Rendre l’énergie tirée des installations photovoltaïques accessible à tous, c’était l’un des objectifs du gouvernement wallon. La spéculation sur les certificats verts y a coupé court. Néanmoins les choses bougent pour donner aux consommateurs précarisés la possibilité d’accéder à cette énergie verte.
Après l’éclatement de la bulle des certificats verts en Région wallonne (voir encadré), le secteur du photovoltaïque vit une période de transition difficile. Le marché tourne au ralenti. Certes, un nouveau cadre – Qualiwatt qui remplace le système des certificats verts – se dessine pour éviter que le mécanisme de soutien s’emballe à nouveau. Dans l’intervalle, un constat s’impose en ce qui concerne l’accès à ce secteur et les bénéfices pour les consommateurs les plus précarisés. « Ceux qui disposaient des moyens nécessaires ont fortement profité d’un système qui était financé par l’ensemble des consommateurs. Le déséquilibre en faveur des hauts revenus semble évident », résume Fabienne Collard, auteure d’une étude pour le Crisp sur les bénéficiaires des certificats verts. Pour ceux qui avaient les moyens d’investir dans le photovoltaïque, ce système a permis un amortissement rapide. « Investir dans des panneaux solaires n’est cependant pas à la portée de tous les revenus : il faut compter environ 10 000 euros pour une installation de 5 kilowatts et environ 18 000 euros pour une installation de 10 kilowatts. » Or comme le rappelle l’analyse, le soutien aux énergies renouvelables relevait d’un choix politique qui devait profiter à l’ensemble des consommateurs.
Avec le nouveau mécanisme de soutien au photovoltaïque baptisé Qualiwatt, l’exécutif régional a décidé de tenir compte désormais du revenu dont disposent les consommateurs intéressés par le photovoltaïque pour soutenir les ménages les plus défavorisés. Le soutien se répercutera directement sur la facture d’électricité, assurant aux plus bas revenus un temps de retour sur investissement de sept ans (contre neuf ans pour les revenus supérieurs) et un taux de rentabilité global sur vingt ans de 7 % (contre 4 % pour les revenus supérieurs). Une réelle évolution. En outre, « afin de prendre en considération le niveau de revenu des bénéficiaires, la Cwape (NDLR Commission wallonne pour l’énergie) propose qu’une prime supplémentaire unique soit octroyée aux clients protégés et aux clients bénéficiant de revenus précaires », rappelle Fabienne Collard. Un avis suivi par le gouvernement wallon, mais le montant de cette prime unique doit encore être fixé.
Un avenir pour le tiers investisseur ?
En attendant, sur le terrain, des projets de panneaux photovoltaïques sociaux tentent de se mettre en place, en usant surtout des bonnes idées plutôt que de l’arsenal législatif actuel. C’est le cas à Louvain-la-Neuve de la jeune société Bluesky regeneration, par ailleurs spécialisée dans le domaine de l’informatique et des campagnes marketing par SMS. La société redistribue 9 % de son chiffre d’affaires dans des projets humanitaires ou environnementaux. Elle est également à l’initiative de Bluesky energy dont l’objectif est d’installer des panneaux photovoltaïques pour un public qui n’a pas les moyens d’accéder à l’énergie renouvelable, sur des maisons ou des apparemment sociaux, sur les toits des CPAS, etc. « Malheureusement, on a détourné l’essence même de cette énergie alternative qu’est le photovoltaïque en en faisant un produit spéculatif », regrette au passage l’initiateur de ce projet, Jean-Luc Rochet.
Sa société a conclu un partenariat avec Énergie 2030, fournisseur d’électricité renouvelable. Bluesky réalise des campagnes visant à motiver les consommateurs à choisir ce fournisseur d’électricité. La commission commerciale perçue lors des transactions d’abonnements permet de financer les installations sociales. Au départ, ce projet reposait sur l’emploi des certificats verts et le principe du tiers investissement (voir encadré) : la migration de chaque client vers Énergie 2030 donnait à Bluesky le droit de revendre un certain nombre de certificats au fournisseur pour rembourser le prêt contracté pour financer l’installation sociale. Depuis 2013, on l’a vu, la législation concernant l’octroi de certificats verts a été revue en Wallonie. Dès l’annonce de ce nouveau cadre réglementaire, la société a donc pris en compte ces modifications de régime et, afin de maintenir la viabilité de cette démarche sociale, a conclu avec le fournisseur d’énergie un avenant à leur partenariat. Désormais, le fournisseur offre une rémunération supplémentaire dans le cas où la production d’énergie verte ne donne plus droit à l’octroi de certificats verts à la société. Pour simplifier, pour la production de chaque mégawatt d’une des installations de la société Bluesky, le fournisseur octroie et rachète des certificats verts, même lorsque la Cwape ne leur en donne pas. Le prix de rachat est moins élevé que celui des certificats verts classiques, mais suffisant pour réaliser des installations sociales, si un nombre satisfaisant de personnes choisit ce fournisseur.
Lancé lors de l’été 2012 par Jean-Luc Rochet, ce projet est encore à la recherche d’investisseurs et de partenariats avec des communes. « Pour concrétiser cette participation citoyenne dans les villes et communes et aider les CPAS ou des personnes précarisées, il faut qu’une quarantaine d’habitants d’une commune migre vers ce fournisseur d’énergie, explique Jean-Luc Rochet, directeur de Bluesky. À partir de ce moment-là, la société peut offrir une installation photovoltaïque, et donc aider une famille. » Réaliste ? En tout cas, le projet de Bluesky Energy a retenu l’attention du prix Zénobe, récompensant l’innovation sociale.
Avant que le marché des certificats verts ne s’emballe, le système du tiers investisseur permettait à une société de placer des panneaux sur le toit d’un consommateur et de percevoir les certificats verts rapportés par l’installation. En échange, elles versaient chaque mois un montant au consommateur pour rembourser l’emprunt pour l’installation. Ce modèle de financement alternatif a-t-il encore de l’avenir ?