Organisé par la Fondation Roi Baudouin le 29 mars, le colloque sur « l’accueil dans les institutions publiques et privées d’action sociale »1ýavait pour but de sensibiliser lesacteurs de terrain et les décideurs politiques à l’importance de l’accueil des personnes en difficulté. La Fondation Roi Baudouin a déjà par ailleurs mis en placele programme « Bienvenue », à destination des organismes non commerciaux du secteur social en Communauté française, et qui a consisté en 1999 et en 2000 en des appelsà projets visant à rendre l’accueil plus respectueux des personnes et de leur dignité. Vingt-trois projets ont été soutenus dans ce cadre, la Fondation aattribué des bourses et des accompagnements, collectifs et particuliers, pour chaque projet.
L’accueil comporte à la fois les dimensions d’espace (cadre de l’accueil), de durée (temps d’attente ou consacré à la personne) et de manière (qui accueillecomment). La présentation de plusieurs projets Bienvenue a fait prendre conscience de la diversité des améliorations possibles et souhaitables de l’accueil dans des institutionsde types divers. Penser à adapter le lieu au regard de l’usager, à diminuer le déséquilibre de la relation, à favoriser les relations entre usagers du service,refuser la rupture totale (comme à la prison de Forest où des espaces sont aménagés pour permettre aux mères de vivre quelques heures avec leur enfant), inverser lesens du déplacement (comme le service population de l’administration communale de Charleroi qui se déplace pour les personnes à mobilité réduite), ou mêmesimplement s’enquérir du sentiment des usagers, former son personnel et aménager des locaux (comme à l’Office national d’allocations familiales pour travailleurs salariésde Charleroi)… nombreuses sont les initiatives qui peuvent émerger dans ces trois dimensions; constater qu’un fonctionnement est toujours améliorable, que les routines ne sont nitoujours justifiées, ni logiques peut également constituer un bon point de départ.
ýn milieu de matinée, l’intervention de Jean Blairon, expert pour le programme Bienvenue, définissait une des lignes de force du colloque. Le programme Bienvenu étantenvisagé ici comme révélateur des difficultés rencontrées par l’action sociale dans la société d’aujourd’hui, l’étude des dossiers permet entreautres de conclure que toucher à l’accueil, c’est souvent toucher à toute l’organisation et que les personnes qui s’en occupent se retrouvent souvent en situation de boucémissaire de tous les dysfonctionnements institutionnels; elle met donc directement en cause certaines logiques institutionnelles.
Jean Blairon insiste d’abord particulièrement sur la place ambiguë du projet dans la logique institutionnelle, qui voit le soutien financier à l’innovation devenir unemanière d’assurer la survie de l’institution. Ensuite, l’expert analyse la propension des institutions à étendre et varier les services qu’elles proposent, ce qui, on le constatedans la pratique, peut déboucher sur des perturbations voire l’annulation de leurs effets. Viennent encore les « doubles contraintes », par exemple l’obligation répandue de faire adopterpar le public des comportements qui ne peuvent être que libres ou spontanés. Et enfin: la tendance des institutions d’action sociale à imiter certaines dérives du secteurprivé.
Michel Jadot, secrétaire général du ministère fédéral de l’Emploi et du Travail, resserre l’objet de la discussion autour de la fonction et du servicepublics en partant du constat de son morcellement et de la difficulté qui s’ensuit à trouver une cohérence dans sa mission et sa représentation en son propre sein. Uneréalité aggravée par les implications de l’adhésion à l’Europe et le glissement vers la marchandisation des rapports sociaux. À ce titre, Michel Jadot arenchéri sur le passage du terme d' »usager » à celui de « client » qui dépasse de beaucoup à ses yeux la querelle sémantique. L’idée d’introduire une logiquemanagériale inspirée du secteur privé pour moderniser et gérer les ressources humaines dans les services publics, idée avancée par l’intervenantprécédant, Thibaut Duvillier, chercheur au Centre d’études et de recherches en administration publique (CERAP) de l’ULB, est d’ailleurs envisagée avec défiance.Enfin, Michel Jadot réaffirme la nécessité de l’autonomie de l’administration, là où le plan Copernic institue justement le lotissement du politique.
ýes interventions finales de Philippe Laurent, président du comité de gestion de l’Agence wallonne d’intégration des personnes handicapées (AWIPH) et de ThierryDetienne, ministre wallon des Affaires sociales et de la Santé, furent l’occasion de rappeler quelques caractères et principes essentiels en matière d’amélioration del’accueil dans l’action sociale: la pudeur et la spontanéité qu’il doit conserver, la démocratisation nécessaire des institutions et la reconnaissance de leurtravail…
En conclusion, Georges Dubois, directeur de l’asbl Sagas et expert pour le programme Bienvenue, reviendra également sur les questions de satisfaction de la demande et d’efficacité quine doivent en aucun cas constituer la seule orientation suivie par le ùervice public; ce dernier doit continuer à offrir des services, conserver le droit de se tromper ou de rater deschoses, dans le cas contraire la tentation de choisir les personnes qui se réinséreraient le plus facilement serait patente. Georges Du¬ois posera enfin l’exigence de mettre finà la concurrence dans l’action sociale, entre et au sein même de certains secteurs, et entre sphères marchande et non marchande.
Mais comme Cécile Gouzée, chargée de mission à la Fondation Roi Baudouin, prévenait déjà en début de colloque, s’attaquer àl’amélioration de l’accueil ne peut se faire sans une réflexion plus politique sur les causes de l’exclusion et la place réservée dans la société auxpersonnes démunies, ce qui pourra faire l’objet d’un prochain colloque.
1 FRB, rue Bréderode 21 à 1000 Bruxelles, tél. : 02 511 18 40, site Web : http://www.kbs-frb.be/activiteit/bien/fr/colloque.html
Archives
"Le colloque de la FRB sur l'accueil fustige les logiques institutionnelles et la marchandisation des"
Agence Alter
09-04-2001
Alter Échos n° 95
Agence Alter
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