Le 17 décembre, le Conseil supérieur de l’emploi (CSE) 1 a finalisé le texte d’une recommandation sur les «pièges à l’emploi». Cette expressionrecouvre toute situation où «l’incitant pour un demandeur d’emploi à chercher ou à accepter un emploi est insuffisant». Il s’agit d’un des éléments,certes bien spécifique, de la problématique du chômage et de l’insertion : pour le CSE, c’est en effet la question de la création d’emploi qui reste prioritaire, puisque«le manque d’emploi est le principal piège à l’emploi».
Le CSE a donc tenté d’identifier concrètement une série de pièges à l’emploi. Son hypothèse de travail a été que l’accroissement de revenu pourqui accepte un emploi doit être d’au moins 15%.2
Quelques exemples peuvent être cités.
> Le chômeur complet chef de ménage monoparental n’a intérêt à accepter un temps plein que si celui-ci est rémunéré à au moins 130à 150% du salaire minimum. Approximativement, le Conseil estime que cette situation est celle de 95.000 sur 285.000 chômeurs de plus d’un an.
> Le temps partiel ne présente un intérêt financier pour aucune catégorie de chômeur de plus d’un an. Avec les compléments fournis par une éventuelleallocation de garantie de revenu, l’augmentation mensuelle n’est que de 3.246 à 5.411 francs, soit une augmentation inférieure aux 15% de l’hypothèse de travail. 3
> Les allocations majorées pour les chômeurs cohabitants dont le ménage ne dispose d’aucun revenu du travail entraînent aussi son/sa partenaire dans un piègeà l’emploi.
> Les Agences locales pour l’emploi (soit 41.000 chômeurs), offrant un supplément de revenu, constituent un piège à l’emploi. Et ce d’autant plus, signale le CSE, quepour les cohabitants, elles peuvent permettre le bénéfice des allocations à durée illimitée.
Le CSE en tire des propositions politiques. Partant de la question des pièges à l’emploi, il doit forcément arbitrer entre deux possibilités : soit les allocations sontdiminuées pour devenir moins «intéressantes» financièrement, soit le travail est rendu plus rémunérateur. Le CSE refuse tant l’abaissement desallocations de chômage que l’augmentation du salaire minimum légal. Il reste cependant une marge de manœuvre.
> La possibilité de bénéfice d’allocations de chômage à durée indéterminée doit pour le CSE s’accompagner d’un strict contrôle de la«volonté de réinsertion» ainsi que de «sanctions sévères en cas d’abus». Il insiste parallèlement sur le renforcement del’employabilité des chômeurs par la mise en œuvre de politiques de parcours d’insertion et de traitement «sur mesure» 4 des demandeurs d’emploi. Il prône aussi lalutte par les services publics d’emploi contre l’embauche surqualifiée.
> Le CSE propose la modulation sur le niveau de salaire de la cotisation spéciale à la sécurité sociale des travailleurs (mesure parafiscale d’un taux unique de13,07%). Cette mesure aurait un poids budgétaire raisonnable et sa mise en œuvre n’exige pas de révision de la législation fiscale.
> Des mesures de transition progressives entre différents régimes (pour empêcher par exemple la perte brusque d’allocations familiales majorées de personnes quiretrouvent un emploi).
> Les chômeurs prestataires en ALE doivent pour le CES être séparés en deux groupes. Les plus employables doivent être traités dans une réelleperspective d’insertion, notamment par des compléments de formation et une limitation de la durée d’accès aux ALE. Pour les moins employables 5, par contre, le nombre mensueld’heures autorisées en ALE doit être augmenté et les primes ALE doivent éventuellement devenir dégressives .
Ce texte est un premier bilan de ces situations. Il pose en filigrane et en les liant la question de l’ «emploi convenable» ainsi que celle de l’ «allocation convenable»,. Onen déduit notamment, ce qui est parfois difficile à accepter, que la diminution des niveaux d’allocation est un facteur de dérégulation du marché du travailpuisqu’il permet la diminution des conditions salariales.
1 c/o Secrétariat général du Ministère de l’Emploi, rue Belliard 51 à 1040 Bruxelles, tél. : 02/233 40 41, fax : 02/233 44 88 ; c/o Secrétaire de laBNB, tél. : 02/221 21 54.
2 Tout en notant que d’autres facteurs, non financiers, peuvent intervenir, comme la présence d’infrastructures collectives (transports en commun, crèches, etc.), les discriminationsà l’embauche, etc.
3 L’allocation de garantie de revenu est fonction du niveau du salaire net. Elle neutralise donc l’effet sur l’offre de travail des variations ou différences de salaire en dessous d’un certainniveau (qui dépend du statut du chômeur).
4 Ces deux notions ne se recouvrent pas : voir «Parcours d’insertion», actes du séminaire européen de Bruges, octobre 97, voir AE n°32 du 15 juin 98 p. 2.
5 L’expression prudente utilisée est : «pour lesquels une réinsertion dans le circuit traditionnel reste difficile».
Archives
« Le CSE aborde le noeud des « pièges à l’emploi » »
Alter Échos
21-12-1998
Alter Échos n° 43
Alter Échos
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