L’avis n°89 du Conseil de l’éducation et de a formation (CEF), adopté le 18 juin dernier1, semble porter sur une thématique à la fois aride etanecdotique : « Vers une meilleure lisibilité des actions des fonds sectoriels en matière de formation professionnelle continue dans l’espace Communautéfrançaise-Wallonie-Bruxelles. » S’il est effectivement en partie technique, l’enjeu n’a pourtant rien de secondaire puisqu’il s’agit de se donner les outilsà même d’évaluer les actions menées pour augmenter le nombre de personnes en formation en Wallonie et à Bruxelles, et, partant, de les améliorer tantquantitativement que qualitativement. Or, ce mouvement, mis à l’agenda au niveau européen au travers de la promotion du concept d’apprentissage tout au long de la vie, seheurte en Wallonie et à Bruxelles aux cloisonnements entre l’éducation et la formation, le public et le privé, les Régions et la Communauté… ;cloisonnements que le nouvel accord de gouvernement s’est précisément engagé à dépasser.
Les interlocuteurs sociaux s’impliquent depuis les années 60 dans la mise en œuvre de la formation continue des travailleurs, entre autres à travers les fonds sectorielsliés aux commissions paritaires. Depuis 1999, ils se sont engagés à participer à l’alignement de l’effort belge sur les pays voisins (notamment de consacrer1,9 % du coût salarial à la formation permanente) ; engagement qui a reçu une forte impulsion dans le cadre des objectifs européens de Lisbonne qui visent à ce quele pourcentage de personnes en formation atteigne 12,5 % de la population de 25 à 64 ans en 2010.
Mais comment vérifier que ce niveau soit bien atteint ? Différentes instances regroupant les partenaires sociaux se sont penchées sur la question et plaident pour une plusgrande lisibilité des statistiques : le Conseil économique et social de la Région wallonne ; la Commission consultative Formation–Emploi– Enseignement de la Cocof ouencore le Conseil national du travail. Mais, pour le CEF, il faudrait « que l’ensemble de ces travaux, menés chacun dans un contexte donné et selon les compétences deleurs promoteurs, puisse trouver une cohérence ». Le CEF recommande donc que l’action des fonds sectoriels soit rendue « visible et valorisée », mais que cesfonds se concertent aussi avec les autres opérateurs de formation (publics) « en vue de rendre la formation professionnelle continue davantage lisible et donc évaluable »,notamment par le recueil et le traitement cohérent des données dans l’enseignement et la formation professionnelle.
Au travers de ce document du CEF, on voit bien que cette question technique de cohérence statistique renvoie à au moins cinq enjeux de fond :
> Le CEF (qui avait traité séparément, dans son avis 86, des statistiques relatives à l’enseignement et à la formation organisée ousubventionnée par les pouvoirs publics) rappelle que « les fonds récoltés par les commissions paritaires ne peuvent être confondus ou amalgamés avecl’argent public ». Mais tout en intégrant cette distinction forte public/privé (à laquelle tiennent des acteurs comme les syndicats enseignants), le CEF soulignequ’elle ne peut mener à une ignorance réciproque, d’autant plus que cet avis mentionne… « qu’une partie des formations, organisées au sein desopérateurs publics de la Communauté française et des Régions, le sont avec des moyens issus des fonds sectoriels ». Une concertation est nécessaire nefût-ce que pour « veiller à éviter les doubles comptages ».
> Parmi ces acteurs publics ayant passé convention avec les fonds sectoriels, le CEF souligne l’importance de l’enseignement de promotion sociale, ce qui signifie que laCommunauté française est tout autant impliquée que les Régions ou le fédéral dans les cohérences auxquelles appelle le CEF.
> Cette « complexité du paysage de la formation professionnelle et plus largement de l’enseignement », « impose » donc « la promotion d’uneculture de l’évaluation » : définir des objectifs et vérifier qu’ils sont bien poursuivis et rencontrés par les actions menées, quel qu’ensoit l’opérateur.
> Si la cohérence statistique est recherchée, c’est donc in fine non pas seulement au nom de « l’exigence de mieux connaître », mais « pourpouvoir mieux agir ».
> Une des améliorations recherchées par le CEF est de s’assurer que les formations ne soient « pas uniquement ciblées sur les besoins de l’entreprise», en obligeant le travailleur à se former dans son secteur uniquement ; sous peine de « correspondre plutôt à une adaptation de la main-d’œuvre » età « une plus-value pour l’entreprise » qu’à une formation personnelle permettant une mobilité individuelle.
1. Voir « liste des avis » sur le site : http://www.cfwb.be/cef