Des Chantiers du logement public jusqu’à l’avant-projet de décret modifiant le Code wallon du logement, le chemin est parfois parsemé d’embûches. Petit historique.
En février 2010, le ministre Jean-Marc Nollet lance les chantiers du logement public. Objectif : identifier « les priorités à traiter dans lecadre de l’ancrage communal, des mises à jour du Code wallon du logement et de l’évaluation du fonctionnement des Sociétés de logement de servicepublic ». Cette large concertation rassemble des représentants des sociétés de logement de service public (SLSP), de la Société wallonne du logement(SWL), du Fonds du logement wallon, de l’Union des villes et communes (UVCW), des CPAS, ou encore des Comités consultatifs des locataires et propriétaires. Les thématiquesportent sur la gestion locative (accès au logement, loyer, mixité sociale, etc.), l’organisation du secteur (gouvernance des SLSP), la gestion financière (ancrage communal,financement des SLSP, etc.) et la gestion immobilière (construction, rénovation, entretien). De février à la fin mai 2010, ces acteurs vont débattre dans le cadrede 22 chantiers portant sur ces thématiques. Ceux-ci se dérouleront aux quatre coins de la Wallonie.
Les propositions PS ont nourri les chantiers
Le 22 février, le PS de sort une série de propositions visant « à refaire du logement social un ascenseur social ». Son but est de « casserles ghettos » et de restaurer la mixité sociale dans les villes et communes, dans le logement social, et de faire des SLSP des outils du logement social autonomes, responsables etfinancièrement stables. Pour y parvenir, le PS suggère de sanctionner les communes qui ne réalisent pas de logements publics. Une idée qui, encore à ce jour, nerencontre pas l’aval de l’UVCW. Tom de Schutter, responsable de la Cellule Sociétés de logement, rappelle que l’UVCW a toujours été opposée aux sanctions àl’égard des communes, préférant des politiques d’aide et de soutien.
Sur la mixité dans les logements sociaux, le PS estime que le logement social doit « redevenir la première étape du redressement social ». Ilpréconise de « renforcer le suivi social des locataires des SLSP en situation de « déclassement » social. Un Pacte de suivi social, d’une durée de trois ans, pourraêtre conclu entre le locataire, le CPAS et la SLSP qui construiront ensemble une réelle chance de réinsertion et de socialisation ». Une approche soutenue par laFédération des CPAS wallons.
Par rapport à la gouvernance des SLSP, le PS propose que la SWL axe davantage son intervention sur l’aide aux SLSP que sur le contrôle – conséquence de la crise de laCarolorégienne. A ces réflexions, s’en ajoutent d’autres portant sur le loyer, l’accès au logement, les comités d’attributions, etc.
Les propositions socialistes ne sont pas sans rappeler les thématiques des chantiers du ministre écolo. Et au cours des chantiers, ces propositions reviendront souvent par la bande.La concertation poursuivra son petit bonhomme de chemin pour se terminer à la fin mai.
Aux rapports !
Les résultats de cette large concertation fait l’objet de notes synthétiques rédigées par des journalistes de l’Agence Alter tout au long du processus. Sur base decelles-ci, Luc Laurent, directeur honoraire du Fonds du logement des familles nombreuses de Wallonie (FLW), et Alain Malherbe, chercheur au Centre d’études en aménagement duterritoire (Creat – UCL), produisent un rapport d’expertise « Le logement public. Un secteur en chantier ! ». Les conclusions sont présentées auministre le 17 juin, avant d’être présentées devant différentes instances : la société civile (23 juin), l’UVCW (24 juin), le Conseil supérieur dulogement (30 juin), le CA de la Société wallonne du logement (8 juillet) et la Commission Logement du Parlement wallon (12 juillet).
Dans son rapport, les deux experts mettent l’accent sur « le rôle sociétal du secteur : de qui faut-il assurer le droit au logement ? » ; « lesmétiers des SLSP » ; « la place des locataires » ; « le logement public et la cohésion sociale et territoriale » ;« le financement du secteur » ; et « le logement public et sa représentation : l’image du logement social ».
