Confronter des jeunes en grande difficulté à la réalité du Burkina Faso est un pari risqué, mais souvent gagnant pour les associations qui organisent ces départs. Encore faut-il préparer le retour de ces jeunes avec le même souci. Le Beauplateau l’a compris.
Rien que pour l’année passée, dix mineurs ont participé au projet « Rupture » du Domaine Beauplateau1 au Burkina Faso. Un engagement de six mois avec suivi et préparation en Belgique, plus de deux mois de séjour sur place dans une famille d’accueil et participation à plusieurs formations, et suivi au retour pour concrétiser au maximum les bienfaits de l’expérience. Car si les premiers temps du séjour sont souvent difficiles pour ces jeunes en perte totale de repères, le retour à la réalité est un piège à déjouer au plus vite.
Karim a 15 ans. Il est rentré depuis six semaines à Nivelles. Ses mots, le ton de sa voix, tout chez lui témoigne du chemin parcouru : « Je voulais partir pour m’éloigner de mes soucis, réfléchir et découvrir un autre mode de vie. Au début, j’avais du mal à accepter l’éloignement, à m’adapter. Mais après, je ne voulais plus rentrer ! J’ai rencontré plein d’amis, j’ai fait de la menuiserie, du secrétariat… Je savais que ma vie n’était pas en Afrique, mais le retour à la réalité a été dur. Par contre, j’étais pleinement conscient de la chance que j’ai eue. Aujourd’hui, dès que je n’ai pas le moral, je repense à l’Afrique et à ce que j’y ai appris. Ici, je suis suivi, j’ai des réunions. Et surtout, je garde le contact avec mes amis africains, ce qui m’aide beaucoup. »
Avant son départ, Karim avait des rapports très difficiles avec sa famille. Pendant son séjour, pour préparer son retour, les responsables de Beauplateau ont été en contact constant avec sa maman. « Il a changé à 100 %, a appris le sens des valeurs et a énormément mûri. Avec tout ce qu’il a appris en Afrique, il ne se laisse plus abattre et va de l’avant. Le suivi avec Beauplateau est très régulier, pas question de lâcher l’enfant à son retour, ils vérifient son moral, son état d’esprit, le degré de ses motivations. Mon fils, à 15 ans, a aujourd’hui un bagage unique pour affronter la vie. Le suivi c’est aussi les contacts qu’il garde là-bas. Son éducateur africain prend de ses nouvelles via Facebook, il ne se sent plus seul. »
Pas de miracles, mais beaucoup de positif
Pas de triomphalisme chez Madame Loiseau, responsable du projet « Rupture » en Belgique, mais la conscience du bien-fondé de ce type d’initiative. Des couacs, il y en a, mais très peu. « Visiblement, l’une des choses primordiales pour le jeune est de garder le contact avec l’Afrique. Nous avons toujours accordé beaucoup d’attention au retour et, si la Communauté française nous en donne les moyens, nous voulons intensifier son encadrement. Il n’est pas question que le soufflé retombe. Le jeune revient en ayant appris quantité de choses mais pour lui, rien n’a changé en Belgique. Nous nous devons de l’accompagner. Nous organisons des discussions, nous les poussons à rencontrer d’autres jeunes, ils échangent des impressions, des photos. Le suivi, c’est aussi de montrer à la famille que leur enfant a changé, qu’il a accompli des choses. Il y a l’histoire de ce jeune en très grande rupture avec ses deux parents. Nous avons donc préparé ce retour, travaillé avec la famille. Pour finir, ses parents ont été l’accueillir à l’aéroport. Ensuite, nous avons demandé à Solidarcité (asbl axée sur le volontariat des jeunes) de prendre le relais pour continuer à le suivre et à l’aider.
Ne rêvons pas, l’Afrique… ce n’est pas Lourdes, ils ne reviennent pas tous miraculés, mais avec une plus grande confiance en eux. Il y a des engagements, une scolarité qui reprend, des formations. De nombreux jeunes mettent en place des parrainages d’enfant africain. Il s’agit vraiment d’un projet sur la durée. »
De février 2011 à février 2012, 10 mineurs ont été envoyés au Burkina Faso par Beauplateau. Leurs dossiers émanaient du Tribunal de la Jeunesse de Bruxelles, de Verviers, Liège, et du SPJ d’Arlon ou de Neufchâteau.
1. Domaine de Beauplateau, Beauplateau, 1 à 6680 Sainte-Ode – tél. : 061 68 80 43 – site : http://www.beauplateau.com