Le cinquième colloque international co-organisé par l’Institut franco-allemand, la Fondation Roi Baudouin et la Fondation Robert Bosch les 27 et 28 octobre à Berlin s’estfocalisé sur l’émergence du regroupement familial en tant que nouveau phénomène migratoire vers les pays européens.
Bien que reconnue par une directive européenne de 2003 comme un droit accordant à toute personne séjournant légalement dans un pays européen lapossibilité de faire venir son conjoint et ses enfants mineurs, la procédure du regroupement familial fait régulièrement l’objet de réformes restrictives au niveaunational.
En Belgique, une nouvelle loi datant de septembre 2011 impose de nouvelles conditions de séjour (trois ans), de revenu (120 % du revenu minimum) et de logement pour tout candidatdésirant ramener son conjoint sur le territoire national. En France, la loi de 2006 impose en plus au nouveau migrant la signature d’un « contrat d’accueil etd’intégration » avec une évaluation du niveau linguistique et l’acceptation des « valeurs de la République ». En Allemagne aussi, lelégislateur a décidé d’imposer la connaissance de base de la langue pour faire chuter le nombre de 80 000 personnes qui obtenaient chaque année un titre deséjour permanent sur la base d’une simple demande de regroupement familial.
Yves Pascouau, de l’European Policy Centre, a souligné pendant le colloque le paradoxe apparent entre le niveau européen focalisé sur l’affirmation d’un droit fondamental etle niveau national qui tente de freiner les flux migratoires. Cet expert plaide pour une harmonisation des législations nationales afin d’aboutir à une convergence des règles auniveau européen.
En analysant les politiques d’intégration dans dix pays d’Europe occidentale, la chercheuse allemande Ines Michalowski est arrivée à dégager deux clubs de pays : ceuxqui imposent des restrictions minimales (Suède, Suisse, Belgique, Norvège, Royaume-Uni) et ceux qui imposent des restrictions maximales (Allemagne, Autriche, Pays-Bas et France), sanscompter le Danemark qui va carrément à l’encontre des dispositions européennes.
Inge Hellemans, du département « Inburgering » (intégration) de l’agence flamande des Affaires intérieures, a rappelé que lephénomène du regroupement familial se chiffrait à environ 9 000 visas par an (avec une concentration dans les trois grandes villes que sont Anvers, Gand et Bruxelles). Dansle top 5 des pays d’origine des migrants par regroupement, on retrouve le Maroc, la Turquie, les pays de l’ex-Union soviétique, le Brésil et les pays de l’ex-Yougoslavie. Comme enAllemagne et en France, les nouveaux migrants par regroupement en Flandre sont priés de signer un contrat d’intégration qui les oblige (sauf à Bruxelles) à suivre uneformation en langue, un cours d’orientation sur le marché de l’emploi et un cours sur les droits et les devoirs. Pendant l’année scolaire 2010, 5 750 nouveaux migrants ontsigné un tel contrat. Ce programme obligatoire n’est pas d’application pour les migrants vers la Wallonie ou Bruxelles où, d’après certains responsables locaux, règne uneabsence de politique migratoire.
Des carences francophones
Ce constat de carence francophone est partagé par Danielle Adriaenssens, directrice du département Etat civil de la Ville de Liège. Elle a témoigné de lacomplexité du système belge et du peu de moyens mis à disposition des agents communaux pour appliquer les dispositions légales : « La lutte contre lesmariages simulés est une compétence fédérale du ministère de la Justice, mais le regroupement familial entre dans les fonctions du ministère del’Intérieur tandis que la politique d’intégration est une compétence régionale. La décision de suspendre la célébration d’un mariage appartientà l’officier de l’Etat civil qui est un mandataire élu dont l’activité peut varier en période électorale. Son interlocuteur est le parquet (ministèrepublic), mais en matière de regroupement familial c’est l’Office des étrangers (un organisme dépendant du gouvernement fédéral) qu’il faut appeler pour avoir unedécision dans un dossier. En tant qu’agent communal de l’Etat civil, on est donc sans arrêt confronté à cette complexité et on nous demande, en plus, de remplir desfonctions de psychologue, de juriste, d’écrivain, de policier… sans nous fournir aucune préparation », conclut-elle.
– Philippe De Bruycker et Yves Pascouau (ULB) : Le regroupement familial à la croisée des droits européen et belge, Bruxelles, Fondation Roi Baudouin, 2011.
– Ina Lodewyckx (Université d’Anvers) et Johan Wets (HIVA, KULeuven) : Le regroupement familial en Belgique : les chiffres derrière le mythe, Bruxelles, Fondation RoiBaudouin, 2011.