Plus de 100.000 procédures de règlement collectif de dettes sont actuellement traitées par les tribunaux du travail du pays. Le principe: trouver des arrangements pour que les personnes paient leurs dettes, de manière étalée, en conservant de quoi vivre décemment. L’arrondissement de Liège gère près d’un quart des dossiers ouverts en Belgique, soit plus de 25.000. Audiences et gestion d’un tribunal: le quotidien d’une des plus grosses juridictions du travail et de son président, Denis Maréchal.
2 novembre 2015. 14 heures tapantes. Cet après-midi-là, dans l’annexe sud du très moderne palais de justice de Liège, une des salles d’audiences est réservée aux règlements collectifs de dettes. Dans la salle «John Cockerill» (ça ne s’invente pas), tout équipée de bois blond, treize affaires ont été fixées au rôle. Elles ne seront pas toutes examinées, faute de «combattants». Mais devant le juge du travail qui est ce jour-là présent à l’audience, David Desaive, accompagné de sa greffière, la pile de dossiers affiche une belle hauteur.
Des personnes surendettées et leurs médiateurs de dettes se sont installés dans la salle, des médiateurs «non accompagnés» attendent également leur tour. À l’énoncé de leur dossier, ils s’approchent du juge et de la greffière.
La procédure est publique, mais on ne comprend pas toujours les tenants et aboutissants de chaque affaire car le langage juridique est codé, les dossiers parfois en cours depuis plusieurs années et les médiés qui s’expriment ne le font pas nécessairement de manière très intelligible, impressionnés d’être devant un tribunal et n’ayant pas l’air de bien comprendre ce qui leur arrive.
Un peu la Cour des miracles
Une affaire épinglée parmi d’autres: un couple arrive clopin-clopant devant le juge, accompagné de son médiateur de dettes. Soit un avocat en toge qui, d’emblée, demande la révocation du dossier. Si celle-ci est prononcée, le couple se retrouvera à nouveau face à ses créanciers, à d’éventuels huissiers même si leurs maigres allocations ne laissent pas espérer grand-chose. Selon le médiateur, le couple en règlement collectif de dettes ne collabore absolument pas à la procédure, ne lui transmet pas les informations demandées. Le médiateur a besoin d’être informé des revenus et charges du ménage afin d’établir un plan de paiement qui permettra de fixer le budget et la quotité à réserver au remboursement des créanciers. La requête en RCD a été déclarée admissible en 2013 et depuis, plus rien. Enfin, rien pendant près deux ans: depuis l’annonce de l’audience de ce jour, des informations sont arrivées au compte-gouttes, ainsi que des pièces justificatives. L’avocat est calme, mais semble bien décidé à clore le dossier.
La femme et l’homme sont assez âgés et ne sont pas en bonne santé. Ils sont arrivés ensemble, mais on apprend vite qu’ils se sont séparés après l’introduction de la procédure. Ils n’ont pas informé le médiateur de cette situation. Or cela change considérablement la donne budgétaire du couple. Séparés mais pas divorcés car ils n’en ont pas les moyens. À cela le juge répond qu’ils n’ont qu’à demander l’aide juridique gratuite pour entamer la procédure de divorce. Tous deux vivent d’allocations de remplacement qui tournent autour des 1.000 euros: le chômage pour Monsieur, qui est passé de 300 euros comme cohabitant à 950 euros, étant désormais isolé, et des allocations de mutuelle de 1.130 euros pour Madame. La séparation rend les choses plus compliquées car les frais individuels de chacun sont évidemment plus élevés que lorsqu’ils vivaient ensemble. Après avoir écouté le médiateur de dettes qui dépose l’ensemble des pièces comptables du dossier, ainsi qu’une demande de paiement de ses honoraires pour ses interventions, le juge s’adresse à Madame et Monsieur successivement. Voulant sans doute bien faire, Madame explique au juge qu’elle est de bonne volonté, qu’elle a pris contact de manière spontanée avec les contributions pour payer deux dettes de 125 euros et de 72 euros, il y a peu. Réaction plutôt courroucée du magistrat: «Mais Madame, vous êtes en règlement collectif de dettes, vous ne pouvez pas payer des dettes comme ça, sans en avertir votre médiateur. C’est interdit, vous favorisez certains créanciers au détriment d’autres.» Réponse apeurée, la voix en sanglots de la dame appuyée sur sa canne: «J’ai voulu bien faire, je me suis serré la ceinture pendant plusieurs semaines pour y arriver.»
