On en parlait depuis quelques temps, la voilà. L’évaluation du secteur des EFT (entreprises de formation par le travail) et des OISP (organismes d’insertion socioprofessionnelle) estsur la table.
Si le cabinet d’André Antoine (CDH), ministre de l’Emploi, de la Formation et du Budget de la Région wallonne ne souhaite pas encore se prononcer à son sujet (le cabinetattend que la note soit présentée devant le Conseil économique et social de la Région wallonne), l’Interfédération des EFT/OISP1 s’est quantà elle prêtée au jeu. Réalisé par Comase, le document est volumineux (près de cent pages) et émet également une série de quatorzerecommandations. Il devrait également amener à un amendement du décret. « Il devrait y avoir une note d’orientation aux alentours de juin/juillet et puisrévision du décret », nous dit Erik Mikolajczak, secrétaire général de l’Interfédé qui affirme que la structure était plutôtfavorable à l’évaluation, « d’autant plus qu’elle est prévue dans le décret. ».
Premier constat
En ce qui concerne les constats effectués par l’évaluation, ils sont nombreux. Notons tout d’abord que celle-ci s’est basée sur les données disponibles pour lesstructures affiliées à une fédération. Sur les 168 EFT/OISP recensées en Wallonie, 152 ont été étudiées pour ce qui concerne lesanalyses quantitatives. Géographiquement, l’analyse de la répartition des opérateurs s’est effectuée sur base du découpage territorial de Forem-Conseil : Brabantwallon, Mouscron-Comines, Tournai-Ath-Lessines, La Louvière, Charleroi, Namur, Huy-Waremme, Liège, Verviers et Arlon-Luxembourg.
Quelques chiffres
Sur les 168 organismes de formation EFT/OISP, 55 % sont des OISP et 45 des EFT. Seules deux EFT et 11 OISP se trouveraient « hors fédération ». Lesopérateurs « fédérés » auraient accueillis, en 2009, 14 539 participants aux formations (73% en OISP et 23% en EFT).
38% des EFT/OISP seraient implantées à Liège et Charleroi ou dans leurs environs. Aucun opérateur ne serait recensé sur le territoire de Mouscron-Comines.
Elles organisent, au total, 388 filières de formation.
Un sixième des filières agréées cible le secteur des services aux particuliers. Une sur dix (9%) est centrée sur l’agriculture, la sylviculture ou l’horticulturealors que 12 % des formations sont consacrée au bâtiment et 10% au commerce et administration.
Les EFT/OISP affiliées aux fédérations ont dispensé plus de 5 435 295 heures de formation en 2009, ce qui dépasse leur quota d’heures agréées parla Région wallonne (4 980 833) de 9%. Trois-quart des opérateurs dispensent un nombre d’heures supérieur au quota déterminé.
Les bénéficiaires inscrits dans le secteur EFT/OISP sont majoritairement âgés de moins de 40 ans (71%) et fréquentent leur formation durant un peu plus de septmois (contre quatre mois en OISP). La durée moyenne de formation en EFT s’élève quant à elle à 1117 heures (436 en OISP).
Les EFT/OISP accueillent 6% des demandeurs d’emploi inoccupés en Région wallonne.
Premier constat : les formations mises en œuvre par ce secteur s’adresseraient bien aux publics visés par le décret2. Et ce même si une dérogation del’ordre de 20 % du nombre de stagiaires par filière de formation et par module est prévue dans le décret à l’endroit des demandeurs d’emploi inoccupés et despersonnes bénéficiant d’incapacités de travail. Ainsi, la catégorie des demandeurs d’emploi inoccupés depuis plus de deux ans représente 49% desbénéficiaires. Rayon dérogation, en 2008, le pourcentage de dérogations atteignait 11,8% en EFT et 7,3% en OISP.
Dans ce contexte, Comase suggère de limiter le taux de dérogation à 10%, une option qui ne remporte pas les faveurs de l’Interfédé. « Nous sommescontre, explique Erik Mikolajczak. Certaines structures dépassent leur taux, mais il s’agit d’un souci d’équilibre des groupes de formation », argumente-t-il.
Des disparités sous-régionales ?
Deuxième constat : les formations orientées métiers (en comparaison avec les formations « savoir de base » ou encore « développementpersonnel-orientations », également organisées par les EFT/OISP) concernent majoritairement (à 58%) des filières d’emplois et fonctions critiques, telsqu’éditées annuellement par le Forem. Néanmoins, si les formations semblent donc « bien orientées », l’évaluation observe unesur-représentation des filières dans le domaine de la santé, des services collectifs, sociaux et personnels ainsi que dans le secteur primaire. A l’inverse, les secteurs de lalogistique et du commerce font l’objet de peu de de formations alors qu’ils offriraient des opportunités d’insertion pour le public.
A parler de disparité, le texte note certaines différences sur le territoire wallon. Ainsi, si les opérateurs ont accueillis 6% des demandeurs d’emplois indemnisés en2009 (voir encadré), il existerait de fortes disparités sous-régionales. Au niveau sous-régional toujours, l’offre de formation serait également assez maléquilibrée, certains secteurs offrant des opportunités d’emploi étant très peu représentés au niveau des formations alors que d’autres filièresy apparaissent sur-représentées.
