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Regard critique · Justice sociale

Logement

Le logement social à la ferme

Des logements sociaux aménagés dans une ancienne ferme, c’est le projet, mené à Anthisnes, petit village condruzien en région liégeoise, que l’architecte Olivier Fourneau a mené pour le Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie (FLW).

Des logements sociaux aménagés dans une ancienne ferme, cest le projet, mené à Anthisnes, petit village condruzien en région liégeoise, que l’architecte Olivier Fourneau a mené pour le Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie (FLW).

Depuis trois ans, après d’importants travaux lancés dans les étables et la grange du la ferme, et une rénovation qui a coûté près de 1.200.000 €, les huit logements ont pu accueillir, début juin, leurs premiers locataires, à savoir des familles nombreuses précarisées. Avec l’aide de la commune, l’agence immobilière sociale et du CPAS, ce sont huit familles qui ont pu être relogées en plein milieu du village, en bénéficiant d’un logement à un prix décent compte tenu de leur revenu. «Au niveau des logements, ce qu’on a essayé de mettre en œuvre, c’est de les individualiser: pas question que les locataires se sentent dans un logement social. En outre, chaque logement est différent: le nombre de chambres varie, de un à quatre. On propose un espace privatif extérieur: chaque logement a son jardin, avec la possibilité de faire un potager, et on a gardé un espace pour faire un potager collectif», explique Olivier Fourneau.

 

Ces rénovations sont d’autant plus appréciées dans un contexte de manque de logements abordables et de patrimoine vieillissant en zone rural.

Ces logements, basse énergie, permettent également aux locataires de limiter leur empreinte environnementale. «Achevé, le projet offre une qualité de vie dans des logements confortables et variés mais aussi de relever le défi de l’intégration d’un nombre important de logements pour familles nombreuses dans un contexte préservé», poursuit l’architecte.

Parcours européen

Cet ensemble de huit logements sociaux s’est d’ailleurs distingué sur la scène européenne puisqu’il a figuré parmi les quatorze meilleurs projets du concours d’architecture Ugo Rivolta lancé par l’ordre des architectes de Milan. Un projet qui se différencie en de nombreux points d’autres. «Sur 50 soumissions, 90% concernent des projets neufs et 98% des projets d’une ampleur de minimum 20 ou 30 logements. Ici, il est donc assez particulier par rapport à ce que l’on fait en Europe, en restaurant une ancienne ferme et en y insérant huit logements dans le cœur du village», ajoute Olivier Fourneau. Cette réhabilitation d’un bâtiment quasiment laissé à l’abandon a été sélectionnée pour la deuxième phase du concours, comme treize autres projets. Mais elle n’a pas été primée par le jury. «Nous ne nous attendions pas à obtenir un prix. L’important était surtout de participer. Notre projet n’avait en effet rien de spectaculaire ni d’exceptionnel dans son architecture. Par contre, il nous semblait intéressant d’un point de vue qualitatif au niveau européen. Il était important de montrer ce projet intégré dans un paysage sensible. Il s’agit également d’un exemple intéressant de réhabilitation d’un bâtiment qui a une certaine valeur patrimoniale», continue l’architecte.

En Wallonie, le pourcentage de logements publics atteint en moyenne 0,04% sur les 114 communes dites rurales sur la base des critères de l’OCDE

À côté de ce projet se pose aussi toute la problématique du logement social en zone rurale. «La pauvreté y est fort présente et les réalisations du Fonds du logement élaborées dans le cadre des programmes communaux se caractérisent par des partenariats avec la commune, le CPAS et le partenaire chargé de la gestion locative (AIS ou APL), parfois d’autres associations pour handicapés, habitants de campings… Tous s’y impliquent dès la conception, pour favoriser l’intégration des futurs locataires et pour contribuer au développement du quartier, du hameau, du village…», précise Geneviève Rulens du FLW. Ces rénovations sont d’autant plus appréciées dans un contexte de manque de logements abordables et de patrimoine vieillissant en zone rurale. 

0,04% de logement public

D’autant plus qu’en Wallonie, le pourcentage de logements publics atteint en moyenne 0,04% sur les 114 communes dites rurales sur la base des critères de l’OCDE. Concrètement, cela va de 14,1% de logements publics dans une commune comme celle de Marche-en-Famenne à 0% à Donceel ou Geer en province de Liège. Pour rappel, depuis plusieurs législatures, le gouvernement wallon a fixé à 10% le taux de logements publics que devraient atteindre les communes wallonnes. «En effet, si les réticences en matière de création de logements publics sont encore très prégnantes d’une manière générale en Wallonie, rendant les mandataires politiques locaux très peu enclins à la proactivité dans ce domaine, elles le sont davantage dans les communes rurales, rappelle-t-on à la Société wallonne du logement (SWL). C’est ainsi que l’offre en logement public est longtemps restée éloignée des préoccupations du monde rural.»

Il y a plusieurs raisons à ces réticences, selon la SWL, notamment comme le système d’attribution qui ne favorise pas l’attribution de logements publics aux «locaux». À cela s’ajoute un vieillissement démographique de certains territoires ruraux qui résulte en partie de flux croisés de populations très différentes. «D’un côté, les jeunes ruraux migrent vers les centres urbains pour achever des études ou trouver un emploi, et, de l’autre, des urbains fraîchement retraités, à la recherche d’un cadre de vie plus calme, sain et verdoyant, viennent renforcer le vieillissement naturel de la population rurale avec une série d’inconvénients comme l’absence ou le manque de commerces de proximité, de moyens de transport en commun, suivis de la relative inaccessibilité des services administratifs et, dans une moindre mesure, des loisirs culturels et sportifs», nous explique-t-on à la Société wallonne du logement.

Le logement public peut être une solution de « sauvegarde » de la vie rurale encourageant une dynamique démographique positive.

Or, aujourd’hui, poursuit-on encore à la SWL, le secteur du logement public tout entier fait figure d’exemple en communes rurales, proposant du logement qui s’intègre bien dans l’ensemble bâti, des logements innovants, basse énergie, bien intégrés dans l’environnement. «Avec la nécessité de protéger un paysage rural de toute forme architecturale dénaturée du patrimoine et de l’héritage rural, mais également de défendre une identité territoriale affirmée notamment à travers son patrimoine bâti, ajoute-t-on à la Société wallonne du logement. C’est la raison pour laquelle le logement public peut être une solution de ‘sauvegarde’ de la vie rurale encourageant une dynamique démographique positive permettant d’envisager des perspectives économiques et sociales favorables comme le maintien des petites écoles, de petits commerces, de services, de vie sociale…»

« Paul Furlan: «Remettre du bon sens dans l’organisation du logement public» », Alter Echos, Amélie Mouton, 3 février 2015

« Abbeyfield, quand logement public rime avec habitat groupé », Alter Echos, Martine Vandemeulebroucke, 23 mai, 2015

 

Pierre Jassogne

Pierre Jassogne

Journaliste

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