La révision du décret centres de vacances (plaines, séjours et camps de vacances pour enfants)1 joue les prolongations. Le texte est toujours sur le pupitre despolitiques, qui tardent à trouver un langage commun. Certaines organisations de jeunesse (OJ) s’inquiètent, elles, que le texte privilégie la quantité à laqualité.
Un projet de modification du décret sur les centres de vacances aurait dû passer devant le gouvernement de la Communauté française fin juillet. Mais, étrangement,on ne voit toujours rien venir… « Le texte n’est tout simplement pas assez abouti. Le dossier est complexe, les enjeux sont nombreux et la discussion se poursuit entre lesdifférents partenaires. Il faut du temps », déclare Carlos Crespo collaborateur à la cellule Jeunesse au cabinet Tarabella. L’homme, visiblement sur ses gardes,n’en dira guère plus. « Pour l’instant, le projet semble bloqué, le climat n’est pas favorable », confirme Bernard Mathieu, président de lasous-commission « Formation » de la Commission consultative des organisations de jeunesse (CCOJ)2. « Il y a un gros débat lié à la formation età l’encadrement des centres de vacances. Veut-on valoriser la formation telle qu’elle est organisée actuellement3 ? Veut-on encourager les assimilations de ceuxqui sont détenteurs d’un diplôme pédagogique ? Ces questions sont loin d’être tranchées. »
Deux volets, une concertation
Le décret centres de vacances a la particularité d’avoir deux volets, chacun faisant l’objet d’un arrêté : l’un pour les modalitésd’agrément et de subventionnement, avec Catherine Fonck4 (CDH) en ministre de tutelle, l’autre déterminant les conditions d’homologation des brevetsd’animateur et de coordinateur, du ressort de Marc Tarabella5 (PS). « Le volet formation était juridiquement instable, nous avons donc commencé un travail deréécriture, il y a deux ans », explique Bernard Mathieu. Finalement, plutôt que de revoir un aspect seulement du texte, les deux ministres concernés ontpréféré accorder leurs violons et revoir tout le décret. Ils ont donc proposé un texte commun.
Début juillet, au terme de six mois de concertation, la Commission d’avis sur les centres de vacances – composée de représentants d’OJ via le CJEF6, del’ONE, de l’Union des Villes et des Communes, des cabinets ministériels concernés et des centres de vacances non représentés ailleurs – a rendu son avissur ce texte. « La difficulté a été de tenir compte de la grande diversité des situations. Nous sommes parvenus à un avis plutôt positif sur le textemais, sur l’aspect formation, nous exigeons des critères très précis pour les assimilations, qui doivent rester l’exception à la règle. À titrepersonnel, je considère que la formation par le brevet est le minimum requis pour être animateur dans un centre de vacances. Les normes d’encadrement existent depuis dix ans etelles ne sont pas particulièrement exigeantes. La moindre des choses est de les respecter… », explique Hervé Gilbert, président de la Commission. Et d’ajouterque « si le décret était appliqué à la lettre, on pourrait financer correctement les centres qui respectent effectivement la norme. »
Dans sa version actuelle, le décret stipule que, pour prétendre à l’agrément, les centres de vacances doivent disposer d’au moins un animateur sur trois« qualifié », « c’est-à-dire breveté ou assimilé ». Et c’est, en particulier, sur cet « assimilé » que certainss’étranglent…
Des normes insuffisantes ?
La Confédération des organisations de jeunesse indépendantes et pluralistes (COJ)7 ne cache pas son inquiétude : « la réforme du décretcentres de vacances brade la qualité, entre autres en renforçant les assimilations. » Geoffroy Carly, président de la COJ mais également responsable du Centred’entraînement aux méthodes d’éducation active (Cemea)8, regrette que les assimilations « aillent toujours dans le même sens ». « Onassimile comme animateurs de centres de vacances les personnes qui viennent de l’enseignement, mais ceux qui ont acquis leur expérience pédagogique ailleurs ne sont jamaisreconnus dans l’enseignement. Avec cette volonté d’assimiler à tour de bras, on galvaude la philosophie des centres de vacances, basée sur l’émancipationet la logique d’éducation permanente. » Autre motif d’insatisfaction, la diminution du nombre de jours consécutifs obligatoires ou encore la diminution du nombre d’enfantsinscrits pour se faire reconnaître comme centre de vacances.
