Nous vous en faisions part dans notre numéro précédent1, le 27 mars 2001, Marie Arena, ministre régionale de l’Emploi et de la Formation2, remettait augouvernement wallon sa note sur l’élargissement des maisons de l’emploi. En tout, c’est plus d’une centaine de maisons de l’emploi qui devraient êtrecréées sur tout le territoire wallon d’ici 2003. La note passée en première lecture au gouvernement wallon, est examinée actuellement par le comité degestion du Forem qui devrait remettre son avis ce 8 mai.
À l’origine de ces maisons de l’emploi, le projet de décret du ministre de l’Emploi et de la Formation sous la précédente législature, àsavoir, Jean-Claude Van Cauwenberghe. Ce projet visait au rassemblement des différents loco-régionaux dans les mêmes locaux ou dans des liens partenaires suffisammentétroits pour offrir au public une transparence de la spécificité de chaque service, éviter des déplacements inutiles et faciliter l’appropriation deconnaissances permettant à chaque individu de gérer son projet emploi en toute cohérence. Poursuivant dans ce but, la ministre Arena a d’ailleurs convié les maisonsde l’emploi pilotes ainsi que d’autres structures à travailler sur ce projet de décret lors d’une rencontre à la Marlagne le 29 septembre 2000 . Depuis,celui-ci a été abandonné au profit d’une note complémentaire au contrat du gestion du Forem.
Des maisons de l’emploi globalement satisfaites
Dans la plupart des maisons de l’emploi contactées, la note au gouvernement est accueillie positivement. Aucune crainte n’a été exprimée quant à lapérennisation des services mis en place, tout au plus quelques interrogations sur le statut du personnel, les relations avec le pouvoir communal, etc. C’est que le personnel ainsi queles coordonnateurs(trices) actuels devraient être repris, moyennant passage d’examens, sous l’aile du Service public de l’emploi mais peu d’infos filtrentjusqu’à présent, le Forem et le cabinet préfèrant ne pas faire de commentaires à ce stade-ci. Cette question du statut n’est pourtant pas sans poserproblème au niveau de la hiérarchisation entre commune et Forem : quelle autorité prévaudra quant on sait que ce sont les communes qui seront à la tête descomités de pilotage et qui joueront dansle co-financement des ME avec le Forem ? Autre question : la ministre laissera-t-elle une latitude suffisante pour que les bonnes pratiques etparticularismes locaux mis en place par les maisons pilotes puissent se poursuivre ? Françoise Viatour, en charge du dossier des maisons de l’emploi au cabinet Arena en est convaincue »Nous avons veillé à ce que les initiatives locales puissent se développer, une grande latitude leur est laissée. Une maison de l’emploi comme celle deBraine-le-Comte, par exemple, qui a développé une formule de Boutique emploi, de Réseau d’échange pourra poursuivre le travail entrepris. »
Précautions syndicales
Côté syndical, on ne désapprouve pas le principe des maisons de l’emploi mais on met en garde contre certaines dérives. « Je trouve le principe des maisons del’emploi intéressant, il permet une plus grande proximité avec le public et une décentralisation des services du Forem, déclare Dominique Gerooms, adjoint ausecrétaire fédéral de la CSC Mons-La Louvière et par ailleurs membre du CA de la ME de Braine-le-Comte. Cependant, il faut mettre en garde contre certaines dérives: le seul contact avec l’emploi que les demandeurs d’emploi auront sont le papier, via les petites annonces, les ALE (qui s’occupent aussi des mesures d’activation) et lesagences d’intérim, toutes deux représentées au sein des ME. C’est en quelque sorte favoriser une certaine dérégulation de l’emploi. Il y a aussiun risque de trop grande municipalisation des ME, d’un interventionnisme communal à outrance et par là d’installation d’une certaine forme de clientélisme. »Quant aux activités particulières de la ME de Braine comme le Club emploi, le Réseau d’échange « ils ne sont effectivement pas repris dans la note au gouvernementmais je pense qu’il est possible en élargissant le CA à l’associatif, aux partenaires sociaux, même si ce n’est pas rendu obligatoire, de développer desactions et des initiatives telles Ïue celles-ci, par ailleurs d’une très grande qualité, en–dehors des missions légales des ME. La question qui va surtout seposer, c’est le financement de ces activités. Une fois le phasing out de l’Objectif 1 terminé, que va-t-il advenir, la Région wallonne va-t-elle continuer àsubsidier, va-t-il falloir imaginer d’autres types de subvention ? ». Du côté des Maisons de l’emploi de Pont-à-Celles issue d’un SLAIE (Service locald’accueil et d’information pour l’emploi) et d’Enghien, on dit avoir tout à y gagner mais on attend le texte définitif. À Chapelle-lez-Herlaimont3, EricBernard, responsable du Plan social intégré de la commune et de l’asbl Symbiose, à l’origine de la création de la ME, tempère les critiquessyndicalistes: « Par rapport aux agences d’intérim, nous devons rester dans notre mission de service public, l’intérim peut être un premier pas vers l’insertionmais il est important qu’il reste encadré, pas question de transmettre les bases de données… » Quant à la question du phagocytage du service public sur les structuresmises en place par l’associatif, Eric Bernard se montre également prudent : « Je ne vois pas de main mise du SPE sur les ME mais bien la volonté de plus de cohérence, unaspect qu’on ne peut reprocher à la ministre. »
