Le Conseil de la jeunesse d’expression française (CJEF1) sera sérieusement toiletté pour devenir le Conseil de la jeunesse Wallonie-Bruxelles (CJWB).L’objectif affiché est d’en faire un organe plus efficace, plus ouvert et plus représentatif. Des modifications qui ne vont pas sans quelques grincements de dents.
Le gouvernement de la Communauté française a adopté l’avant-projet de décret instaurant le « Conseil de la jeunesse Wallonie-Bruxelles ». Le textesoumis par le ministre de la jeunesse entend élargir l’accès au Conseil de la Jeunesse. Jusqu’à aujourd’hui, il était constitué des 86organisations de jeunesse reconnues. Désormais, il sera ouvert aux représentants des centres de jeunes, aux fédérations et conseils étudiants, et aux structuresd’Aide à la jeunesse, en tant que tels. L’avant-projet de décret prévoit également d’ouvrir l’accès « à des jeunes porteursd’initiatives nouvelles ». Pour l’efficacité, le nombre de membres à l’assemblée générale et au conseil d’administration aété sérieusement revu à la baisse. Alors que les 86 organisations de jeunesse (OJ) faisaient partie de l’AG, elles ne seront plus que 12 sur un total de 36 membres,les 24 autres places se répartissant entre les nouveaux venus2. Ce qui signifie que les fédérations et conseils d’étudiants qui étaient repris entant qu’OJ seront cette fois représentés sous leur propre casquette. Ces places assurées ont logiquement été saluées à laFédération des étudiants francophones (FEF3). « C’est une reconnaissance, de la part du politique, que la FEF a eu un rôle pivot dans le CJEF etqu’elle peut continuer à avoir un tel rôle dans le CJWB. » Au delà de ce point, la FEF souligne que la « réforme du CJEF était nécessaire».
Si le ministre, Marc Tarabella (PS), assure que le secteur a bien été consulté, le CJEF n’a pas encore remis son avis sur la question. « Une semaine aprèsson adoption par le gouvernement de la Communauté française, le CJEF n’avait d’ailleurs toujours pas reçu
officiellement ce texte », précise-t-on au bureau du CJEF, quelque peu étonné de l’enthousiasme ministériel à communiquer aussi promptement sur lesujet… Si la première mouture du texte avait plutôt suscité des réserves et des critiques, les avis sont actuellement beaucoup plus partagés. Le Réseaudes non-confédérés (RNC) regroupant une douzaine d’OJ et le Conseil de la jeunesse catholique (CJC) sont les seuls, pour l’instant, à avoir fait connaîtreleurs inquiétudes face aux changements annoncés. « Le gouvernement fait le choix d’ôter la voix des jeunes qui s’engagent à travers lesorganisations dejeunesse », s’inquiète le CJC, tandis que le RNC regrette que « le ministre diminue le nombre d’organisations de jeunesse pour faire de la place à des structurestotalement floues et non identifiables ».
« Un organe vivotant »
Au cabinet Tarabella4, on reste serein et convaincu de la nécessité de réformer le CJ. « Nous voulions faire en sorte que cet organe, vivotant, retrouve uneréelle efficacité, soit beaucoup plus actif et intègre en son sein des gens de tout horizon qui font l’actualité de la jeunesse. En cela, nous sommes dans la droiteligne des recommandations des États généraux de la culture. » Reconnaissant au passage que l’amertume de certaines OJ était prévisible puisque «cette ouverture va diluer leur pouvoir, elles vont de facto perdre la situation monopolistique qu’elles avaient ». L’un des arguments ministériels tient à lareprésentativité. « Les OJ représentent trois cent mille jeunes. Or, il y a un million et demi de personnes de moins de trente ans en Communauté française.» Un raisonnement que réfute Catherine Lemaître du RNC : « Évidemment que tous les jeunes de la Communauté française ne sont pas dans une OJ. Maisl’ensemble des OJ parvient à toucher tous les publics et à représenter toutes les composantes de la société. Dans ce cadre, nous estimons que CJEF estreprésentatif et compétent pour remplir sa mission qui est de remettre des avis. »
Un autre point de l’avant-projet fait la place belle à la participation directe des jeunes qui auront la possibilité de s’exprimer à travers des « nouvellesstructures participatives » au niveau communautaire (des groupes d’échanges et de réflexion appelés « agoras ») et au niveau local (des groupes deréflexion appelés « forums »). Des projets dont la faisabilité est mise en doute par le CJC. Mais ce qui suscite encore plus d’inquiétude, c’estl’obligation pour le nouveau Conseil de la jeunesse de se constituer en asbl, comme c’est déjà le cas en Flandre. « Afin d’assurer l’indépendance de laprise de parole des jeunes en Communauté française par rapport à l’autorité publique, de permettre au CJ d’être directement représenté auYouth Forum européen et de solliciter toutes les aides régionales ou européennes », selon le ministre Marc Tarabella qui affirme par ailleurs que les moyens actuelsaccordés au CJEF seront pérennisés et revus à la hausse.
Une vision idéale que conteste le RNC qui y voit plutôt une épée de Damoclès : « Faudra-t-il encenser les politiques menées par le ministre et sescollègues pour être assurés d’être agréés ? Y aura-t-il un jour une autre asbl qui remplira certainement mieux, aux yeux du ministre ou de son parti, lesmissions du Conseil ?» Des questions qui méritent d’être tranchées.
1. Le Conseil de la jeunesse d’expression française est l’instance consultative officielle des jeunes en Communauté française. Il peut remettre un avisd’initiative ou à la demande du ministre de tutelle ou d’un autre acteur politique sur tout ce qui concerne de près ou de loin les jeunes en Belgique francophone. Lacomposition du CJEF se trouve sur leur site : www.cjef.be
2. Les 36 membres devront avoir moins de 30 ans (au lieu de 35 précédemment). Outre les 12 membres issus des OJ agréées, 12 places seront réservées auxcentres de jeunes agréés, 2 aux Conseils d’étudiants, 2 aux organisations représentatives des étudiants au niveau communautaire. On comptera également 4membres émanant du secteur de l’Aide à la jeunesse
et 4 autres émanant d’initiatives collectives de jeunes, pour autant qu’elles soient indépendantes des OJ et des centresde jeunes.
3. Fédération des étudiants francophones asbl :
– adresse : rue de la Sablonnière, 20 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 223 01 54
– site : http://www.fef.be
4. Cabinet Tarabella
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 250 18 11.