A l’époque, nous en avions retenu dans Alter Echos quelques idées forces :
• l’accompagnement social des locataires dans le cadre de la gestion locative, intéressant sur le plan collectif pour travailler la cohésion sociale et la mixité sociale,mais aussi indispensable sur le plan individuel, qu’il s’agisse d’accueillir le locataire, de l’aider à s’intégrer ou d’éviter le non-payement de loyers ;
• en matière de gestion immobilière, les acteurs du logement réfléchissent de plus en plus à la réalisation de logements modulables qui s’adaptent auxtailles des familles au fil du temps. Concernant la création de logements publics, certains demandent d’adapter la norme de 10 % aux réalités et aux nécessitéslocales. Il est aussi suggéré de repenser le système d’ancrage communal, de réduire les délais administratifs, ou encore de mener une réflexiongénérale sur l’intégration urbanistique du logement public en articulation avec la politique d’aménagement du territoire ;
• au niveau des aspects financiers, l’idée a été soulevée de mutualiser des compétences de SLSP par le biais de la SWL (ex. : marchéspublics) ;
• enfin, les SLSP demandent davantage de soutien de la part de la SWL pour mettre oeuvre la bonne gouvernance, plutôt qu’un contrôle accru.
D’autres contributions
Jean-Marc Nollet promet des réponses pour la rentrée de septembre. Le député CDH, Dimitri Fourny, ne l’oublie pas. Le 21 septembre, il l’interroge sur lesréformes à venir et le calendrier. Le ministre lui répond qu’il doit encore prendre connaissance du résultat d’un travail d’approfondissement mené par le CA de laSWL. De son côté, l’UVCW rend public une note-cadre du Comité permanent des SLSP de l’UVCW : « Sociétés de logements de service public : Vers unéquilibre financier du secteur. Réflexions sous le prisme de la nécessaire mixité sociale ». Thibault Ceder, conseiller logement UVCW, explique que cetteréflexion a été menée en parallèle des fameux chantiers : « En octobre 2009, le ministre nous avait demandé de réfléchir à lamixité dans le logement public [NDLR à la suite de pratiques de sélection discriminantes dans le logement public], puis les ateliers sont arrivés et on s’est rendu compteque l’objectif du ministre était plus large. »
La note de l’UVCW vise &agrav
e; assurer l’équilibre financier du secteur tout en prenant en compte la situation socioéconomique des locataires. Les auteurs formulent une sériede propositions sur la mixité sociale, le calcul des loyers, l’accompagnement social des locataires, la responsabilisation des locataires ou encore une plus grande autonomie des SLSP. Uneannexe fait également le point sur la performance énergétique. Il est, par exemple, proposé de permettre aux SLSP de pouvoir percevoir les charges non payées parles locataires (compte tenu de l’économie d’énergie), dans une optique de partage de profit pour le locataire et pour le propriétaire. Un accompagnement social spécifiquedevrait également être mis sur pied pour apprendre aux locataires à utiliser ce nouveau type de logements. Du côté de l’UVCW, on espère bien que cette notesera prise en compte.
Un cadeau sous le sapin
Il faudra attendre le 21 décembre pour prendre connaissance de la note d’orientation relative à la (nouvelle) réforme du logement public wallon. Si elle est globalement bienaccueillie, des interrogations demeurent.