Portrait d’une maison de l’emploi pilote
Un des objectifs d’un dispositif comme celui que constitueront le Forem et les Maisons de l’emploi est clairement de concilier une nécessité de coller à desréalités locales spécifiques, tout en donnant aux politiques le maximum de visibilité et d’uniformité. D’où l’importance de la question desavoir comment seront dans ce cadre capitalisée la richesse et la variété des expériences existantes. Puisque nous n’avons pas ici la place d’aller examinerchacune, nous avons choisi celle de Braine-le-Comte4, sans doute une des plus atypiques. Créée voici deux ans, elle émane, tout comme celle de Chapelle-lez-Herlaimont, del’associatif5. À l’époque de son ouverture, en juin 99, il s’agissait véritablement d’une première belge et européenne : elle inaugurait eneffet l’adoption du concept français des Boutiques Club Emploi hors des frontières de son pays d’origine. Aujourd’hui, trois autres Boutiques se sont ouvertes enItalie, au Portugal et en Grèce. Attachées au développement de l’action locale, les boutiques françaises, au nombre de treize aujourd’hui dansl’Hexagone, ambitionne
nt d’être beaucoup plus qu’un simple lieu de recherche d’emploi. Elles se veulent aussi lieu de débat citoyen et de mise en place demécanismes de solidarité. Il est d’ailleurs intéressant de s’attarder à ce concept de « Boutique emploi » car il fait tout l’intérêt et laparticularité d’une Maison de l’Emploi comme celle de Braine.
Un concept novateur
Une Boutique pour l’emploi est accessible à tout le monde, les jours ouvrables. Elle accueille toutes les personnes intéressées par les services Emploi proposés parla Boutique, sans distinction d’objectifs professionnels, âge, sexe, durée de chômage et niveau de qualification. Elle offre quatre types de services :
> Le Club de l’Emploi. En France, les Clubs ont été développés par les Boutiques selon un modèle canadien. Il s’agit d’un groupe de demandeursd’emploi travaillant avec un conseiller pendant quatre semaines, tous les jours, à temps plein, (un Club de l’Emploi dure 156 heures). La session est divisée entrel’apprentissage des méthodes de recherche d’emploi, et une recherche d’emploi active dans le cadre d’une dynamique de groupe originale. Les Clubs fournissentégalement des outils pratiques comme les journaux, le téléphone, etc. En France, les Clubs atteignent des taux de placement entre 70 et 80%. À Braine, ils sont del’ordre de 70%. L’accent est mis sur l’acquisition d’un emploi par le biais de la mise en réseau et des contacts personnels, mais aussi sur la motivation des personnesen insistant sur les possibilités de succès et sur la réussite d’anciens membres du Club. Beaucoup de partenaires tels Forem, Onem, juristes du travail (syndicats), CPAS,ALE, Intérim ont l’occasion de rencontrer les personnes durant les clubs.
> Le Libre-Service Emploi. Un Libre-Service est à la disposition de toute personne franchissant la porte de la Boutique. Ce lieu de ressources permet de s’informer, mais aussi decommuniquer avec d’autres chercheurs d’emploi. Tous les jours, la presse est à disposition, ainsi que l’ensemble des documentations, annuaires, nécessaires à larecherche d’emploi. Sur rendez-vous, les chercheurs d’emploi peuvent venir gratuitement établir ou actualiser un CV. Le travail de rédaction est fait par un conseiller, lafrappe et la mise en page sont assurées par le secrétariat. Des modèles de CV classés par profession et par modèle de lettres de motivation sont àdisposition. Sur rendez-vous également, une aide spécifique personnalisée peut-être apportée à toute personne qui en fait la demande. Un ordinateur estbranché sur internet.
> Le réseau de soutien à l’emploi. C’est une démarche pédagogique créée à partir de la dynamique de groupe utilisée dans lesClubs et des travaux du professeur Henry Laborit sur l’aspect biologique des comportements sociaux. Les réseaux s’adressent tout particulièrement à des chômeursde longue durée, trop déprimés ou trop en colère, et de ce fait très éloignés d’une recherche active d’emploi. Sous forme de groupes de 8à 12 personnes, pendant cinq semaines à raison de deux séances par semaine, ils permettent de trouver confiance et estime de soi face à la situation de chômage.
