Le 10 janvier, le Conseil régional bruxellois a pris en considération une proposition de résolution visant la création d’une communauté urbaine de Bruxelles afinde gérer des politiques à caractère suprarégional relevant de l’aire géographique socio-économique « naturelle » de Bruxelles.
Issu des rangs du MR, ce texte souligne l’enjeu majeur de créer « un niveau de pouvoir intermédiaire entre la commune, la Région et les autoritéssupérieures ». Celui-ci aurait pour objectif de gérer des politiques touchant aux matières suivantes : affectation du sol, aménagement du territoire,mobilité, environnement et développement socioéconomique. Les auteurs du texte insistent sur « la nécessité pour la Région de négocier unecontrepartie équitable des charges et coûts engendrés par l’utilisation d’équipements urbains par des non-habitants de la Région. » Les personnes viséessont, entre autres, les 300.000 navetteurs pour les surcoûts qu’ils entraînent en termes de congestion du trafic, de pollution, ou encore de sécurité. À ceux-cis’ajoutent les habitants de la proche banlieue de Bruxelles qui utilisent en partie de nombreux services offerts par la Région : centres commerciaux, équipements culturels et sportifs,écoles…
Ces constats reposent sur une série d’études scientifiques qui servent de base argumentaire aux auteurs de la proposition. Sur la base d’une étude de l’ULg1, ces dernierssoulignent l’articulation entre le centre et la périphérie bruxelloise, laquelle nécessite de partager les ressources et les coûts. À cela s’ajoute un conflitd’intérêt entre centre-ville et périphérie, le premier s’appauvrissant au profit du second, via le départ d’habitants riches et la délocalisationd’entreprises. Cet aspect entrave toute coopération efficace sur une base volontaire. Ensuite, les auteurs se référent à une étude de l’UCL2 pour définirl’aire géographique et socio-économique naturelle de Bruxelles : 31 communes (411 km2 et 1,2 million d’habitants), soit les 19 communes bruxelloises, plus Beersel, Dilbeek, Grimbergen,Sint-Pieters-Leeuw, Zaventem, Drogenbos, Kraainem, Linkebeek, Rhode-Saint-Genèse, Wemmel, Wezembeek-Oppem et Waterloo. Cette aire a été calculée sur la base decritères objectifs, à savoir « la densité de la population et la densité d’emplois dans la commune considérée, ainsi que l’attractivitéexercée par la ville sur la population active de la commune (mesurée notamment par les navettes) ». Enfin, s’inspirant de la législation française3 sur les «communautés urbaines » et de l’étude de l’ULg, ils rappellent les quatre conditions indispensables à la mise en place d’une communauté urbaine de Bruxelles : laconcertation préalable, l’identification d’un projet mobilisateur et fédérateur, la transparence et la souplesse de l’organisme.
En conséquence, les auteurs du texte demandent au gouvernement régional :
> « d’envisager la création d’une communauté urbaine de Bruxelles afin de gérer des politiques essentiellement à caractère suprarégional ousupracommunal qui exigent d’associer les pouvoirs politiques bruxellois et les entités politiques relevant de son aire géographique socio-économique naturelle » ;
> « d’initier une large concertation avec toutes les entités politiques et consultatives concernées de sorte que s’engage un débat sur la nécessité decréer une communauté urbaine de Bruxelles, et notamment d’envisager de définir un périmètre de coopération, une organisation structurelle et juridique, ainsique des modalités de participation et de représentation des communes… » ;
> « d’informer et consulter la population bruxelloise sur les enjeux de la création d’une large communauté urbaine de coopération. »
Une question d’échelle
À signaler aussi, le fait que les auteurs du tout récent rapport d’évaluation de la politique des grandes villes (voir par ailleurs dans cette édition) évoquentune autre piste. Comparant les dynamiques urbaines en Belgique et les resituant dans un contexte européen et mondial, ils en appellent à la mise sur pied d’une forme decoopération structurée entre les autorités des différents niveaux qui ont entre les mains le sort de Bruxelles… et d’Anvers. Ces deux villes, vues d’en dehors desfrontières nationales, auraient en effet tendance à n’en constituer qu’une seule, en urbanisant chacune progressivement la zone qui les sépare.
1. I. Thomas & H. Tulkens, Critères pour la détermination des frontières de Bruxelles, juillet 1999, UCL, rapport adressé à H. Hasquin, ministre del’Aménagement du territoire.
2. B. Meene-Schoumaker & M. Herbiet, « Convention portant sur l’identification de structures de collaboration opérationnelles pour les communes wallonnes désireuses dedévelopper une stratégie d’agglomération – rapport final », Facultés des Sciences et de Droit, ULg, 2000.
3. Loi n°66-1069 du 31 décembre 1966, complétée par la loi n°92-125 du 6 février 1996.