De son côté, Monsieur tente d’expliquer qu’il voudrait bien reprendre toutes les dettes à sa charge: «Je me sens responsable de toute cette situation et je suis très ennuyé que ma femme dont je suis séparé soit impliquée par le remboursement de ces dettes.» À cela le juge répond, tranchant: «Ces dettes sont communes, ce n’est pas à vous de décider qui doit les payer.» Le ton un peu radouci, le magistrat demande au médié comment il se débrouille pour vivre avec si peu d’argent et celui-ci, de répondre: «Oh je fais de temps en temps des petits concerts dans des cafés: cela me permet de boire quelques verres et de manger des petits sandwichs, cela améliore un peu le quotidien.» Une phrase lâchée sans y prendre garde mais qui déclenche à nouveau l’ire du juge: «Monsieur, taisez-vous, je ne veux rien savoir de vos fraudes à la législation chômage. Vous rendez-vous compte que vous vous adressez à un juge du travail? Vous fraudez et m’en faites état sans complexe.»
La conversation se termine de manière assez abrupte, ainsi que l’audience pour ce dossier, l’avocat réitérant sa demande de révocation et le juge annonçant son jugement pour une audience ultérieure. Le couple devra attendre plusieurs semaines avant le verdict.
Encadré
À côté de la médiation de dettes amiable, où le médiateur cherche de manière individuelle des arrangements entre la personne surendettée et ses créanciers afin d’étaler le paiement, la procédure judiciaire de règlement collectif de dettes, qui existe depuis 2000, encadre cette démarche, en y apportant des garde-fous, un traitement égalitaire des créanciers, le contrôle du juge du travail. Si un plan amiable ne peut être dégagé, le juge pourra décider d’un plan judiciaire et si les conditions sont remplies, d’éventuelles remises de dettes. Si cette procédure permet dans certains cas de sortir des difficultés, elle nécessite aussi pour la personne surendettée des efforts pendant de longues années et une «mise sous tutelle financière», exercée par le médiateur de dettes judiciaire.
Des situations contrastées
Autre dossier, plutôt étonnant: une jeune femme d’une trentaine d’années et son médiateur de dettes s’avancent vers le juge. Les éléments du dossier: des charges presque aussi importantes que les rentrées financières (1.417 euros de charges pou
r 1.470 euros de rentrées de la mutuelle). Cela fait quatre ans que rien n’a été fait, rien n’a avancé. Pourtant, aujourd’hui, le médiateur présente un nouveau projet de plan avec un budget réaménagé, notamment concernant le poste alimentation qui passe de 500 à 250 euros. Plan à propos duquel le juge demande incidemment s’il est tenable, si ce poste alimentation ainsi raboté permet de vivre dignement. Au cours des échanges et des questions amenées par le juge, il ressort finalement que sur le compte de réserve, alimenté depuis quatre ans par des prélèvements effectués par le médiateur sur les rentrées de la médiée, une somme de près de 9.000 euros est consignée, alors que les dettes (sans les intérêts et les accessoires) s’élèvent pour leur part à… 6.700 euros. La question se pose: pourquoi ne pas proposer un plan pour remboursement de l’intégralité du capital? Si les intérêts et les accessoires sont abandonnés par les créanciers, il y a de quoi désintéresser tout le monde et payer les honoraires du médiateur. Le juge, incrédule, demande ce qu’on attend et inscrit l’affaire au rôle.
Les affaires se succèdent, certaines assez simples (la personne a déménagé en France, ne répond plus à aucun courrier du médiateur, ne verse plus son salaire sur le compte de médiation et ne rembourse pas ses dettes non plus), d’autres extrêmement complexes amenant à la barre plusieurs membres d’une même famille et quatre mandataires de justice (médiateurs de dettes et avocats), en toge et en civil. Le dossier comprend des dettes importantes (plus de 100.000 euros), mais aussi des immeubles appartenant aux débiteurs défaillants, un frère et une sœur tous deux en RCD. La valeur des immeubles s’élèverait à plus de 300.000 euros et pourrait donc couvrir le remboursement des dettes, mais on n’arrive pas à les vendre, pour plusieurs raisons: la mère des médiés qui dispose de l’usufruit sur les biens fait pression sur ses enfants pour les dissuader de vendre. Une partie des terrains se trouve sur le périmètre probable d’extension d’un zoning industriel, et la SPI, l’agence de développement pour la province de Liège, aurait un droit de préemption sur ces terrains. Le fils, lui, est récalcitrant à faire les démarches pour cette vente et raconte une histoire rocambolesque d’argent prêté par une amie (une nouvelle dette alors que le quidam est en RCD) pour retaper un des immeubles et le louer (alors que le même quidam est en incapacité de travail). Le juge s’enflamme une nouvelle fois. De son côté, la sœur semble de meilleure volonté, explique les démarches entreprises pour trouver des acquéreurs, mais semble complètement perdue quand le juge lui explique qu’elle doit faire appel à un avocat pour demander la conversion de l’usufruit de sa mère. L’incompréhension face à de telles notions juridiques, à mille lieues de son horizon de connaissances, est au rendez-vous. Quoi qu’il en soit, l’affaire est loin d’être réglée et demandera encore bien d’autres audiences.