Geoffroy Carly pointe la responsabilité de l’ONE qui aurait commis des erreurs en finançant des centres qui n’auraient pas dû l’être. «Aujourd’hui, il est impossible de faire marche arrière, donc on préfère légiférer sur des normes moindres plutôt que de perdre la face. Si le textepasse tel quel, on risque d’avoir des centres de vacances dont le seul objectif sera de « caser » des enfants qui verront les mêmes têtes toute l’année, àl’école comme en vacances, celles de leurs instituteurs ! »
Des inquiétudes qui étonnent Frédéric Possemiers, conseiller auprès de la ministre Fonck. « Globalement, le projet de réforme a étéaccueilli de manière très positive par le secteur, même s’il reste certains nœuds. Nous sommes face à 2 000 pouvoirs organisateurs qui accueillent 180 000enfants chaque année ; notre objectif est de permettre à tous de travailler correctement, nous n’avons pas l’intention d’en exclure certains au profit d’autres.Nous devons entendre que certaines communes ont des difficultés à trouver des animateurs brevetés pour leur plaine de jeux et préfèrent recourir à desinstituteurs ou des puéricultrices plutôt que de ne pas organiser de plaine du tout. » Privilégiant « un bon texte » qui permette de contenter le plus largementle secteur, le cabinet Fonck prétend vouloir renforcer la qualité de l’encadrement tout en n’excluant personne. « Nous n’avons pas envie de laisser sur lecarreau des centres de vacances qui ne fonctionneraient que sur le bénévolat, par exemple. »
Un exercice d’équilibriste que ne renierait pas le cabinet Tarabella qui lui, semble soumis aux feux croisés, d’une part, de la COJ – qui exige plus de qualité et uneréaffirmation des principes de b
ase des centres de vacances – et, d’autre part, de certaines municipalités socialistes qui font pression pour assouplir au maximum les normesd’encadrement…
D’autres questions auxquelles il serait sans doute utile de répondre pour comprendre l’ampleur de l’enjeu, c’est de savoir combien de centres de vacances travaillentréellement aujourd’hui sans animateur breveté et également combien de professeurs sont gentiment encouragés par leur pouvoir organisateur communal à jouer auxmoniteurs pendant les vacances pour compenser le manque d’animateurs formés et éviter de devoir dire aux parents : « Désolé, cette année, il n’y aura pas deplaine de jeux… »
1. Les centres de vacances, ce sont :
• les plaines de vacances (non résidentiel et sans obligation d’affiliation) ;
• les séjours de vacances (résidentiels),
• les camps de vacances (résidentiels et organisés par les mouvements de jeunesse reconnus : scouts, patros, guides,…)
2. CCOJ
– c/o Service Jeunesse, ministère de la Communauté française
– adresse : bd Léopold II, 44 à 1080 Bruxelles
– tél. : 02 413 20 23.
3. Les brevets sont délivrés par le Service de la jeunesse. La formation à l’animation en centres de vacances comporte 150 heures de cours théoriques sur site, desstages résidentiels, un perfectionnement et une qualification. Il faut compter environ quatre mois pour suivre le cursus mais il peut s’étaler en trois années aumaximum.
4. Cabinet de Catherine Fonck, ministre de l’Aide à la jeunesse :
– adresse : bd du Régent, 37-40 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 788 83 11.
5. Cabinet de Marc Tarabella, Ministre de la Jeunesse :
– adresse : place Surlet de Chokier, 15-17 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 250 18 11.
6. CJEF (Conseil de la jeunesse d’expression française)
– adresse : bd Léopold II, 44 à 1000 Bruxelles
– tél. : 02 413 29 30.
7. COJ :
– adresse : rue Traversière, 8 à 1210 Saint-Josse
– tél. : 02 218 31 03
– courriel : info@coj.be
– site : www.coj.be
8. Cemea :
– adresse : avenue de la Porte de Hal, 39/3 à 1060 Saint-Gilles
– tél : 02 543 05 90
– courriel : bruxelles@cemea.be
– site : www.cemea.be