> L’espace de rencontre et d’échanges. Dans le cadre d’une entrée libre, il s’adresse tout particulièrement aux personnes salariées,retraitées, en activité, questionnées par la problématique du chômage. Il s’agit, dans cet espace de rencontres et d’échanges, de travailler surle lien social qui se distend entre chômeurs et non-chômeurs, sous forme d’entretiens individuels, d’échanges informels, de groupes de parole oud’activités autour de la Boutique sur les questions du chômage et de l’emploi, comme par exemple l’opération « 100 idées pour l’emploi »,lancée dans chaque Boutique.
Trois principes déontologiques sont également à la base des Boutiques :
> la gratuité des services
> une vitrine et la porte ouverte à toute personne intéressée de près ou de loin par l’emploi sans devoir dévoiler son parcours ou son identité
> l’hétérogénéité des publics dans les animations collectives.
À Braine, les différents partenaires mobilisés autour de la dynamique de création d’une Boutique ont tous été formés à laméthodologie des Boutiques Clubs Emploi : Forem, ALE, Maison des jeunes, CPAS et autres associations. Depuis l’ouverture en juin 99 de la Maison de l’Emploi de Braine, les diversservices qu’elle offre ont suscité plus de 500 visites et 11 Clubs et 5 Réseaux ont été organisés. Tous les acteurs locaux pour l’emploi y sontreprésentés : Forem, T’Intérim, Carrefour Formation, Mission régionale du centre, CPAS, commune, PME Création, services ALE, … Il est possible d’ycompulser les offres d’emploi, les annuaires téléphoniques, de contacter les employeurs, de créer ou de réactualiser son CV, de trouver de l’info sur tous les »tuyaux » de l’emploi et de la formation, de rencontrer d’autres personnes dans la même situation, autour d’une table ou encore d’obtenir un rendez-vous avec uneconseillère-emploi, dans le cadre du « Libre service à l’emploi ».
Démystifier certains lieux communs
« Notre but n’est pas de faire de la recherche pour de la recherche, explique Claire Houart, cheville ouvrière de la Maison de l’emploi de Braine et coordinatrice de celle-ci. Pluslargement nous voulons susciter un débat entre acteurs locaux, qu’il s’agisse de travailleurs sociaux, de demandeurs d’emploi ou du grand public. » La Maison a ainsilancé à deux reprises une opération baptisée « 100 idées pour l’emploi ». Son objectif étant de susciter une « réflexion-action » au niveau local,autour du thème de l’emploi. Dans la foulée, une autre initiative, elle aussi inspirée par l’expérience hexagonale, a fleuri : le « Néocafé del’emploi », sorte de conversation-débat autour de l’emploi.
Des actions qui toutes, sous-tendent une démarche pour le moins claire et peu répandue : éviter de leurrer les gens en liant l’obtention d’un emploi au suivid’un groupe et ne pas laisser planer le doute quant au nombre suffisant d’emplois pour tout le monde. Mais aussi permettre aux personnes d’évoluer dans leur projet de viesans pour autant viser exclusivement l’emploi. « Nous n’hésitons pas à aborder lors des réseaux d’échange des thèmes comme ladémystification des chiffres du chômage, du miracle américain, le phénomène de la globalisation, etc. », précise Claire Houart. Un discoursjusqu’à présent peu rencontré dans les milieux institutionnels de formation et de recherche d’emploi…
1. Voir AE n°96 du 23 avril 01, p. 10 e
t 20.
2. Cabinet Arena, rue du Moulin de Meuse, 4 à 5000 Beez, tél. : 081 23 47 11, fax : 081 23 47 64.
3. Maison de l’Emploi de Braine-le-Comte, rue Ferrer, 11 à 7090 Braine-Le-Comte, tél. : 067 55 05 00, fax : 067 55 05 01.
4. Asbl Symbiose, rue des Bluets, 1 à 7160 Chapelle-lez-Herlaimont, tél. : 064 44 99 94, contact : Eric Bernard, Maison de l’emploi de Chapelle-lez-Herlaimont, rue Barella, 50à 7160 Chapelle-lez-Herlaimont, tél. : 064 46 09 18, contact : Aurore Urbano
5. Même si les associations en question sont souvent proches de la commune et des CPAS. La ME de Braine-le-Comte émane de l’asbl « Braine Emploi » et celle de Chapelle-lez-Herlaimontde l’asbl « Symbiose ». Les six autres maisons de l’emploi pilotes reposent sur l’existence antérieure de Slaie.
Archives
"Le projet de la ministre Arena : réactions et focus sur la Maison de l’emploi de Braine-le-Comte"
catherinem
07-05-2001
Alter Échos n° 97
catherinem
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