Les dossiers se suivent et ne se ressemblent pas. Deux heures plus tard, le juge et sa greffière clôturent l’après-midi d’audience: la plupart des dossiers reviendront devant le tribunal pour que le juge prononce un jugement ou pour d’autres développements.
L’envers du décor
Alors que les audiences se déroulent au rez-de-chaussée, il faut monter au quatrième étage pour découvrir l’ensemble des troupes du tribunal du travail de Liège, auxquelles il faut ajouter celles de Verviers, Marche-en-Famenne, Arlon, Neufchâteau, Huy, Namur et Dinant. En effet, avec la nouvelle organisation judiciaire, le tribunal du travail de Liège comprend huit divisions et Denis Maréchal y officie comme président depuis le 22 mai 2014.
Le juge Maréchal gère 105 personnes (juges, référendaires greffiers, membres du personnel), parmi lesquels 25 magistrats. Un changement de taille: avant cela, il était président du tribunal du travail de Huy où seuls officiaient… deux juges (et le personnel y afférent). Rien que pour la division de Liège, on compte 12 magistrats. Comme l’explique Denis Maréchal, «il faut gérer la rareté car le cadre pour le nouveau tribunal du travail de Liège dans son ensemble prévoit 120 personnes; or, nous sommes 105 et je pense que, pour bien gérer ces dossiers, il faudrait être 30% au-dessus de ce qui est prévu. Le personnel actuellement disponible atteint péniblement les 90% du cadre. Dans le même temps, l’arrondissement judiciaire de Liège compte le plus haut taux de RCD du pays, à côté des autres compétences qui nous sont dévolues. Nous traitons aujourd’hui 25.000 des 107.000 dossiers de RCD, soit un quart des dossiers pour tout le pays. Je n’explique pas bien une telle concentration, même si Liège-ville, Seraing, Herstal sont clairement des endroits où la pauvreté se concentre: 80% dossiers de RCD proviennent de ces entités. À Namur, Dinant ou Huy, les dossiers sont également assez nombreux; or, ce sont des communes nettement moins pauvres. Peut-être qu’en fait plus un tribunal fonctionne bien, plus les recours sont nombreux car on sait que la procédure de RCD peut être positive.»
Si Denis Maréchal continue à officier comme juge du fond à Huy, deux fois par mois, il organise le contentieux de manière générale et assume la présidence de section du tribunal de Liège. Le fait que tous les juges soient désormais opérationnels dans la matière du RCD est une décision qu’il a prise dès son arrivée, entre autres décisions qu’il a énoncées dans son plan de gestion. «Ici à Liège, ils n’étaient que trois, quatre à faire du RCD, cela créait des tensions vu le volume important de travail. Depuis l’an dernier, tout le monde a son quota de dossiers RCD et c’est beaucoup mieux ainsi. Quelque 25.000 dossiers pour l’ensemble de l’arrondissement, 25 juges: les comptes sont vite faits. Chacun d’entre eux se charge de 1.000 dossiers de RCD en permanence.»
Pour le juge Maréchal, la gestion des ressources humaines est fondamentale car elle permet d’instaurer une meilleure collaboration entre tous et une meilleure ambiance. Ce n’est pas forcément évident car il faut gérer des juges de l’ancienne et de la nouvelle génération: ces derniers sont sans doute plus alertes, plus mobiles; de leur côté, les plus anciens ont plus d’expérience mais certains sont usés. Sur les 25 juges en fonction, 8 ont passé la barre des 60 ans et la pression du travail est plus forte aujourd’hui, avec 40% de travail supplémentaire en lien avec les RCD. Il faut également tenir compte du fait qu’une partie des magistrats ne sont présents au tribunal que pour leurs audiences et n’ont pas de bureau au palais. C’est plus difficile pour créer un esprit de corps. «Malgré cela, je pense que l’ambiance est meilleure, le nombre de jours d’absence du personnel a drastiquement chuté et les jours de remplacement par des juges suppléants, également. De mon côté, je m’occupe de l’homologation et des clôtures, ce qui les décharge aussi.»