En gros, 900 millions d’euros seront dégagés sur 2010-2014 pour la réalisation de 110 mesures qui viseront à :
• Accroître l’offre de logements avec le maintien de l’obligation de créer 10 % de logements publics, mais par bassin de vie plutôt que par commune. Au niveaudes moyens, le ministre prévoit de financer la création de 7 000 nouveaux logements, dont 20 % à destination de familles nombreuses (quatre chambres minimum) et10 % de logements modulables. Il est aussi question de booster les logements de transit (deux par commune d’ici 2016). Si les communes n’atteignent pas ces objectifs, les sanctionstomberont ;
• Rénover énergétiquement 10 000 logements avec le Plan d’investissements verts (Pivert). L’objectif est d’améliorer l’isolation et l’efficience du parcde plus de 10 000 logements entre 2011 et 2014. Il s’agit de diminuer les charges extraordinairement élevées des locataires sociaux (70 % du loyer!). Les 425 millions d’euros(dont 100 millions proviennent d’un emprunt contracté le 28 janvier 2011 auprès de la Banque de développement du Conseil de l’Europe) sont répartis comme suit : 60 %seront destinés à la performance énergétique et 40 % à la salubrité et la sécurité des logements. L’investissement sera au minimum de15 000 euros par logement et au maximum de 50 000 euros ;
• Revoir l’attribution des logements pour ouvrir le logement public aux revenus moyens de manière à renforcer la mixité sociale, renforcer le mécanismed’attribution – entre autres pour répondre aux situations d’urgence sociale –, mais aussi lutter contre les pièges à l’emploi (« A revenus égaux, iln’y a pas lieu de favoriser un demandeur d’emploi par rapport au travailleur percevant les mêmes revenus ») ;
• Mieux accompagner les locataires avec un référent social par SLSP. « Ce référent fera le lien avec les services d’insertion, services d’aideaux personnes âgées, maisons d’accueil, CPAS, etc. » ;
• Renflouer un secteur en difficultés, en particulier les quatre SLSP qui totalisent 60 % du déficit en compte courant du secteur (Toit et moi, la Maison liégeoise,la Carolorégienne et le Foyer marcinellois).
Des réactions positives, mais…
De son côté, la SWL est satisfaite que les propositions de son CA soient reprises dans les grandes lignes par la note de Jean-Marc Nollet. Maintenant, remarque-t-on à la SWL,« ces décisions doivent encore être mises en oeuvre en 2011-2014. Un gros chantier s’ouvre pour la SWL, mais il ne faut pas oublier qu’il n’y aura pas d’ancrage communal en2011, année de transition ». Quoi qu’il en soit, au niveau de la SWL, on estime « qu’on ne peut être que positif par rapport à la volonté demixité et de restauration du parc ».
L’UVCW salue dès le 24 décembre la note d’orientation du ministre qui reprend « pour partie » ses propositions et revendications. Dans un communiqué plusfouillé, l’UVCW rappelle, le 25 mars 2011, que « cette réforme ambitieuse s’avère indispensable pour améliorer durablement et efficacement laconcrétisation de la politique du logement en Région wallonne ». Elle soutient les objectifs de cette réforme, mais insiste – dans une circulaire – sur lesattentes du secteur concernant l’aspect opérationnel.
Dans cette circulaire, l’UVCW revient une fois encore sur la pertinence de créer 10 % de logements publics et s’oppose encore et toujours au système de sanctions. Concernant lasalubrité des logements, l’UVCW demande que des moyens financiers soient octroyés pour la mise en place de critères PEB (performance énergétique desbâtiments). Quant à l’obligation de relogement en cas d’inhabitabilité, la position est claire : « La sécurité et la santé des occupants d’unimmeuble doit et devra toujours primer sur l’obligation de relogement qui découlerait du constat d’inhabilitabilité du logement. » A propos de l’attribution deslogements « sociaux », l’UVCW estime que dans la réforme « la place laissée aux ménages à revenus modestes et moyens » estinsuffisante « pour assurer une réelle mixité sociale au sein du parc ». L’UVCW revendique que soit assuré un réel équilibre entre le loyereffectivement payé et la valeur locative réelle du bien. En revanche, les propositions de financement des SLSP satisfont l’UVCW. A propos de l’accompagnement social, l’Union exige« dans tous les cas, une compensation réelle de la charge financière de cette nouvelle mission doit être assurée ». Enfin, elle insiste sur lanécessité d’une phase « test » de la législation envisagée.
Les convoyeurs attendent…
A l’heure où nous écrivons ces lignes (5 mai 2011), beaucoup de questions tournent autour du caractère opérationnel de la réforme, dont l’avant-projet dedécret a été adopté en première lecture ce 28 avril. Le 3 mai, Jean-Marc Nollet répondait encore à des questions sur ce sujet en CommissionLogement.