Le Centre de formation et de réadaptation professionnelle1 (CFRP) de Tournai vient de lancer un projet de jobcoaching destiné aux personnes sourdes et malentendantes. Lastructure est la seule à effectuer ce type de travail en Wallonie.
Reconnu par l’Agence wallonne pour l’intégration des personnes handicapées (Awiph), le CFRP propose des formations aux personnes porteuses d’un handicap physique ou sensoriel. Parmielles, les personnes sourdes et malentendantes bénéficient, depuis fin 2009, d’un service de jobcoaching. « Nous nous sommes en effet rendu compte que le suivi post-formationen entreprise (négociation du contrat, premier suivi en entreprise, maintien à l’emploi) que nous mettons en place, pendant trois ans après la formation, ne leur suffisait pas,déclare Linda Ara, jobcoach. De par la nature de leur handicap, le suivi des personnes sourdes et malentendantes nécessite plus de temps. » Service « ouvertà tout le monde », la cellule jobcoaching née de ce constat a donc le mérite de permettre aux personnes « extérieures » au CFRP debénéficier d’un suivi, ce qui n’était pas le cas auparavant puisque la démarche post-formation ne concerne que les pensionnaires du CFRP y ayant suivi une formation. Leservice jobcoach accueille donc aussi bien les personnes ayant suivi une formation au CFRP que celles désirant entrer dans le monde du travail sans passer par un processus formatif ou encorecelles se trouvant à l’emploi et qui sollicitent un accompagnement afin d’être suivies dans leur vie professionnelle.
À l’heure actuelle, le service accompagne sept personnes sourdes et malentendantes et est composé d’une coordinatrice, d’un jobcoach et de trois « interfaces decommunication », une appellation étrange derrière laquelle se cache une personne sachant « signer », c’est à dire maîtrisant la langue dessignes.
« Une culture qui leur est propre »
Si des « interfaces de communication » se révèlent nécessaires, c’est que la situation des personnes sourdes et malentendantes est bienparticulière. « Les sourds et les malentendants ont un rapport à la langue qui est très différent, fait remarquer Sophie Pinon, une des « interfaces ». Leurconnaissance de l’écrit est aussi souvent assez faible, du niveau d’un enfant de sept à huit ans. Cela nécessite donc que nous soyons là de temps à autre pouréclaircir la situation. » Des propos que confirme Adeline Lachery, « interface » également : « Les personnes sourdes et malentendantes ontune culture qui leur est propre. » Dans ce contexte, les interfaces peuvent intervenir à peu près n’importe quand dans le processus, que ce soit pour donner un coup detéléphone, s’exprimer lors d’un entretien long, se rendre à l’Onem, suivre le travailleur après son engagement ou « (…) prendre une assurance pour unevoiture », ajoute en souriant Pascal Huyghe, la troisième cheville ouvrière de ces « communicateurs » bien particuliers.
Cependant, nos interlocuteurs insistent sur le fait que les personnes suivies sont véritablement impliquées dans leurs démarches et qu’elles sont tout aussi capables detravailler que n’importe quelle personne « normale ». Une revendication que les « coachés » eux-mêmes tiennent d’ailleurs à faire passer.« Les sourds et les malentendants insistent beaucoup sur le fait qu’il faut leur faire confiance, que les « entendants » ne doivent pas avoir peur de leur handicap », nous ditPascale Pinon. Est-ce à dire que ce message est reçu cinq sur cinq par les employeurs ? « Il est clair qu’il y a quelquefois des préjugés,continue-t-elle. Le plus compliqué est en fait d’obtenir un entretien. » Néanmoins, une fois que ce cap est passé, la suite des opérations semble engénéral bien se passer. « Il y a, par exemple, une entreprise qui a engagé une personne malentendante il y a quelque temps. Elle en emploie aujourd’huisix… », s’enthousiasme Sophie Pinon.
Si des préjugés existent (et tombent également) donc du côté des employeurs, auprès des sourds et malentendants certaines idées reçues ontaussi la vie dure. « Ils ont quelquefois des a priori qui leur font penser que, du fait de leur handicap, s’ils reçoivent un contrat à durée déterminée,c’est pour se faire virer aussitôt, explique Adeline Lachery. Dans le même ordre d’idée, les entreprises de travail adapté (ETA) n’ont pas toujours bonne presse, ils sedisent qu’ils y auront un petit salaire, pas de pension. » Une situation qui rend d’autant plus nécessaire le travail de la cellule jobcoach qui officie d’ailleurs sans limites dans letemps (le suivi se prolonge bien après un éventuel engagement), ni un nombre maximum de personnes accompagnées…
1. Centre de formation et de réadaptation professionnelle :
– Vieux Chemin d’Ath, 1 à 7548 Tournai
– tél. : 069 89 08 59
– site : www.cfrp.be