Comme ailleurs, les sociétés de logement public et les agences immobilières sociales sont confrontées à la question de la gestion des déchets. La sensibilisation est l’outil choisi par ces sociétés pour réduire l’impact environnemental des locataires.
En Région wallonne, il n’existe pas de normes spécifiques touchant à la gestion des déchets dans les logements publics. « La fixation d’un cadre est du ressort de chaque société de logement public, confirme Daniel Pollain, porte-parole de la Société wallonne de logement (SWL), celles-ci l’appliquant différemment selon qu’il s’agit de grands ensembles ou de petits groupes de maisons. »
La gestion des déchets s’inscrit néanmoins dans une dynamique lancée en 2011 par le ministre du Logement et de l’Habitat durable, Jean-Marc Nollet, notamment par le biais de l’engagement de référents sociaux dans pratiquement l’ensemble des sociétés de logement public wallonnes. Avec leur « pédagogie de l’habiter », ces référents sociaux participent à la mise en place d’un « accompagnement visant à assurer l’appropriation du logement par le locataire (…) en vue de le responsabiliser ». « L’arrivée d’une personne chargée d’un tel accompagnement est extrêmement positive », témoigne Omer Laloux, directeur-gérant de la société locale de logement La Dinantaise. Intervenant dans les familles lorsqu’un souci se présente, ce référent social permet de lier les problématiques entre elles. Pour Omer Laloux, il convient d’enfoncer le clou pour que la population intègre les bons réflexes : « En procédant de cette manière, la situation s’améliore. » Outre la communication réalisée dans son bulletin à l’attention des locataires, la régie de quartier assume également un rôle très actif de prévention, mais aussi de contrôle, en tentant d’identifier les récalcitrants avec l’aide de l’écoconseiller et, si nécessaire, de la police.
À Seraing, où 20 000 logements – dont des habitations sociales – ont été équipés de conteneurs collectifs, en plus de l’écoconseiller disponible pour ceux qui en émettent le souhait, des assistants sociaux effectuent des démarches proactives à l’égard des personnes dont le comportement face aux déchets est jugé problématique. L’agence immobilière sociale (AIS) sérésienne a constaté de nombreux cas d’incompréhension dans le chef de ses locataires. « Ces normes leur ont été imposées sans qu’il y ait suffisamment d’explications, estime-t-elle. Or nous nous adressons à un public fortement précarisé pour qui le tri n’est pas une priorité. »
Priorité à la SLRB
Une question qui se pose avec la même acuité à Bruxelles. En effet, selon Étienne Cornesse, porte-parole de Bruxelles-Propreté, « il est difficile de capter l’attention de citoyens qui doivent faire face à des problèmes quotidiens, et de les conscientiser à propos de leur impact environnemental ». Pour le porte-parole de l’agence bruxelloise, la gestion des déchets nécessite un accompagnement des habitants : « Les problèmes de propreté sont souvent la partie visible de l’iceberg. L’insécurité, le manque d’éducation, le non-respect de l’espace public doivent être pris en considération si l’on veut instaurer une dynamique d’amélioration de la propreté. Le citoyen a des droits, des devoirs et le pouvoir de changer les choses dans son espace de vie. À nous, acteurs de terrain, à l’y aider. »
Yves Lemmens, directeur général de la Société du logement de la Région de Bruxelles-Capitale (SLRB) abonde dans le même sens : « Il est difficile pour ce public qui n’a pas eu ces habitudes de tri de s’y plier, d’où la nécessité d’accompagner un changement des mentalités. » L’amélioration de la gestion des déchets fait clairement partie des priorités de la SLRB tant les dysfonctionnements en la matière sont nombreux. « Dans certains quartiers, la situation est très difficile », commente Yves Lemmens. Ce fut le cas notamment dans la cité Hellemans. Le Foyer bruxellois, société immobilière de service public (SISP), et Bruxelles-Propreté y ont dès lors mené en octobre 2012 une action de sensibilisation. Pour un mieux ? Cela aurait pu être le cas si la société de traitement des déchets n’avait pas changé les jours de collecte dans la foulée…
De manière générale, c’est la gestion par conteneurs (d’application dans la plupart des immeubles) qui est jugée compliquée par les habitants, qui semblent du coup peu enclins à relever le défi du tri. « Les réunions d’information et de formation n’ont pas eu le succès escompté. Dès lors, il n’y a eu que peu de conséquences positives », regrette Marc Wasterlin, responsable du service maintenance à la SISP Foyer Bruxellois. « Les conteneurs suppriment la responsabilité individuelle », ajoute Anne Vandooren, responsable des services social et contentieux. Ce sont les gardiens d’immeubles qui se retrouvent contraints d’endosser la responsabilité du tri.
Le manque de place dans les constructions verticales est lui aussi prépondérant, mais il n’est pas propre aux seuls logements sociaux. « L’ampleur des dysfonctionnements est proportionnelle à la concentration plus ou moins dense de logements », commente Étienne Cornesse. Et de mentionner le fait d’être locataire et non propriétaire comme la conséquence d’un respect moindre des lieux de vie. Outre les actions de sensibilisation menées quotidiennement par Bruxelles-Propreté, il faut noter qu’un projet d’envergure en matière de déchets est à l’étude pour l’entièreté des logements sociaux de la capitale. « Vu les politiques différentes des sections locales et l’hétérogénéité de Bruxelles, cela prendra du temps », précise toutefois Yves Lemmens.
Peut-on cibler des actions de sensibilisation en matière de réduction des déchets vers des publics en situation de précarité économique ? Le terrain est pour le moins glissant. Pour Denis Blot, sociologue à l’Université de Picardie, poser la question est déjà dérangeant : « La proximité avec les déchets est jugée dégradante. Les gens qui ont un statut social dégradé sont relégués dans des espaces dégradés, entourés d’objets dégradés. Les plus riches peuvent mobiliser plus de ressources et de services pour ne pas avoir l’air sale. Mais n’oublions pas que ce sont eux qui consomment le plus, et donc qui produisent le plus de déchets. Au petit jeu de désigner les inciviques, il y a peu de gagnants. Les déchets sauvages qui sont charriés par les rivières ou le vent n’ont pas de propriétaire. Celui qui roule en voiture et pollue en métaux lourds ne laisse pas de trace. » En tant que chargé de mission chez Écoconso, Renauld de Bruyne est amené à dispenser des formations sur la réduction de déchets, et plus largement sur la consommation responsable, à des publics issus d’horizons variés. À ses yeux, la seule différence quand on s’adresse à des personnes moins nanties réside dans la façon dont on fait passer le message. « Les arguments financiers et les possibilités de réaliser des économies seront davantage mis en avant pour toucher les gens. » s. w.
En savoir plus
Alter Échos n° 363 du 02.07.2013 : De l’accompagnement social aux référents sociaux