La première pierre du nouveau centre de psychiatrie légale de Gand a été posée le 13 octobre dernier. Si tout le monde semble s’en féliciter, l’approchequi a été choisie suscite, elle, bien des questions.
A terme, ce devrait devenir à la fois le plus grand centre de psychiatrie légale de Belgique et le premier à être exploité par le secteur privé. A partirde mi-2014, il occupera quelque 400 personnes et offrira 272 places à des détenus présentant des problèmes psychiatriques et un degré de risque « moyenà élevé ». Le coût total du projet est de 80 millions d’euros. Un appel d’offres pour son exploitation a été rédigé et n’attend plusque la signature de la ministre sortante de la Santé publique, Laurette Onkelinx (PS). Selon les termes de cet appel, les candidats devront avoir « une expérience dans lagestion d’institutions et le traitement de patients psychiatriques ».
A l’heure actuelle, la Flandre ne possède aucun centre de ce type et les prévenus présentant des problèmes psychiatriques sont la plupart du temps détenus enprison où ils ne reçoivent pratiquement aucun traitement : ils étaient 659 dans ce cas en 2010. Mais si tout le monde semble se féliciter du coup d’envoi du projet,celui-ci suscite encore bien des questions, y compris de la part de son initiateur, le magistrat Henri Heimans, conseiller à la Cour d’appel de Gand et président de la commissiongantoise de défense sociale. Il est préoccupé par le fait que l’exploitant du futur centre n’ait pas encore été désigné. Selon lui, le futurexploitant aurait dû être impliqué bien en amont, dans la conception même du centre : « Les internés constituent un groupe très divers. Depuisdes gens atteints de graves troubles psychiatriques, mais ayant commis des faits relativement mineurs comme des vols, jusqu’à des gens présentant des troubles relativementlégers, mais auteurs d’actes extrêmement graves : des femmes ayant tué leurs enfants au cours d’un accès maniaco-dépressif ou de jeunes toxicomanes, parexemple. Il y a aussi parmi eux environ 30 % de handicapés mentaux incapables d’être autonomes. » Pour le magistrat gantois, on ne peut pas mettre tous ces gensindistinctement ensemble. Il faut créer différents départements en fonction du type de traitement requis et du niveau de sécurité exigé. Il faudra aussifaire une sélection parce que 272 places pour 659 internés, ce ne sera toujours pas assez. Sur la base de quels critères se fera-t-elle ?
Hôpital ou prison ?
Raf De Rycke, des Frères de la Charité, partage ces préoccupations : « ce n’est toujours pas très clair s’il va s’agir d’une vraie institution de soinscomparable à un hôpital ou simplement d’une sorte de prison où les détenus pourront recevoir des soins. » Il estime qu’il faudra aussi prévoir despasserelles vers les institutions psychiatriques classiques. Selon lui, ce devrait être possible dans la plupart des cas « pourvu que le nouveau centre offre de réellespossibilités de thérapie et de soins ». De plus, cela permettrait de donner de l’espoir aux internés – qui, par la force des choses, continueront d’êtredétenus en prison – et d’avoir une chance de régler au moins en partie le problème de la surpopulation carcérale. Mais il ajoute aussitôt que « lefutur exploitant devra rapidement conclure des accords avec l’un ou l’autre hôpital psychiatrique gantois parce que, à l’heure actuelle, aucun d’entre eux ne dispose d’une section quipermette de soigner des internés sous surveillance et qu’une section de ce type, ça ne s’aménage pas en l’espace de quelques mois. »
Le ministre sortant de la Justice, Stefaan De Clerck (CD&V) comprend toutes ces critiques et est parfaitement conscient de la nécessité de désigner rapidement unexploitant. Mais pour lui, « le bâtiment n’est pas une prison : c’est bien une institution de soins et elle présente suffisamment de possibilités pourl’exploitant. » Il ajoute que le secteur a été impliqué, ce que Henri Heimans et Raf De Rycke contestent, même s’ils reconnaissent qu’il y a eu des contacts avecla régie des bâtiments. Dernier souci selon eux, la difficulté qu’il risque d’y avoir à recruter du personnel qualifié. Ils estiment qu’il serait urgent de mettresur pied – avec les universités, les hautes écoles et le VDAB – une spécialisation en psychiatrie légale.
D’après l’agence Belga et De Standaard