La saga déjà longue de la création d’un Fonds des créances alimentaires a connu son épilogue le 23 janvier dernier avec le vote à la chambre de laloi instaurant le Fonds fédéral de recouvrement des créances alimentaires. Publiée au Moniteur le 23 mars dernier, elle entrera en application le 1er septembre 2003. Nousretraçons ici succinctement historique et fonctionnement.
Mort-né, étouffé dans l’œuf, le Fonds des créances alimentaires est un projet qui a suscité bien des inquiétudes et des complications. Decompromis en amendements, tel le phénix, il a rejailli de ses cendres. Les CPAS avant l’adoption en commission en décembre dernier avaient clamé leur mécontentement.Certains partis politiques dont deux de la majorité s’étaient désolidarisés et avaient demandé un nouvel amendement. Les associations de défense desdroits des femmes avaient une fois de plus exprimé leur désespoir de voir aboutir leur légitime revendication. Finalement, un accord est intervenu le 17 décembre 2002 encommission de la Chambre entre les députés de la majorité et le gouvernement. Et surprise ! c’est la proposition initiale qui a refait surface : la créationd’un Fonds fédéral de recouvrement des créances alimentaires autonome au sein du ministère des Finances.
Après un combat parlementaire vieux de plus de trente ans puisque la première proposition de loi a été déposée en 1974, le texte de loi aété adopté par le Parlement en janvier dernier et publiée au Moniteur ce 23 mars. La proposition de loi avait été déposée par desparlementaires de la majorité et du cdH il y a un an exactement. Après avoir été bloquée par le gouvernement et plus particulièrement par Johan Vande Lanotte(SP.A) qui annonçait un séisme financier pour l’État fédéral si ce texte devait être voté, la proposition a finalement franchi le cap grâceaussi à la mobilisation importante des organisations féminines et de la Ligue des familles. Une loi qui devrait permettre de redonner espoir à de nombreuses personnes, puisqueplus de 49 % des pensions alimentaires ne sont pas du tout ou pas entièrement payées aux personnes qui y ont droit.
Fonctionnement du Fonds
Le Fonds ainsi institué sera destiné à récupérer auprès des mauvais payeurs les pensions alimentaires dues et non honorées et sera habilitéà verser des avances sur ces sommes aux personnes lésées dans leur droit à les toucher. Il suppléera ainsi les CPAS qui octroyaient jusqu’àaujourd’hui les avances. Une aide offerte seulement aux créditrices dont les revenus ne dépassaient pas un certain seuil. Le système sera désormais plus souple etplus simple et s’adressera aux ayants droit – enfants et ex-conjoints – sans condition sur leur niveau de revenus. S’il supprime le passage intermédiaire via les CPAS,ceux-ci resteront toutefois compétents pour venir en aide aux femmes en grande difficulté financière.
Le texte prévoit également que l’intervention du Service entraîne le paiement d’une contribution à ses frais de fonctionnement, en l’occurrence 10 % dumontant de la créance à charge du débiteur (mauvais payeur) et 5 % à charge du créancier (personne lésée). Les avances cessent d’êtrepayées lorsque le débiteur a versé la pension pendant au moins six mois consécutifs. Quant aux droits du débiteur, il faut qu’il fournisse la preuvequ’il a payé régulièrement la pension, sinon, le service intervient pour recouvrer les sommes dues (avec toutes les mesures dont dispose une administration fiscale). Si ledébiteur émarge au CPAS ou dispose de ressources équivalentes au revenu d’intégration, il ne fera pas l’objet d’un recouvrement. Le créancierdisposera d’un droit de recours et c’est le juge des saisies qui sera compétent. Pour Didier Reynders (MR), ministre des Finances à l’époque, la perspectived’avoir affaire à l’administration fiscale et de devoir payer un supplément devrait inciter les débiteurs à faire preuve « d’un peu plus de bonnevolonté » dans le respect des décisions de justice. Reste à déterminer les critères objectifs pour fixer le montant des pensions décidé par lejuge, ce qui éliminerait le sentiment d’injustice qui pousse parfois les débiteurs à ne pas payer mais cela constitue un autre chantier sans doute pour lalégislature à venir…
Les conditions d’accès au Service des créances alimentaires
Pratiquement, les conditions pour obtenir une aide du Service des créances alimentaires sont les suivantes :
> toute personne lésée, enfants et ex-partenaires, est concernée sans plafond de revenus ;
> l’intervention du Service peut être sollicitée dès que le débiteur se soustrait, au moins deux fois en 12 mois, à ses obligations totalement oupartiellement1 ;
> l’application de la loi est limitée aux créanciers d’aliment ayant « leur domicile ou leur résidence habituelle en Belgique » ;
> l’avance octroyée au demandeur est plafonnée à 175 euros par mois ;
> le Service des créances prend en charge la perception et le recouvrement des avances accordées, le solde de la créance et les éventuels arriérés;
> tant le créancier (5 %) que le débiteur (10 %) interviennent dans les frais de fonctionnement du Service ;
> le Service étant créé auprès du ministère des Finances, les demandes peuvent être introduites auprès des bureaux décentralisés(soit une quarantaine de bureaux pour tout le pays). Un formulaire sera mis à la disposition des personnes. Le Service de créances dispose d’un délai de 30 jours pourréagir.
Cette pratique devrait décourager les mauvais payeurs qui profitent de la situation pour payer partiellement leur quote-part, la payer en retard ou ne pas la payer du tout. En outre, elledevrait encourager les créanciers à se manifester plus facilement. En effet, le système antérieur reposait sur une demande d’aide du CPAS qui jouait un rôled’intermédiaire. Cette démarche en décourageait plus d’un puisqu’elle participait d’une logique d’aide sociale. Or, pour les créanciers, ils’agit d’un droit au versement de leur pension alimentaire et non d’une assistance.
Pour ceux qui souhaitent en savoir plus, une brochure devrait paraître prochainement et reprendre un formulaire de demande ainsi que les adresses des bureaux compétents. Nous vousconseillons également la lecture du dossier très complet (« Le nouveau service fédéral des créances alimentaires est né ! ») paru dans CPAS +, lemensuel de la fédération des CPAS de l’Union des villes et communes de Wallonie et de l’Association de la ville et des communes de la Région deBruxelles-Capitale2.
1. Cette condition est identique à celle qui existait dans le cadre des avances octroyées par les CPAS.
2. CPAS +, mai 2003, n° 5, Tél. : 02 233 20 89, fax : 02 230 21 84, site :