Ce 26 mai 2019, Alter Échos et une vingtaine d’autres médias et «opérateurs médiatiques» alternatifs ont organisé «Le OFF», une contre-soirée électorale.
Contre la vacuité des soirées électorales «mainstream», contre l’immédiateté, l’anecdotique. Mais surtout pour évoquer les grands enjeux de terrain avec ceux et celles qui s’y collent au quotidien, pour interroger le projet démocratique et pour débattre ensemble plutôt que d’être replié chacun chez soi.
Des airs de festival, mais sans tapis rouge. Sans les Dardenne non plus, retenus sur la Croisette. Pourtant, des stars, il y en a. Celles du milieu «sociocu» bruxellois. Pour un soir, le Point Culture a pris des airs de grand plateau de télé qui s’agite avant que le direct commence. Dans le café, les journalistes sont en train de régler les derniers préparatifs de leurs débats. Autour d’eux, de vieux camarades se retrouvent, certains candidats ont fait le déplacement, histoire de soutenir l’initiative, même furtivement.
20 heures pétantes, c’est parti. Arno lance les festivités avec Putain, putain, c’est vachement bien, nous sommes tous des Européens. Les débats se succèdent – en public, en direct sur des radios associatives et en vidéos «live» sur les réseaux sociaux. Question environnementale, avenir de la sécurité sociale, représentation des femmes et des minorités, état de la démocratie européenne… Journalistes, chercheurs, travailleurs de terrain se relayent autour de la table pour aborder ces grands enjeux.
Les échanges sont ponctués de micros-trottoirs glanés auprès du public présent, de chroniques et d’analyses de résultats au regard des thèmes abordés, confirmant au fil de la soirée l’arrivée d’une marée brune sur le pays.
L’espace du bar est transformé en salon. Dans les canaps installés devant la télévision qui retransmet les débats, on discute, on débat, on boit un coup. «Écolo est premier parti à Bruxelles ou pas?», «La N-VA va-t-elle briser le cordon sanitaire?», «Oh, Agora a un député!» Au bar, un «gilet jaune» belge, qui a participé à la manifestation du matin, raconte les arrestations et sa journée au cachot pendant que ses interlocuteurs tous deux levés aux aurores pour faire leur devoir d’assesseurs échangent sur la qualité des sandwichs offerts dans leur bureau respectif. Et on se ressert une Zinnebir pour faire passer les résultats inquiétants du nord du pays.
«Si j’étais pas venu ici, je serais resté seul dans mon salon à me dire d’éteindre la télé, mais à la laisser allumée quand même», nous dit un participant. «C’est plus intéressant que les soirées électorales où ils répètent 150.000 fois les chiffres et où les politiciens font bien souvent de la langue de bois», renchérit une autre. On a sans doute prêché des convaincus. On n’a sans doute pas réinventé la roue. Mais on a mis en place un dispositif technique et éditorial ambitieux, mêlé les savoir-faire et les compétences des membres du collectif, fonctionné dans l’ouverture et tenté une proposition participative et conviviale. Et cela a fonctionné, car on était mieux que chez soi.
La soirée se clôture avec un dernier regard sur les résultats. «Le grand gagnant de ces élections, c’est le Vlaams Belang – il s’offrirait 18 sièges au parlement fédéral selon les projections – et ça fout le bourdon», confirme le journaliste Thierry Dupièreux, assénant un coup fatal au public ayant tenu jusque-là. «Il s’agira d’être vigilant, la société civile devra être au taquet. Et surtout, il faudra ne pas s’habituer aux discours de l’extrême droite. (…) Il y a urgence à resserrer les liens, à en tisser. Le défi est colossal, il faut écouter, analyser, s’approprier la politique et lui redonner du sens, continuer à débattre. C’est ce qu’on a fait ici.»
Putain Putain. On s’y remettra demain.