On le sait, depuis 2013, la Wallonie a pérennisé les plans hivernaux et a permis de garantir la récurrence des moyens octroyés aux opérateurs de terrain afin de faire face aux demandes complémentaires. Il s’agit d’une belle avancée. Néanmoins, sur le terrain, on constate le développement d’un courant de pensée remettant en cause la politique du «thermomètre» et qui souhaiterait privilégier une prise en charge globale des sans-abri en dehors de toute approche saisonnière. C’est pourquoi, avec les équipes de terrain actives dans le domaine de l’accueil des sans-abri depuis de nombreuses années, j’ai souhaité organiser une matinée de réflexion sur cette thématique.
Le déclencheur de cette réflexion a été l’article «SDF : un fait d’hiver» de M. Chahr Hadji publié par La Libre Belgique en novembre 2013. Cet éducateur spécialisé, actif à Bruxelles, était présent pour introduire le colloque du 19 mars devant un auditoire bien rempli de professionnels venant de toute la Région wallonne et de Bruxelles.
Comme lui, et même si le Plan hivernal à Charleroi rencontre la plupart des besoins immédiats, je m’interroge sur la part très importante des budgets qu’il mobilise et qui doivent certainement grever les possibilités d’ouvrir des solutions plus pérennes de logement pour les personnes concernées.
Nous avons également constaté à Charleroi certains effets pervers du dispositif hivernal : certains sans-abri en viendraient à quitter une maison d’accueil pour passer l’hiver en abri de nuit afin d’éviter les frais d’hébergement et de rompre avec les règles strictes des règlements d’ordre intérieur de ces institutions. Il s’agit certainement d’une dérive à combattre puisqu’elle va à l’encontre des stratégies d’insertion de ces personnes.
Je rejoins sa conclusion qui dit que si le dispositif hivernal est utile pour certains, il est inadapté pour beaucoup d’autres. Comme lui, je souhaite que l’on favorise et que l’on amplifie des projets comme le Housing First (politique d’origine anglo-saxonne prônant prioritairement la remise en logement des personnes à la rue), actuellement en test à Charleroi et dans les quatre autres grandes villes du pays.
Il faut progressivement recentrer les moyens et favoriser également l’accès à un logement privé décent à prix raisonnable en luttant notamment contre le scandale des marchands de sommeil.
La dimension préventive doit aussi être au centre de nos préoccupations. C’est une de nos priorités d’action au CPAS de Charleroi avec la politique de «réquisition douce» qui commence à porter ses fruits grâce aux nombreux logements remis sur le marché locatif en ville.
En conclusion, je dirais que le Plan hivernal ne doit pas être une fin en soi mais un élément d’une politique plus globale. Il faut également adapter les réponses en fonction du public, comme pour les personnes souffrant d’assuétudes. Il faut enfin concentrer les moyens les plus importants sur les personnes souffrant de difficultés passagères pour éviter qu’elles ne sombrent et adoptent ce mode de vie.
Éric Massin, député fédéral, président du CPAS de Charleroi
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