Une gestion coordonnée, mais des kilos de papier
Depuis son entrée en fonction, le président du tribunal essaye aussi de créer une certaine harmonisation dans la manière
de traiter les règlements collectifs de dettes sur l’arrondissement de Liège, même s’il met l’accent sur l’indépendance des juges. «Chaque magistrat appréhende les situations comme il l’entend, dans le respect de la législation: cela peut aboutir à des décisions assez différentes pour des situations somme toute similaires. C’est inhérent à la justice, mais c’est difficilement compréhensible pour le justiciable. C’est pourquoi j’essaye de travailler à des méthodes communes dans la mise en œuvre de ces procédures. C’est important d’assortir les plans de mesures d’accompagnement pour faire en sorte que les personnes qui se retrouvent en RCD apprennent quelque chose. J’ai mis en œuvre un partenariat avec le Forem afin de proposer des formations qualifiantes aux médiés se trouvant au chômage. Une expérience est en cours avec Infor Familles pour proposer une formation à la gestion budgétaire et administrative aux personnes nouvellement admises en RCD. Cela concerne encore peu de dossiers, mais cela devrait être étendu. Je souhaite vraiment que la longue période pendant laquelle court le RCD puisse être profitable aux médiés.»
Le juge travaille aussi à cette harmonisation avec les médiateurs de dettes, le barreau, le centre de références des services de médiation de dettes sur la province de Liège (le GILS) en mettant au point des vade-mecum, des formulaires types, des objectifs (par exemple l’Optique 500, soit un délai de 500 jours au maximum pour établir un plan amiable), des formules mathématiques pour calculer la durée des plans judiciaires (la fameuse formule XIII: [√ P/A+ 0338] x 12 = D qui répond à la logique: plus le passif est important, plus la durée du plan doit être longue; plus le médié est âgé, plus la durée du plan doit être courte). Denis Maréchal recherche également une meilleure répartition des affaires entre tous les médiateurs et ce, dans toutes les divisions.
Si le juge Maréchal a la volonté chevillée au corps de moderniser le fonctionnement du tribunal et de résorber les retards dans la procédure, il reste tributaire d’une gestion papier des dossiers. Pas d’informatisation des dossiers, dès lors une pièce entière remplie de rayonnages couverts de dossiers de RCD. Onze mille dossiers: couverture rose pour ceux postérieurs à 2008, couverture bleue pour ceux antérieurs. Dans ces dossiers, toutes les pièces: requête, avis d’admissibilité, déclarations de créances, plan amiable ou judiciaire, avenants, également des copies de mails sur lesquels il est indiqué: «Une pensée verte pour l’environnement, ne m’imprimer que si nécessaire»… Chaque jour, des dossiers sont manipulés, transportés dans de grandes charrettes en métal, pour y ajouter certains documents, être placés dans les casiers des juges afin de préparer leurs audiences. Au moment de notre visite, cinq membres du greffe sont au -3 pour archiver les dossiers clôturés ou révoqués. Ils y passeront la matinée.
Retour à l’audience
Jeudi 23 novembre. Tribunal du travail de Huy. Denis Maréchal a revêtu sa toge et se prépare à traiter les dix dossiers à l’agenda de cette matinée d’audience. Cette fois, ce n’est pas en tant que manager du tribunal du travail qu’il intervient, mais bien comme juge du fond pour traiter des dossiers bien concrets, histoire de ne pas perdre le contact avec les réalités de terrain. Sur le pupitre du juge, une pile de dossiers papier attend le début de l’audience. Selon les vœux du juge Maréchal, les médiateurs de dettes, médiés et avocats de ces derniers, ont été convoqués de quart d’heure en quart d’heure, pour ne pas encombrer le tribunal et ne pas attendre inutilement. Le greffier M. Courtois organise l’audience et à 9 h 06 les audiences débutent.