Dans ce contexte, l’étude note que ces disparités sous-régionales apparaissent comme le résultat d’un processus de construction de l’offre de formation initié,à la base, par des initiatives locales sans qu’il n’existe de pilotage centralisé de l’offre et préconise de procéder à un rééquilibrage progressif decelle-ci sur le territoire wallon reposant sur une approche holistique. Un cadre de référence, établit à l’échelle régionale et déclinédifféremment selon les sous-régions devrait décrire ce qui est attendu du secteur au cours des années ultérieures.
Un ensemble de propos et de suggestions qui fait réagir l’Interfédé : « Si on veut un cadre de référence, il convient selon moi de prendre l’ensembledes opérateurs de formation en compte, et pas que les EFT/OISP », déclare Erik Mikolajczak avant d’émettre quelques réserves sur l’offre de formation et sarépartition géographique telle que mentionnée dans l’étude : « Je trouve tout d’abord dommage de n’avoir pris en compte que les opérateurs ayantadhéré à une fédération. Deuxièmement, l’étude prend en compte le siège social
des asbl sans tenir compte d’éventuellesdécentralisations. Dans ce contexte, dire qu’il n’y a rien à Mouscron-Comines est inexact. »
Le financement par heure de formation maintenu ?
Concernant le mode de financement du système, l’étude note que le système actuel par heure-stagiaire (10 euros par heure de formation pour les OISP).
12 euros par heure de formation pour les OISP en ce qui concerne les filières de formation qui relèvent des secteurs de l’alphabétisation, de la remise à niveau et dudéveloppement personnel et pour les EFT) a pour mérite de clarifier de manière objective le montant de la subvention. Néanmoins, il aurait aussi des côtésnégatifs : une recherche quantitative de stagiaires afin de « maintenir le quota d’heures » ou une éventuelle augmentation des heures prestées en vue d’unereconduction d’agrément (« faire plus pour demander plus »).
Dans ce contexte, l’évaluation considère néanmoins que ce système doit être maintenu, mais qu’il pourrait être modulé. Le fonctionnement parheure/stagiaire pourrait ainsi tenir dans une fourchette comprise entre 10 et 13 euros adaptée notamment selon le coût de la formation, l’expérience utile de formateurs ou lapossibilité ou non de réaliser un chiffre d’affaire.
Notons également, on l’a vu, qu’un nombre certain d’opérateur semble réaliser plus d’heures que le nombre d’heure agréées. A ce propos, Comase note que« en termes de contrôle par les services compétents du SPW, le nombre d’heures ne semble pas un critère déterminant (…) les opérateurs disposent d’uncoussin de sécurité en termes d’heures prestées mais également de pièces comptables éligibles en cas de refus de certaines dépenses. (…) Ainsi, lesystème de contrôle entraîne non seulement des interprétations différentes entre les opérateurs et l’administration ainsi qu’au sein même de cettedernière mais ne semble permettre ni une évaluation des performances d’un opérateur ni un contrôle dynamique de l’utilisation des subventions. »
Elle souligne également la difficulté qu’il y a pour les structures à maintenir ou à recruter des formateurs en raison des contraintes de statut (APE, barèmes)et les difficultés qu’elles rencontrent pour établir des collaboration entre-elles ou à établir des passerelles, notamment vers le qualifiant.
De la diversité
Pour conclure, notons que le document de Comase fait remarquer que les opérateurs se caractérisent par leur diversité quant à la définition de leurs objectifs etde leur positionnement. Or, sans objectif affirmé, fait-il remarquer, l’exercice d’une évaluation des résultats est ardu. Avant de souligner que les mesuresréalisées au niveau du secteur ne prennent pas en considération les questions d’évaluation de l’impact des formation sur la trajectoire d’un stagiaire et donc descritères de réussite.
Dès lors, Comase note que les objectifs liés aux différentes activités du secteur et donc aux différentes filières mériteraient d’être mieuxdistingués et nuancés au sein de ce qui est qualifié largement d’insertion socioprofessionnelle. Dans ce contexte, il est également crucial, selon l’étude, deprendre en considération les difficultés de recrutement des stagiaires. Le fait de devoir accepter un ou plusieurs candidats ne répondant pas à l’objectif del’opérateur peut effectivement mettre à mal les objectifs de ce dernier. Or, d’après l’étude, tous les opérateurs ne partagent pas cette capacité desélection…
1. Interfédération des EFT-OISP :
– adresse : rue Marie-Henriette 19/21 à 5000 Namur
– tél.: 081 74 32 00
– courriel : secretariat.interfede@skynet.be
– site : www.interfede.be
2. Sont bénéficiaires les demandeurs d’emploi inoccupés depuis plus de deux ans ou ne disposant pas d’un niveau de diplôme correspondant au certificat d’enseignementsecondaire supérieur pour les OISP ou le deuxième cycle du secondaire pour les EFT