Le Courrier hebdomadaire du Crisp (Centre de recherche et d’information socio-politiques) proposait au début de l’été une analyse sur la politique pénale dugouvernement arc-en-ciel en matière de drogue1. Ce gouvernement avait annoncé des avancées dans ce domaine en exprimant son intention d’approcher laproblématique de la drogue sous l’angle éthique, amorçant peut-être un tournant dans l’histoire belge des drogues.
Pour Christine Guillain, rédactrice de ce Courrier, on est loin du « changement fondamental » annoncé par le gouvernement arc-en-ciel. Selon elle, « on assiste toutau plus à un toilettage de la directive De Clerck ». Pour rappel, cette dernière, datant du 8 mai 1998, enjoint aux forces de police et aux parquets « d’accorder laplus faible des priorités » aux usagers simples de cannabis en vue de consommation personnelle. Un ensemble de paramètres distingue ces usagers de ceux ayant une consommation dite« problématique » ou liée à une « nuisance sociale ». En outre, la directive prescrit, pour les autres drogues, la rédaction d’unprocès-verbal simplifié ou un classement sans suite du dossier par le parquet. En novembre 1999, une évaluation de la directive De Clerck venait confirmer les craintesd’arbitraire et de traitement différentiel des usagers de drogues par le système pénal.
Ce Courrier s’articule en deux volets. Le premier aborde le contexte de la politique belge en la matière s’arrêtant sur la loi de 1921 et la réforme de 1975, ainsique sur la politique criminelle belge. Le second volet pose la question d’une éventuelle amélioration de la cohérence de la politique en matière de drogue par cegouvernement. La rédactrice reprend chronologiquement les différentes étapes qui ont mené in-extremis au vote des lois des 4 avril et 3 mai 20032, toutes deuxpubliées au Moniteur belge le 2 juin 2003. Selon Christine Guillain, cette loi se limite à aménager la politique menée par le gouvernement précédent. Legouvernement arc-en-ciel se serait enlisé dans une voie médiane entre pénalisation et dépénalisation et ne parvient pas à sortir del’insécurité juridique née de la directive De Clerck.
Christine Guillain observe que les tendances antagonistes au niveau du gouvernement ont rendu difficile le compromis. D’un côté, il y avait la dépénalisation plusou moins poussée de l’usage du cannabis, point de vue défendu par les socialistes, écologistes et, dans une moindre mesure, les libéraux francophones. Del’autre côté, il y avait volonté de maintenir l’interdit de l’usage de toutes drogues, position tenue par les libéraux flamands.
Au détour, le Courrier distingue clairement les termes de dépénalisation (de droit ou de fait), décriminalisation et légalisation. Notons encore que depuis ladirective De Clerck, et avec les effets d’annonce du gouvernement arc-en-ciel, il semble que le flou a été amplifié. Il provoque, comme l’ont souligné les acteurs dusecteur au moment de conclure les négociations sur cette loi, l’incompréhension des consommateurs de cannabis toujours soumis à l’arbitraire des forces de polices etdes parquets.
1. Christine Guillain, « La politique pénale du gouvernement arc-en-ciel en matière de drogues », Courrier hebdomadaire, CRISP, 2003, n° 1796.
2. Loi du 4 avril 2003 modifiant la loi du 24 février 1921 concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiants, désinfectantes etantiseptiques, et l’article 137 du Code d’instruction criminelle ; loi du 3 mai 2003 modifiant la loi du24 février 1921.