Parmi les dossiers, plusieurs demandes de révocation: une première parce que le médié ne collabore pas avec son médiateur de dettes. Il a créé de nouvelles dettes en roulant en état d’ivresse, provoquant un accident dont le médiateur de dettes n’arrive pas à obtenir les détails, pas plus que les conséquences éventuelles sur un budget déjà fragile. Selon les explications du médiateur, «le médié a 36 ans, ne collabore pas loyalement, est limite harcelant, demande sans cesse des avances. En même temps, son passif est peu élevé: 5.000 euros de dettes. Mais il ne fait rien pour trouver du travail et éponger ses dettes». Sa situation ne semble pas optimale, le jeune homme est absent et la révocation pourrait bien être prononcée en décembre prochain par le juge. Autre cas délicat: celui de ce monsieur dont la médiatrice de dettes n’a plus eu de nouvelles depuis le mois de mai, alors qu’il collaborait plus ou moins normalement à la procédure avant cette date. La médiatrice a relancé le médié, mais il reste tellement silencieux qu’elle se demande s’il est encore vivant. Qu’à cela ne tienne, à la demande du juge, le greffier s’absente quelques minutes pour en avoir le cœur net: l’homme est toujours inscrit au registre national, en tout cas il n’y a pas été déclaré mort. Présents à l’audience, deux de ses créanciers, dont l’un est un ancien bailleur qui réclame près de 8.000 euros et se plaint de n’avoir encore rien récupéré (ce qui n’est pas exact, rétorque la médiatrice, puisque tous les créanciers ont déjà reçu des remboursements). Là encore, vu le silence radio du médié, la révocation semble être la seule solution, avec pour conséquence le fait que les créanciers pourront à nouveau entreprendre des poursuites contre leur débiteur, puisque la protection du RCD ne sera plus d’actualité.
Deux autres dossiers interpellent davantage le juge Maréchal car il s’interroge sur la pertinence de décisions qu’il a prises antérieurement: il s’agit des dossiers de deux médiés qui avaient demandé de poursuivre des activités commerciales dans le cadre d’un RCD. Ces dossiers reviennent devant le juge et présentent des difficultés importantes: l’un a contracté un prêt de 30.000 euros sans aucune autorisation pour poursuivre cette activité, en plus des 40.000 euros de dettes déjà enregistrées dans le cadre du RCD, alors que le juge avait bien circonscrit le cadre de cette activité et n’avait en aucun cas permis un tel prêt. Autre situation: celle d’une tenancière de bar, rivalisant de malchance, dont la faillite a été prononcée par le tribunal de commerce et qui se retrouve en même temps en règlement collectif de dettes et sous curatelle.
Une dernière affaire pour la route qui demandera sans doute à Denis Maréchal quelques recherches: la demande de décharge d’une caution personnelle alors que le RCD relatif au prêt pour lequel la sûreté avait été constituée, est clôturé depuis plusieurs années. C’est le fils de monsieur et madame qui s’était porté garant pour un prêt hypothécaire relatif à l’achat d’une maison d’habitation. Ayant accumulé des dettes, les parents se sont retrouvés en règlement collectif de dettes, l’immeuble a été vendu, n’épongeant pas l’intégralité de la dette hypothécaire. Dans le cadre de ce RCD, les parents ont bénéficié d’une remise de dettes. Les leurs, mais pas celle de leur fils, toujours co-emprunteur et inquiété aujourd’hui par le créancier hypothécaire. N’ayant pas à l’époque été informé de la possibilité d’être déchargé de cette responsabilité, décharge prévue dans la loi, le fils se voit aujourd’hui réclamer plus de 26.000 euros. Le juge du travail est-il toujours compét
ent alors que le RCD est clôturé depuis des années? Si oui, peut-il considérer le fils co-emprunteur comme une sûreté personnelle? Un petit cas d’école que le juge Maréchal devra trancher au regard de la doctrine et de la jurisprudence.
Si l’audience a soulevé quelques points juridiques à trancher, c’est surtout la misère humaine et sociale dont ces procédures parlent. Accident de la vie, maladie, comportements inadaptés…: cette procédure a le mérite d’exister, mais soulève aussi bien des interrogations sur sa pertinence et son efficacité. Entre culpabilité ou je-m’en-foutisme exprimé par les médiés, aménagement du paiement des dettes par les médiateurs pour permettre le respect de la dignité humaine et lourdeur d’une procédure qui dure souvent des années et mobilise de nombreux intervenants, l’équilibre n’est pas facile à trouver.