieux de la précarité énergétique en Belgique. Elle nous livre son analyse sur la situation à Bruxelles.
La première question qui s’est posée aux auteurs de ce travail, coordonné par Jan Vranken de l’Université d’Anvers et financé par Electrabel, a été de définir le phénomène de précarité énergétique. Sandrine Meyer et Jan Vranken ont retenu la définition suivante : « La précarité énergétique fait référence à la situation dans laquelle une personne ou un ménage rencontre des difficultés particulières dans son logement à se fournir en énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires. » Relevons d’emblée que cette acception n’inclut donc pas les difficultés de fourniture en énergie destinées à la mobilité.
À l’origine des problèmes que rencontrent les ménages en matière d’énergie, Sandrine Meyer identifie trois sources principales : la faiblesse des revenus, la mauvaise performance énergétique du logement et le prix des énergies. Attention, la faiblesse de ses revenus ne signifie pas automatiquement qu’un ménage est en situation de précarité énergétique. L’on peut en effet rencontrer des ménages à revenus modestes, logés dans un habitat social très performant du point de la gestion des énergies. Inversement, un ménage aux revenus moyens peut habiter un appartement ou une maison qui est une vraie passoire énergétique.
Enfin, relève Sandrine Meyer, ces trois facteurs qui favorisent la précarité énergétique ne présagent en rien de facteurs conjoncturels, telle par exemple qu’une situation de maladie longue, qui pèsera sur les revenus d’une personne tout en accroissant sensiblement ses dépenses énergétiques dans le cas où elle doit rester chez elle.
On le voit – et c’est une observation majeure de l’étude codirigée par Sandrine Meyer – le phénomène de précarité énergétique est complexe en ce qu’il se situe à la croisée des problématiques sociales et environnementales. Et à Bruxelles, la situation est exacerbée. La capitale cumule en effet les difficultés socio-économiques : une forte proportion de la population n’y dispose que de faibles revenus et le bâti y est dans un grave état de sous-performance énergétique.
À cela s’ajoute le fait que la majorité des logements sont loués. En effet, en Région wallonne ou en Région flamande, 60 % des logements sont la propriété de ceux qui les habitent. La proportion est inverse à Bruxelles, où 60 % des logements sont loués. Avec une conséquence directe : les propriétaires n’ont pas d’intérêt à investir dans des logements pour lesquels ils ne bénéficieront pas d’une performance énergétique améliorée.
En outre, relève Sandrine Meyer, la gestion en copropriété est un frein supplémentaire à l’investissement en faveur de la performance énergétique d’un immeuble. Quand bien même certains propriétaires seraient enclins à investir dans cette voie, ils devraient convaincre les autres propriétaires et le syndic. Une gageure, d’autant que les syndics ne sont pas toujours formés à ces matières complexes que sont les questions énergétiques.
Pour Sandrine Meyer, la situation ne va sans doute pas s’améliorer. Les conditions socio-économiques des Bruxellois ne vont pas miraculeusement se redresser et les prix des énergies, dans le cadre d’un marché de plus en plus tendu, ne vont certainement pas diminuer.
Pour la chercheuse de l’ULB, la meilleure – voir la seule – solution est l’amélioration énergétique du bâti. Pour ce faire, une volonté politique forte est nécessaire. Selon Sandrine Meyer, il n’existe pas de vision transversale qui aborde le problème de front à Bruxelles. La précarité énergétique n’y est pas abordée comme une problématique en tant que telle. Chaque ministère y va de ses mesures qui impactent de près ou de loin le phénomène. Aujourd’hui coexistent en effet des mesures sociales en faveur d’un logement décent pour tous et des mesures environnementalistes, sans concertation entre les différents pouvoirs qui les promeuvent.